Territoires - Les collectivités en vitrine au Salon de l'agriculture
Parce que le Salon de l'agriculture est aussi une immense tribune, les collectivités, entre deux cortèges présidentiels et ministériels, ne manquent pas d'y promouvoir leurs initiatives. L'édition de cette année, du 19 au 27 février, n'a pas dérogé à la règle. Les offensives de communication des collectivités se sont concentrées sur trois thèmes majeurs.
D'abord, la crise agricole. "Le revenu des agriculteurs de Midi-Pyrénées est inférieur d'un quart à la moyenne nationale", a ainsi rappelé Martin Malvy, le président de la région. Avant de mettre en avant le rôle de sa collectivité : "Alors que l'Etat depuis dix ans s'est désengagé de ce domaine, nous avons consacré 26,5 millions d'euros à des mesures exceptionnelles, sur 2002-2010, pour faire face aux crises qui ont touché le secteur." Et d'annoncer la création d'une plateforme "offre alimentaire" pour mettre en relation les acheteurs de la restauration collective et les producteurs régionaux.
Même idée chez François Patriat, le président du conseil régional de Bourgogne : "Dans notre budget 2011, on va essayer d'inciter au développement de circuits de qualité régionale en soutenant, notamment, la création d'une plate-forme régionale d'achat de produits alimentaires avec la mise en relation des acheteurs et des producteurs", a-t-il déclaré au Journal de Saône-et-Loire. De son côté la région Rhône-Alpes a promis de nouvelles orientations anti-crise. Entre autres : "soutenir les filières agroalimentaires de proximité et les exploitations forestières ; dynamiser le cluster régional agro-alimentaire..."
Autre sujet porteur pour les collectivités territoriales : l'agriculture biologique. La région Aquitaine a ainsi profité du Salon pour annoncer la création d'un label bio régional... encore plus vert que les labels bio, car apposé sur des produits de proximité. "L'Aquitaine est la première région française pour la conversion des exploitations en agriculture biologique", a rappelé au passage Alain Rousset, le président de la région. De son côté, la région Rhône-Alpes réaffirmait son opposition totale à la mise sur le marché des OGM, au moment où une affiche de France Nature Environnement, représentant un suicide au maïs transgénique, faisait sensation.
Enfin le Salon a confirmé la vogue des marques locales et régionales. Il y avait eu le "Made in Jura", l'étiquette Sud de France (pour la filière bois du Languedoc-Roussillon), la marque Bretagne... L'heure était ces jours-ci aux marques dédiées à l'agroalimentaire. Martin Malvy a par exemple dévoilé son intention de créer "France du Sud-Ouest", une marque qui regrouperait les produits agricoles des régions Midi-Pyrénées et Aquitaine. Reste à se mettre d'accord avec le marketing aquitain.
La marque locale comme signature géographique
Les exigences de traçabilité des consommateurs, l'envie de consommer local... plusieurs facteurs concourent à dynamiser le marché des produits alimentaires régionaux, selon une étude du cabinet Xerfi présentée au Salon de l'agriculture. "C'est une tendance de fond qui ne cesse d'augmenter, même si le critère prix reste le plus important pour les Français", note Isabelle Senand, directrice de cette étude. "Le consommateur est en mal d'authenticité, la tendance du 'retour aux racines' est forte, comme le montre le développement des Amap, associations qui facilitent l'achat direct au producteur", estime-t-elle.
Si, selon l'étude, les exploitants agricoles devraient bénéficier de cette manne, l'industrie agroalimentaire, constituée pour l'essentiel de PME, est trop morcelée pour profiter pleinement de la tendance.
Pour remédier au problème, des marques locales se constituent pour les fédérer: Produit en Bretagne, Sud de France, Bravo l'Auvergne ou Fabriqué en Aveyron... "Toutes les régions développent leur marque avec d'excellents résultats", affirme Serge Gay, directeur de la centrale d'achats du groupe Auchan.
