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Agriculture - Les chambres d'agriculture en marche vers leur réforme

Pour répondre aux exigences de la révision générale des politiques publiques (RGPP), les chambres d'agriculture doivent conduire une réforme de leurs métiers et de leur organisation. Les acteurs locaux sont ainsi amenés à se positionner à partir d'une trame nationale, pour arriver à une mise en oeuvre de l'organisation qu'ils préconisent sur les années 2010-2011.

Tout comme les chambres de commerce et d'industrie, les chambres d'agriculture doivent se réformer. Une réforme qui, inscrite dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) lancée par le gouvernement en juillet 2007, doit amener les chambres d'agriculture à se moderniser et à réaliser une économie d'importantes économies de fonctionnement., sur un budget total de 650 millions d'euros.
Les enjeux de cette réforme sont de deux ordres. Premier point : l'évolution des besoins de l'agriculture et des agriculteurs. Des besoins qui évoluent fortement depuis la réforme de la politique agricole commune (PAC). "On sort d'une réglementation datant des années 1970 et 1980 très structurante avec des chambres d'agriculture qui dispensaient des solutions techniques standard, efficaces, développées sur tout le territoire. Il y avait une homogénéisation des pratiques et les chambres d'agriculture avaient un rôle bien identifié, qui consistait à défendre la vision et les intérêts des agriculteurs et à les aider à innover", explique Etienne Regnaud, chargé de mission auprès du directeur de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), responsable de l'animation de la réforme. Mais depuis, les choses ont changé. "Les besoins sont plus spécifiques d'un territoire à un autre et on assiste depuis dix à quinze ans à une multiplication de modèles alternatifs : le bio, les circuits courts...", détaille le responsable de l'APCA. Du fait de marchés devenus beaucoup moins stables, les agriculteurs doivent aussi être plus réactifs. Sans oublier leurs revenus qui sont en berne. D'après les comptes prévisionnels de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), ils ont chuté de 34% en 2009, pour atteindre en moyenne 14.500 euros par an.
Autre enjeu de la réforme : modifier l'image des chambres d'agriculture, qui "doit progresser", de l'avis d'Etienne Regnaud. "Les agriculteurs ne comprennent pas bien ce que font les chambres. Par rapport aux structures coopératives qui ont des services pointus bien identifiés, nous avons une image un peu vieillotte." Alors, pour faire évoluer l'ensemble - organisation, services et image - l'APCA a choisi la concertation. "Nous ne voulions pas d'un schéma qui tombe d'en haut, à l'image de la méthode imposée au réseau des CCI car ce sont souvent des réformes que les gens ont du mal à s'approprier et qui sont mal comprises. L'idée est de faire participer les acteurs locaux à partir d'une trame nationale discutée ensemble", souligne Etienne Regnaud.

Mutualiser les compétences au niveau régional

Chaque région doit ainsi déterminer sa propre organisation à partir de cette trame. Et le couple président de chambre (qui est un élu) et directeur est en première ligne dans cette tâche. Ceux-ci discutent entre eux et font valider à leurs équipes le schéma de la réforme pour leur région. "Notre ministère laisse le temps à la profession agricole de se réformer, mais en même temps il faut qu'on prenne l'initiative pour éviter que l'Etat reprenne la main. Ca nous mobilise pas mal mais ça nous laisse en même temps au milieu du gué", détaille Bernard Rebière, directeur de la chambre régionale d'agriculture du Limousin. Les échéances sont souples, la mise en œuvre de la réforme devant s'étaler sur 2010-2011, mais la pression reste donc importante.
Plusieurs pistes sont avancées pour réformer les chambres d'agriculture. Première idée : développer de nouveaux métiers. "Sur un effectif total de 7.700 collaborateurs, nous en avons aujourd'hui plus de 1.000 qui sont spécialisés sur les questions environnementales, alors qu'il y a quinze ans, ce profit était presque inexsitant", détaille Etienne Regnaud. Autre piste de modernisation : développer de nouveaux services. Les chambres d'agriculture commencent ainsi à s'intéresser au conseil stratégique, pour aider les agriculteurs à prendre des décisions dans le cadre d'évolutions structurantes. Enfin, la rationalisation des services offerts par les chambres d'agriculture est considérée comme un moyen de réaliser des économies d'échelle. "Aujourd'hui les chambres d'agriculture essaient de fournir tous les services avec en moyenne 70 salariés. C'est peu pour être opérationnel, sachant que les besoins sont de plus en plus diversifiés, explique Etienne Regnaud. On a intérêt à positionner certains postes au niveau régional."
Les chambres d'agriculture de Bretagne ont pour leur part démarré cette transformation depuis plusieurs années. "Depuis quelques temps, on a analysé l'intérêt de travailler davantage ensemble pour créer des économies d'échelle. On a commencé par la recherche appliquée en rationnalisant le réseau des stations de recherche pour les spécialiser et les mettre en commun", explique Patrice Plet, directeur de la chambre régionale d'agriculture de Bretagne.

