Corruption - Corruption : les poursuites contre les élus ont doublé en vingt ans
L'Observatoire des risques de la vie territoriale de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), a rendu public, lundi 12 décembre, son rapport annuel 2016. Les données rassemblées par cet organisme ont récemment fait l'objet d'une analyse du Service central de la prévention de la corruption dans le cadre plus large de son rapport annuel publié (voir ci-contre notre article du 29 novembre). Le rapport de l'Observatoire en propose un présentation plus détaillée.
Doublement des poursuites sur vingt ans
Entre 1995 et avril 2016, l'Observatoire a recensé près de 3.000 élus locaux poursuivis pénalement pour des infractions en lien avec l'exercice de leur mandat local. Le nombre d'élus mis en cause n'a cessé de croître sur chaque mandature : 576 sur la mandature 1995-2001, 766 sur la mandature 2001-2008 et 1.176 sur la mandature 2008-2014.
La tendance à la hausse est cependant plus structurelle. En 20 ans, le nombre de poursuites pénales contre les élus locaux a doublé avec des cycles assez réguliers de deux-trois années de hausse consécutive suivies d'une année de baisse. Entre avril 2014 et avril 2016, 462 élus ont déjà été mis en cause. À ce rythme, l'Observatoire estime que près de 1.400 élus pourraient être poursuivis d'ici la fin de la mandature en 2020. "Si ces chiffres démontrent une nouvelle hausse des mises en cause et des condamnations, les procédures restent, au regard du nombre total d'élus locaux et de fonctionnaires territoriaux, très marginales", commente Jean-Luc de Boissieu, président de SMACL Assurances.
Manquement au devoir de probité, atteintes à l'honneur ou à la dignité
Les infractions imputées aux élus locaux sont, en premier lieu, les manquements au devoir de probité (corruption, favoritisme, prise illégale d'intérêts, etc.), puis, les atteintes à l'honneur (diffamation et dénonciation calomnieuse) et, enfin, les atteintes à la dignité (harcèlement moral, injures, discriminations, etc.). Concernant les manquements au devoir de probité, l'Observatoire a recensé depuis 1995, plus de 1.300 élus locaux mis en cause de ce chef. Entre les mandatures 2001-2008 et 2008-2014 le nombre moyen d'élus locaux mis en cause pour ce motif chaque année a quasiment doublé, passant de 45 à 88.
"Attention cependant à ne pas tirer de conclusions hâtives sur la santé de notre démocratie locale", souligne l'Observatoire. "Certains élus ont pu se méprendre sur la portée d'une infraction. C'est particulièrement le cas des infractions de favoritisme et de prise illégale d'intérêts qui peuvent être caractérisées sans que l'élu ait nécessairement recherché un enrichissement personnel ni même eu conscience de frauder la loi."
Les élus locaux poursuivis sont majoritairement issus des communes, ce qui est logique compte tenu de la part prépondérante des communes sur l'ensemble des collectivités territoriales. L'Observatoire note en particulier une "surexposition au risque pénal" des élus issus des communes de 10.000 habitants et plus.
"Traces indélébiles dans l'opinion publique"
Qui dit poursuite ne dit toutefois pas forcément condamnation. Entre 1995 et avril 2016, l'Observatoire a répertorié un peu près de 1.200 condamnations d'élus locaux toutes infractions confondues sur les quelques 3.000 élus poursuivis. Lorsqu'un juge est saisi, 64% des élus poursuivis sont condamnés. Autrement dit, 36% des élus poursuivis obtiennent une décision qui leur est favorable. Et encore, ce chiffre ne tient pas compte des classements sans suite. Pour autant, avertit l'Observatoire, "même soldée par un classement sans suite, un non-lieu ou une relaxe, une mise en cause pénale peut laisser des traces indélébiles dans l'opinion publique et causer des dégâts irréparables dans la situation personnelle des personnes poursuivies."