Les collectivités sont encore peu outillées contre les risques de corruption

Ces dernières années, la législation a renforcé les dispositifs de prévention contre les atteintes à la probité dans le secteur public local. Mais, selon une enquête de l'Agence française anticorruption (AFA), les mesures de ce type restent pour l'instant cantonnées aux plus grandes collectivités territoriales.

Un peu plus d'une collectivité sur dix a été confrontée à un ou des cas d'atteinte à la probité au cours des cinq dernières années, selon une enquête en ligne de l'Agence française anticorruption (AFA), un organisme mis en place par la loi "Sapin 2" de fin 2016.
Sur les quelque 3.300 agents et élus territoriaux ayant répondu - de manière anonyme - entre février et mai 2018 au questionnaire de l'AFA, 12% ont affirmé qu'ils ont eu connaissance de tels cas. Chez les représentants des communes, qui constituent 85% de l'échantillon des répondants, le résultat dépasse à peine 10%. Ces communes, qui sont le plus souvent de petite taille, "sont plus faiblement dotées en contrôle et en audit internes" que les autres collectivités, fait remarquer l'AFA. Qui refuse de conclure que le niveau de risque y serait plus faible. D'après les réponses, les cas de corruption sont plus nombreux dans les grandes structures territoriales. Près d'un quart des représentants des intercommunalités (23%), près d'un tiers de ceux des départements (31%) et pas loin des deux tiers de ceux des régions (61%) déclarent que leur structure a été confrontée à des cas de corruption dans les cinq dernières années.

Des services d'audit interne dans les plus grandes collectivités

Ces résultats pourraient avoir de quoi inquiéter, surtout s'agissant des régions. Mais l'AFA prévient qu'il ne faut pas "présumer que l’échelon régional constituerait un secteur à risque en matière d’atteinte à la probité". Comme les départements, cette catégorie de collectivité a "des moyens financiers et humains plus conséquents", son poids économique "est important localement" et le nombre de ses partenaires "est plus large que dans les autres collectivités". L'organisme en charge de la prévention et de la lutte contre la corruption dans les entreprises et les administrations précise encore que l'Union européenne fait obligation aux régions d’identifier leurs risques de fraude en matière de gestion des fonds européens. En fait, de très loin, les régions sont les collectivités qui ont mis en place le plus de moyens pour la détection des faits de corruption. Près de la moitié d'entre elles se sont dotées d'au moins trois mesures anticorruption (contrôle et audit internes, code de bonne conduite, référent déontologue, cartographie des risques…).
A l'instar de l'échelon régional, les départements et les villes de plus de 150.000 habitants ne sont pas restés inactifs en matière de prévention et de lutte contre la corruption. Une majorité de ces collectivités ont déployé des dispositifs d'audit interne. Avec un bémol, cependant : les services d'audit ont rarement été mandatés explicitement en matière de prévention de la corruption.
Lorsque l'on considère le secteur public local dans son ensemble, on s'aperçoit qu'il est caractérisé par la faiblesse de ses moyens de prévention. Ainsi, près de 60% des communes ayant répondu au questionnaire n’ont mis en œuvre aucune action anticorruption.

Les secteurs les plus vulnérables : construction et urbanisme

Aux yeux des répondants, les secteurs de la construction, des équipements et des bâtiments publics, de l'urbanisme et du foncier, de même que l'attribution des subventions présentent des risques de corruption plus grands (taux de réponse supérieur à 6% pour chacun de ces domaines) que la consultation des emprunts bancaires, le tourisme, la formation professionnelle ou le tourisme (moins de 3% pour chaque item).
En dépit de leurs modestes moyens humains et financiers, les petites collectivités "ne peuvent rester inactives" dans le domaine de la prévention de la corruption, estime l'AFA. "Elles peuvent à tout le moins concentrer leurs efforts sur la prévention des atteintes à la probité dans les processus clés", souligne-t-elle. Et ce grâce à des outils qui "doivent être adaptés à la situation spécifique de chaque acteur".
L'AFA rappelle que la loi lui a attribué un rôle de conseil auprès des collectivités territoriales. C'est à ce titre qu'elle a notamment conçu, avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) un cours en ligne sur les risques de corruption dans le secteur public local et les moyens de les prévenir. Les inscriptions à cette formation sont gratuites et ouvertes jusqu’au 21 décembre 2018.