Développement local - Les agences de développement économique à l'heure de la décentralisation
"Le nouvel acte de décentralisation ne devra pas imposer un moule territorial rigide et uniforme à tous les territoires." C'est l'une des conclusions principales du Cner (Fédération des agences de développement et des comités d'expansion économique) dans une étude sur l'évolution des agences de développement économique, présentée à l'occasion de son congrès qui se tenait à Vichy, les 20 et 21 septembre 2012. Ces agences souffrent de plusieurs freins : la baisse des moyens financiers des collectivités territoriales, leurs principaux financeurs, les conséquences de la réforme des collectivités territoriales et la multiplication des acteurs du développement économique. Réalisée sur trois territoires (Bretagne, Midi-Pyrénées et Nord-Pas-de-Calais), l'étude dresse l'état des lieux des agences de développement dans ces régions et décrit leurs évolutions envisageables. Il en ressort une grande variété de situations et de nombreuses évolutions dans le rôle, l'organisation ou le fonctionnement de ces structures. Leurs statuts sont ainsi très divers. Certaines agences sont constituées sous forme de société d'économie mixte (Sem), d'autres de groupement d'intérêt public (GIP) et d'autres encore d'établissement public à caractère industriel et commercial (Epîc). Même chose du côté de leur financement. Le budget de ces agences varie entre 457.000 euros et 6,36 millions d'euros, pour un budget moyen d'1,6 million d'euros. Leur financement en revanche est quasi exclusivement public et provient en majorité de la collectivité de tutelle (région, département, commune, intercommunalité). Il tend toutefois lui aussi à se diversifier, avec de nouvelles sources de financement comme le conventionnement avec les EPCI, le développement, encore rare, de prestations payantes, et les conventions de revitalisation.
Le rapport du Cner fait apparaître quatre catégories différentes d'agences et établit pour chacune d'elles des scénarios d'évolution. Première catégorie : les agences spécialistes couvrant un territoire de moins de 300.000 habitants. Ces agences, qui sont aujourd'hui peu nombreuses, sont principalement spécialisées dans des actions exogènes (promotion, prospection, accueil d'entreprises extérieures). Leur évolution envisageable prend deux voies : l'élargissement de leurs compétences techniques ou de leur périmètre d'action. Autre catégorie : les agences spécialistes qui couvrent un territoire plus grand, plus de 300.000 habitants. Ces agences disposent d'une équipe relativement importante (10 à 15 personnes en général) et bénéficient de moyens financiers conséquents mais elles souffrent du décalage entre leurs moyens et les résultats qu'elles obtiennent. L'évolution envisagée par le Cner pour ces agences consiste en une fusion d'agences intervenant sur un même champ et un même territoire, et l'élargissement de leurs compétences techniques. L'agence régionale de développement de Bretagne a ainsi fusionné en 2011 avec l'agence régionale de l'innovation pour donner naissance à une nouvelle entité : Bretagne développement innovation.
Contractualisation avec les différents niveaux de collectivités
La troisième catégorie d'agences identifiée par le Cner correspond aux agences généralistes hors régions. Elles interviennent sur une commune ou un département et ont majoritairement des compétences endogènes (accompagnement des entreprises du territoire). Elles doivent jongler entre les besoins croissants des entreprises et la diminution des moyens financiers des collectivités. Le Cner leur propose de trouver un positionnement stratégique et d'identifier de nouvelles sources de financement. Enfin, dernière catégorie : les généralistes régionales. Elles ont une activité endogène (actions en direction des entreprises du territoire, marketing territorial, travail sur l'offre du territoire, conseil aux collectivités…). Le Cner estime qu'elles doivent aujourd'hui conforter leurs liens avec les relais locaux "pour asseoir leur légitimité et enclencher une véritable dynamique régionale", à l'image de Midi-Pyrénées Expansion qui a ouvert sa gouvernance aux échelons inférieurs.
Le Cner propose aussi des pistes d'évolution des agences de développement économique. L'une d'elle correspond à la contractualisation entre les différents niveaux de collectivités et à la mise en cohérence au sein d'un projet régional concerté et partagé. Un dispositif qui permettrait de répondre au besoin d'adaptation territoriale et d'éviter ce "moule territorial rigide et uniforme", redouté par le Cner. La contractualisation permettra aussi d'organiser les mutualisations de moyens, les partages de compétences, et l'application du principe de subsidiarité pour éviter les redondances, la concurrence et la multiplication des structures. Le Cner estime aussi que "l'Etat devra revoir le dimensionnement de sa présence sur les territoires et les modalités de son action", et "cela passera notamment par une délégation plus grande de ses compétences dans les outils partenariaux des collectivités". Enfin, il rappelle que sur certains territoires, l'échelon départemental s'impose comme un niveau intermédiaire essentiel. De quoi alimenter l'argumentaire des élus départementaux actuellement très attachés à défendre le rôle du conseil général en matière de développement économique.
Le Cner devrait pour sa part être plutôt saisfait des dernières déclarations du gouvernement autour la réforme de la décentralisation. Ainsi Cécile Dulfot déclarait-elle le 21 septembre à Metz lors du Congrès de l'Assemblée des départements de France que l'on ne peut pas établir de "blocs de compétences étanches" et qu'il faut "prévoir des ajustements de compétences reposant sur des contrats différenciés, qui engageraient tous les acteurs du territoire". Et c'est vraisemblablement dans cet esprit que devraient être créées les "conférences territoriales de compétences". L'idée de ces conférences, qui seront créées par la loi, est en effet de permettre aux différents niveaux de collectivités de "reprendre les choses en mains sur leur territoire" en s'accordant entre eux sur l'exercice des "compétences transférées ou déléguées", a pour sa part assuré Marylise Lebranchu.