Archives

Elus - Corruption : 277 élus ont été mis en cause en 2014

Le Service central de prévention de la corruption (SCPC) a rendu public son rapport annuel, vendredi 25 novembre. Ce document de plus de 300 pages comporte une analyse statistique du "risque pénal" des élus et fonctionnaires locaux. Si seuls deux élus pour mille ont été mis en cause lors de la mandature précédente, le SDPC n'en appelle pas moins à un renforcement de la politique de prévention et de formation en matière de lutte contre la corruption.

Le Service central de prévention de la corruption (SCPC) a rendu public son rapport annuel, vendredi 25 novembre. Outre un focus spécifique sur "les atteintes à la probité dans le monde sportif", ce document de plus de 300 pages présente une analyse statistique du "risque pénal" des élus et fonctionnaires locaux, puis propose une typologie des infractions, en se basant sur les condamnations individuelles.

Deux élus sur mille mis en cause 

La décentralisation en France a induit des "pratiques corruptrices originales", justifiant "une évaluation et une typologie spécifiques dans ce domaine", relèvent les auteurs du rapport en introduction de cette étude. En l'absence de bases de données publiques, permettant de dénombrer particulièrement les mises en cause pour atteinte à la probité des élus locaux, fonctionnaires territoriaux et employés des organismes liés aux collectivités locales et à leurs organes de coopération, le SCPC fonde son analyse dans ce domaine sur les données produites par "l'Observatoire des risques de la vie territoriale" de la Société mutuelle d'assurance des collectivités territoriales (SMACL).
Il en ressort que si le "risque pénal" des élus et fonctionnaires territoriaux reste marginal, il tend à augmenter. En effet, si à peine plus de 2 élus pour 1.000 ont été mis en cause, l'évolution apparaît significative : +72% entre les deux dernières mandatures municipales, soulignent les auteurs.

Prévention, information et formation des élus et des fonctionnaires

Au cours de la dernière mandature, 1.224 poursuites ont été engagées contre des élus, dont 493 (40%) pour manquement au devoir de probité, tandis que les fonctionnaires territoriaux faisaient l'objet de 674 poursuites,  dont 321 (près de 48%) pour le même motif.
La hausse des mises en cause a été de 87% pour les élus et de 77% pour les fonctionnaires entre les mandatures 2008-2014 et 2001-2008. Rapporté aux nombres d'élus locaux et de fonctionnaires territoriaux, le taux de mise en cause pénale de ce chef de poursuite reste toutefois très faible : 0,99 pour mille élus locaux et 0,18 pour mille fonctionnaires territoriaux.
Pour le SCPC, toutefois, une hausse "aussi significative" de ce type d'infraction ne peut "qu'inciter à renforcer la prévention, l'information et la formation des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux, en vue de leur éviter la commission ou de la participation à l'infraction", des objectifs pour lesquels le Service avait formulé des recommandations dans son rapport 2013 (voir ci-contre notre article du 30 juillet 2014).
Sur la seule mandature 2008-2014, l'Observatoire SMACL a recensé 171 élus locaux et 85 fonctionnaires territoriaux condamnés pour manquement au devoir de probité. La moyenne annuelle des condamnations pour ce type de faits s'avère en hausse pour les élus (+28%), comme pour les fonctionnaires territoriaux (+18%).

Le contexte électoral de 2014

Pour l'année 2014, 277 élus ont ainsi été mis en cause, "soit le taux le plus élevé sur les 20 dernières années". Cette hausse s'explique en partie, selon le SCPC, par une meilleure efficacité des méthodes de recensement, mais aussi par le contexte électoral, avec la tenue des élections municipales, "propice aux poursuites pour des faits d'injures et de diffamations, voire de violences".
39% des délits réprimés concernent la prise illégale d'intérêts (contre 40% l'année précédente) ou son recel, 17% concernent le délit de favoritisme (contre 22% l'année précédente et 28% en 2012). Enfin, 23% des personnes mises en cause dans le panel étudié ont été relaxées.
70% des décisions concernent les mairies. 57% des personnes condamnées sont des élus, 25% des fonctionnaires. Sur les 56 condamnations (fermes ou avec sursis) étudiées par le SCPC, 66% des personnes ont fait l'objet d'une peine d'amende, tandis que 41% sont condamnées à des peines d'emprisonnement, "avec un quantum moyen s'établissant à 10,6 mois". Au final, malgré le faible nombre de personnes condamnées, "les fonctions de maire, et plus généralement d'élu local, peuvent être considérés comme constituant des zones à risques pour les atteintes à la probité dans les collectivités locales", conclut le rapport du SCPC.

Créé en 1993, le SCPC n'a pas de pouvoir d'enquête mais centralise et exploite des informations permettant d'appréhender le phénomène en France. Il cédera la place en 2017 à la nouvelle Agence nationale anticorruption, créée dans le cadre la loi "Sapin II". Placée auprès des ministres de la Justice et du Budget, celle-ci disposera d'un pouvoir de sanction administrative (voir ci-contre notre article du jeudi 10 novembre).