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Patrimoine - Les collectivités bien décidées à sauver Lascaux 4

L'annonce, par Aurélie Filippetti, du retrait de l'Etat du projet Lascaux 4 (voir notre article ci-contre du 10 septembre 2012) a pris de court les élus concernés. La ministre de la Culture a expliqué cette décision - qui vise aussi plusieurs autres projets en cours - par la contrainte budgétaire et l'obligation de réduire le déficit de l'Etat. Mais les élus locaux ne sont pas décidés à entériner l'abandon de ce projet de création d'un centre international d'art pariétal reproduisant, sur plus de 5.000 m2, l'ensemble de la grotte et offrant ainsi au public l'accès à l'image fidèle d'un site fermé à toute visite depuis 1963.
Dans un communiqué du 10 septembre, Bernard Cazeau, sénateur (PS) de la Dordogne et président du conseil général, juge cette décision "surprenante, dans la mesure où la mise en oeuvre de ce grand projet structurant pour la Dordogne répond d'abord à la nécessité de sanctuariser la colline de Lascaux, ceci à la demande de l'Etat et de l'Unesco". Le même jour, Bernard Cazeau et Alain Rousset - le président de la région Aquitaine et celui de l'Association des régions de France - ont saisi le chef de l'Etat d'une demande d'audience, "afin de le sensibiliser sur les enjeux économiques et culturels du projet". Lors d'un point presse, Alain Rousset a été plus direct, rappelant que "les ministres ont des patrons, qui s'appellent le Premier ministre et le président de la République". Tout en admettant que "vu depuis l'Etat, on peut s'interroger sur un certain nombre de projets" eu égard à leur coût, le président de la région Aquitaine regrette les conditions de l'annonce faite par la ministre et notamment l'impression "d'une absence de considération".
Les élus concernés avancent plusieurs arguments. Tout d'abord, le retour de l'Etat sur l'un des engagements, matérialisé en novembre 2011, lors du lancement du projet à la préfecture de Dordogne (voir notre article ci-contre du 18 novembre 2011). Ensuite, les recommandations de l'Unesco et l'impact négatif que pourrait avoir un abandon du projet sur la demande d'inscription au patrimoine mondial d'un autre site majeur de la préhistoire, celui de la grotte Chauvet (voir notre article ci-contre du 23 janvier 2012). Enfin, les retombées économiques du projet, qui tablait sur 300 à 400.000 visiteurs annuels.
Quel que soit le sort de la démarche engagée auprès du chef de l'Etat, les collectivités - qui apportent 34 millions d'euros au projet - sont bien décidées à mener l'opération à son terme. Malgré la perte des 12 millions d'euros que devait apporter l'Etat - sur un coût total prévisionnel d'environ 50 millions d'euros -, Bernard Cazeau a affirmé que cette décision "ne remet nullement en cause la réalisation du projet" et que "Lascaux 4, dont je rappelle que le conseil général de la Dordogne est le maître d'ouvrage, n'est pas abandonné". Le jury du concours d'architecture doit d'ailleurs se réunir dans quelques semaines. De son côté, Alain Rousset "ne [se] fait pas de souci" et rappelle qu'"il peut y avoir des partenariats privés, on peut créer une fondation, il y a plein d'idées".
Devant cette mobilisation des élus, Aurélie Filippetti - si elle ne revient pas sur la suppression du financement de l'Etat - cherche à arrondir les angles. Dans un entretien à Rue 89 et au site d'information Aqui.fr, elle affirme que l'Etat est prêt à accompagner les collectivités "autrement que de façon sonnante et trébuchante, techniquement, scientifiquement, avec toutes les ressources humaines au service de cette merveille nationale". La ministre de la Culture se dit également prête à "aller chercher des partenariats privés et des fonds européens qui, en l'occurrence, sont tout à fait légitimes".