Développement territorial - Les collectivités, chevilles ouvrières des circuits courts
Le bon sens près de chez vous contre la mondialisation anonyme ? Le scandale de la viande de cheval a remis au goût du jour les "circuits courts" alimentaires. Rien de très nouveau en apparence, plutôt un retour au vieux mode de production-consommation d'avant-guerre... Après avoir disparu pendant les Trente Glorieuses et les expériences communautaires des années 70 mises à part, les circuits courts sont réapparus par le biais des Amap (associations pour le maintien d'une agriculture paysanne), essentiellement dans le Sud-Est, région pionnière, le Nord et l'Alsace... L'Ile-de-France n'est pas en reste. A la frontière entre l'agglomération de Cergy-Pontoise et le parc naturel régional du Vexin, par exemple, la Bergerie de Villarceaux, spécialisée en agriculture biologique, tente de redonner vie aux échanges entre la ville et la campagne...
Mais les circuits courts ne se limitent pas à l'agro-alimentaire. Tous les secteurs dits de "l'économie verte" font aujourd'hui l'objet d'expérimentations. L'agglomération de Plaine Commune, en Ile-de-France, a par exemple engagé une démarche d'agenda 21 et réfléchit à la promotion d'éco-industries sur le territoire. La commune de Peyrelevade, en Corrèze, s'est fixé un objectif d'autonomie énergétique, tout en relançant la filière bois. Ville moyenne durement touchée par la désindustrialisation, Saint-Dié-des-Vosges mise pour sa part sur la reconstruction d'une chaîne de valeur qui va de l'enseignement supérieur à la production industrielle. Parallèlement, la ville poursuit une politique énergétique fondée sur les énergies renouvelables et la ressource locale...
Mais c'est peut-être la ville de Genève qui offre l'exemple le plus abouti. Elle a développé de nouveaux circuits innovants en matière d'énergie, de recyclage ou de financement de projets...
Ces cinq territoires ont été passés au crible dans un rapport intitulé "Politiques de développement territorial intégré : les circuits courts", fruit d'un partenariat entre l'Institut CDC pour la recherche et le programme de l'OCDE, Leed (développement économique et créations d'emplois sociaux). Le rapport montre que les circuits courts en sont encore aux balbutiements. Mais ils peuvent constituer une véritable alternative au mode de développement actuel, avec de vrais enjeux d'aménagement du territoire, à condition de se placer dans une stratégie locale de long terme.
Commande publique
Les collectivités locales ont un rôle de premier plan pour passer à ce changement de vitesse. "Tous les domaines d'intervention d'une collectivité peuvent constituer le point d'amorçage d'une politique de 'circuits courts' : développement durable, recyclage des déchets, développement des éco-filières, emploi local, écologie industrielle, développement solidaire, transition énergétique, etc.", insiste le rapport.
"A Saint-Dié, c'est l'investissement public dans la chaufferie biomasse qui a créé l'effet d'entraînement et assuré la taille critique de départ pour la mise en oeuvre d'un modèle énergétique de proximité", relèvent les auteurs. Mais ils constatent que l'arme de la commande se heurte aux règles du Code des marchés publics interdisant de privilégier les acteurs locaux...
Les collectivités ont toutefois d'autres cordes à leur arc : l'utilisation du levier foncier pour favoriser les filières courtes (soit dans les schémas d'aménagement, soit par la préemption), les actions de formation et de sensibilisation, l'animation de projets structurés (filières, logistique, infrastructures...), les outils de financement (fonds de prêts d'honneur, fonds de garantie)...
Le rapport plaide pour de nouveaux mode de gouvernance qui permettent de mettre en cohérence les différentes stratégies locales entre elles. "Les collectivités publiques se trouvent plus en position de facilitateur, de 'faire faire', que de conduite directe des projets. Elles doivent développer les modes de concertation avec les milieux économiques, les opérateurs, la société civile", recommande le rapport qui pose aussi la question de l'accompagnement des circuits une fois lancés.
Les auteurs reconnaissent que tous ses efforts sont aussi tributaires des choix nationaux et européens : "La relocalisation des 'externalités' sociales et environnementales mériterait d'être mieux pris en compte dans le système mondialisé qui est le nôtre."