Les assistants médicaux et les CPTS peinent à émerger
Les négociations entre l'assurance maladie et les médecins libéraux achoppent pour l'heure sur deux sujets pourtant présentés comme des éléments clefs de la stratégie santé en matière d'accès aux soins : d'une part la création de 4.000 postes d'assistants médicaux pour alléger le travail des médecins, d'autre part le développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Les ultimes réunions, les 17 et 18 avril, de la négociation engagée à la mi-janvier entre l'assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux ont échoué à trouver un accord sur deux sujets clés de la réforme du système de santé, prévue par la stratégie "Ma santé 2022", annoncée par Emmanuel Macron le 18 septembre 2018 (voir notre article ci-dessous du même jour). Il s'agit en l'occurrence de la création des assistants médicaux, qui doivent soulager les médecins libéraux d'un certain nombre de tâches pour leur restituer du temps médical, et des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui doivent inciter les praticiens à une meilleure coordination, y compris avec les autres professionnels de santé présents sur un territoire (infirmiers, pharmaciens, kinés...).
Assistants médicaux : un accord de principe, des modalités à affiner
Le principe de création des assistants médicaux avait été bien accueilli, d'autant que la barre avait été placée assez haut, avec l'annonce du financement de 4.000 postes sur la durée du quinquennat (ce qui devrait libérer l'équivalent de 2.000 médecins en termes de temps médical), et même davantage si la mesure prend bien. L'assistant médical doit en effet décharger le médecin d'une partie des formalités administratives et d'un certain nombre de gestes simples : préparer le patient, peser, mesurer, prendre la tension…
La négociation conventionnelle avait permis des avancées significatives, comme la prise en charge pérenne du coût d'un assistant médical (estimé à 36.000 euros par an). Au lieu de l'aide transitoire initialement envisagée, l'assurance maladie a finalement proposé une aide de 36.000 euros la première année, 27.000 euros la seconde, puis 21.000 euros les années suivantes. De même, en contrepartie de cette aide, les médecins devaient s'engager non plus à augmenter le nombre de leurs consultations comme envisagé à l'origine, mais à accroître le nombre de patients dont ils sont le médecin traitant (de 5% à 20% selon les situations), avec pour objectif de réduire le nombre de patients qui ne trouvent pas de médecin traitant (environ 8% des adultes).
Mais, si l'idée de partager un assistant médical entre deux ou trois médecins est bien admise (par exemple au sein des maisons de santé), les négociations ont buté sur l'obligation d'intégrer une CPTS pour en bénéficier, sauf cas particuliers de médecins isolés géographiquement dans des zones tendues. De même, les médecins de certaines spécialités jugées moins tendues (ORL, gynécologie-obstétrique, stomatologie...) s'insurgent d'être exclus du dispositif. Un accord devrait toutefois pouvoir être trouvé et l'assurance maladie doit faire de nouvelles propositions dans les prochains jours.
CPTS : la crainte de "l'usine à gaz"
La situation semble plus complexe pour les communautés professionnelles territoriales de santé. Contrairement aux assistants médicaux, annoncés en septembre 2018 dans le cadre du plan Ma santé 2022, la création des CPTS remonte à la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (dite loi Touraine), qui définit cette communauté comme "composée de professionnels de santé regroupés, le cas échéant, sous la forme d'une ou de plusieurs équipes de soins primaires, d'acteurs assurant des soins de premier ou de deuxième recours [...] et d'acteurs médicosociaux et sociaux concourant à la réalisation des objectifs du projet régional de santé".
Mais les CPTS n'ont jamais vraiment décollé depuis lors, comme le soulignait un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) à l'automne dernier (voir notre article ci-dessous du 28 septembre 2018). Lors du lancement de Ma santé 2022, Emmanuel Macron avait cependant qualifié l'exercice médical isolé d'"aberration" devant disparaître. Le gouvernement entend donc relancer le dispositif et a fixé un objectif de 1.000 CPTS en activité à l'horizon 2022, contre environ 200 aujourd'hui. L'assurance maladie apporterait un financement annuel de 175.000 à 360.000 euros - selon la population desservie - pour financer un local, le matériel, un directeur médical coordonnateur...
Mais le projet butte encore sur différents points. Échaudés par de précédentes expériences de coordination, les médecins sont inquiets devant un dispositif assez complexe, qui mêle missions obligatoires (amélioration de l'accès aux soins et à un médecin traitant, facilitation de l'accès aux soins non programmés, recours à la télémédecine, organisation de parcours pluri-professionnels autour du patient, actions territoriales de prévention...) et missions optionnelles (actions en faveur de la pertinence des soins, de l'engagement des professionnels de santé sur le territoire...).
Sur un plan plus matériel, les syndicats de médecins estiment que la participation des professionnels de santé aux CPTS devrait être rémunérée, dans la mesure où elle se fera nécessairement sur le temps de travail médical ou sur le temps de loisirs (en soirées notamment pour les réunions).
La négociation continue...
En dépit de ce double constat d'échec, les négociations ne sont pas rompues pour autant. L'Assurance maladie va faire de nouvelles propositions dans les prochains jours sur les deux dossiers. Une nouvelle réunion de concertation est d'ores et déjà fixée au 9 mai sur la question des assistants médicaux. Aucune date n'a en revanche été arrêtée pour les CPTS.
L'enjeu est de taille également pour le gouvernement. Présentant, en novembre dernier, les priorités et le calendrier de la stratégie Ma santé 2022, Agnès Buzyn avait alors cité, au rang des quatre mesures "les plus prioritaires", qui doivent être engagées "immédiatement", le développement des communautés professionnelles territoriales de santé et la création des premiers assistants médicaux... (voir notre article ci-dessous du 20 novembre 2018)