"On a à faire une révolution copernicienne !"

Au-delà de la recherche, quatre autres chantiers de mutualisation ont été identifiés dans cette région : la production de ressources destinées aux élus, la formation, les missions de service public et les fonctions support.
La chambre régionale d'agriculture du Limousin avance aussi vers ce type de mutualisation pour, à terme, souder les trois chambres - Creuse, Haute-Vienne et Corrèze - au sein d'une chambre régionale fédératrice. La mise en place de programmes mutualisés, avec un référent unique pour toutes les chambres du territoire, est ainsi en cours. "Ces programmes sont menés en partenariat avec les chambres mais sont portés par la chambre régionale. Un référent est désigné, chargé de la gouvernance du projet sans autorité budgétaire ni hiérarchique. Les programmes sont ainsi mutualisés sans qu'il y ait changement de lieu ni ajout de niveaux ou de liens hiérarchiques", explique Bernard Rebière.
Le Limousin compte aussi mettre en place des "chefs de mission", chargés de conseiller les élus dans leur décision sur des thématiques diverses : politique de l'eau, environnement, réglementation, trame verte et bleue... Enfin, la région souhaite instaurer des services communs pour créer des économies d'échelle. Une réforme qui reste encore principalement écrite sur le papier, même si le budget des programmes mutualisés a déjà été décidé (200.000 euros), mais dont on connaît déjà les freins. "Les conditions d'emploi entre les quatre chambres du Limousin ne sont pas harmonisées, ça freine le projet", insiste Bernard Rebière. Même problème pour la région Bretagne. "Il y a aujourd'hui des inquiétudes de la part des salariés, mais nous ne diminuerons pas les charges par des licenciements ; nous profiterons des opportunités, comme les départs à la retraite ou les départs volontaires", détaille Patrice Plet, qui explique qu'il faudra aussi harmoniser les statuts de chacun...
Autre difficulté : la gouvernance des élus. "Aujourd'hui, les élus ont un mandat départemental et non régional. Si on crée des commissions au niveau régional, les élus seront quand même obligés de consulter au niveau départemental, cela va être très lourd à gérer !", détaille le directeur de la chambre régionale d'agriculture du Limousin. Ce que prône la région Limousin pour éviter les doublons et la lourdeur des décisions : des commissions thématiques au niveau régional et des commissions transversales au niveau départemental. De ce côté, en Bretagne, les choses sont aussi en train de se mettre en place, avec une alternance de réunion des bureaux régionaux et départementaux pour aboutir à des décisions prises ensemble.
Quoi qu'il en soit, il faudra que toutes les régions aient dessiné leur principe d'organisation d'ici au 24 mars 2010, pour une mise en œuvre de ces orientations politiques sur les années 2010 et 2011. "Ca avance bien, rassure Etienne Regnaud, mais on a à faire une révolution copernicienne : offrir plus de services tout en développant notre rationalisation économique. Le point le plus difficile est la culture de gestion, qui est encore trop faible." C'est aussi pour cette raison que le niveau national a décidé de développer ses compétences d'appui et de conseil au réseau et de lancer douze services nationaux mutualisés d'ici la fin 2012.
 

Emilie Zapalski