"Cela permet de redonner confiance à nos filières, de garantir une qualité du produit fini mais aussi d'améliorer l'image du département et d'obtenir des retombées touristiques", explique Jean-Claude Luche, le président du conseil général de l'Aveyron, venu sur le stand du département au Salon de l'agriculture célébrer la première année de la marque aveyronnaise qui estampille aujourd'hui les produits d'une cinquantaine d'entreprises. Côté agriculteurs, l'initiative satisfait : "C'est une forme de contractualisation. Ca nous dynamise et c'est aussi une reconnaissance du terroir, de la production géographique", se réjouit Jacques Molières, président de la chambre d'agriculture de l'Aveyron.
Chaque marque régionale dispose de son propre cahier des charges et ne peut se substituer aux certifications officielles de type "Appellation d'origine contrôlée/protégée" (AOC/AOP). Elles sont une signature géographique de l'origine des produits.
Si les marques ont décidement la cote dans les régions, les territoires à dominante rurale ne sont pas les seuls en piste… puisque la région capitale s'est désormais elle aussi mise aux couleurs du terroir.
Paul Arguin et AFP
La région lance Saveurs Paris Ile-de-France pour promouvoir ses produits agricoles
L'Ile-de-France lance "Saveurs Paris Ile-de-France". A la différence de la Bretagne ou de l'Alsace, il ne s'agit pas d'une marque ombrelle couvrant tous les aspects du territoire. La région et son bras armé en la matière - le Centre régional de valorisation et d'innovation agricole et alimentaire de Paris-Ile-de-France (Cervia) - entendent en effet mettre en valeur la dimension agricole de l'Ile-de-France.
Contrairement à une idée reçue, les trois quarts du territoire régional sont dévolus à l'agriculture et à la forêt. Près d'un tiers des communes est à dominante agricole et les deux tiers ont une "morphologie rurale dominante". La région compte 5.600 exploitations et près de 30.000 emplois agricoles, ainsi que de nombreuses entreprises agroalimentaires. En y intégrant le négoce, le secteur alimentaire regroupe 26.000 établissements et près de 148.000 emplois. Enfin, la région compte plusieurs produits phares, même si le grand public ne fait pas toujours le lien avec l'Ile-de-France : miel du Gâtinais, brie de Meaux et de Melun, haricots d'Arpajon, cresson de l'Essonne, asperges d'Argenteuil, sans oublier les mondialement célèbres champignons de Paris, produits désormais partout sauf à Paris.
La marque Saveurs Paris Ile-de-France se fixe pour ambition "de donner plus de visibilité aux produits alimentaires issus du terroir de l'Ile-de-France". Elle vise en premier lieu les Franciliens "vivant dans les villes, loin des lieux de production", et qui ont perdu toute notion de leur propre patrimoine agricole. Elle vise également les 40 millions de touristes qui viennent chaque année dans la région. Comme il est de règle, la marque s'incarne dans un logo "conçu pour véhiculer trois idées : le territoire (avec l'étoile à huit branches), l'appétence (avec le terme 'saveurs') et la gastronomie parisienne (avec la tour Eiffel)". Le logo se décline en trois versions complémentaires dotée chacune de sa propre couleur : le vert pour les produits agricoles cultivés ou produits en Ile-de-France ; le bleu pour les produits fabriqués par les artisans franciliens des métiers de bouche ; et le gris pour les produits des petites et moyennes entreprises de transformation agroalimentaire qui élaborent leurs produits en Ile-de-France. Pour arborer ce label et bénéficier des actions de promotion collectives menées par la région et le Cervia, les producteurs et entreprises candidats doivent s'engager à respecter un cahier des charges comportant des engagements dans trois domaines : "la valorisation du patrimoine régional (par l'utilisation de produits nobles du terroir), la préservation de l'environnement régional (par la valorisation des déchets, l'utilisation des énergies renouvelables...) et la dynamisation de l'économie régionale (par le recours à l'innovation, le souci de permettre à leurs salariés de se former...)". Une trentaine de producteurs ou d'entreprises agricoles ou agro-alimentaires ont déjà signé la charte permettant l'obtention du label et d'autres demandes sont en cours d'instruction.
Jean-Noël Escudié / PCA