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Biodiversité - Trame verte et bleue : les chambres d'agriculture posent leurs exigences

Le 24 novembre, la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Chantal Jouanno, a rappelé à la centaine d'élus et techniciens des chambres d'agriculture réunis à l'occasion d'une assemblée sur la trame verte et bleue (TVB) que des "dérogations à la TVB seront possibles pour tenir compte de projets d'intérêt général". Plusieurs intervenants se sont en effet interrogés sur la portée juridique de ce futur outil d'aménagement du territoire. L'ambiguïté de son application repose en fait sur la notion de "prise en compte", telle qu'elle est pour l'heure retenue dans le cadre du projet de loi Grenelle 2 qui, une fois voté, donnera lieu à un décret attendu pour juillet 2010. Si cette notion vise à permettre de conserver sur le terrain une souplesse d'application, elle introduit un certain doute quant au poids juridique de l'outil. "Le projet de loi Grenelle 2 n'est pas encore en adéquation avec l'engagement du Grenelle sur la question de l'opposabilité aux grandes infrastructures. Surtout, le discours de plus en plus entendu, selon lequel la TVB sera faite à moyens juridiques et financiers constants, est inacceptable au vu de l'enjeu", insiste ainsi France Nature Environnement (FNE).

 

Un manque de lisibilité

"On s'interroge tant sur la lisibilité des dispositifs que sur le mécanisme de compensation des atteintes portées à la TVB, ainsi que sur les contreparties financières éventuellement versées aux agriculteurs", a pour sa part ajouté Jean Louis Cazaubon, vice-président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA). Il a aussi rappelé que les agriculteurs sont les premiers protecteurs de la biodiversité et qu'il faut donc prendre en compte leurs avis. Il réclame qu'un processus de consultation identique à celui mené dans le cadre de l'élaboration des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), qui préfigurent selon lui la trame bleue, soit mis en œuvre pour élaborer la trame verte en concertation avec tous les acteurs concernés. "Les trames sont réfléchies de façon à ce que tous les acteurs territoriaux y adhèrent, leur réussite passera donc forcément par la concertation", a tranché Chantal Jouanno.

 

Sensibiliser les élus

Concernant les élus locaux, les représentants des chambres d'agriculture ont tour à tour souligné leur enthousiasme mais aussi leurs inquiétudes sur ce sujet. Leur point de vue a le mérite d'être clair : puisque les intercommunalités et communes auront à prendre en compte dans leurs documents d'urbanisme (Scot et PLU) le schéma régional de cohérence écologique - soit la pièce maîtresse du dispositif de la TVB, dont les orientations globales sont en cours de définition - les communes doivent être dès maintenant sensibilisées et les agriculteurs ne plus tarder à faire entendre leurs voix. Ces derniers gardent en effet en travers de la gorge le "forcing" mis en œuvre pour constituer il y a peu le réseau Natura 2000. "A condition qu'elle n'impose ni de nouveaux zonages, ni un gel de territoires, et que les mesures de gestion à mettre en œuvre soient négociées et contractualisées avec les agriculteurs, nous pouvons trouver un intérêt potentiel à la TVB, à savoir limiter par ce biais la consommation d'espaces agricoles", a motivé Rémi Bailhache, président de la chambre d'agriculture de la Manche et en charge à l'APCA du groupe Biodiversité. Enfin, le témoignage d'un représentant de la chambre régionale d'agriculture des Pays-de-la-Loire, une région où émergent des initiatives dispersées, a permis de conclure sur l'urgente nécessité d'un meilleur décryptage des enjeux "afin que les élus puissent arrêter une posture et une stratégie partagées, notamment pour la définition des trames aux différentes échelles et pour leur traduction dans les documents d'urbanisme".

 

Morgan Boëdec / Victoires-Editions