Archives

Développement local - Les agences de développement économique en pleine évolution

Les agences de développement économique sont confrontées à de nombreux défis, comme la réduction de leurs moyens financiers et les conséquences de la réforme des collectivités. Le Cner, avec l'aide de SNCF Développement et du cabinet de conseil Katalyse, a cherché à imaginer les évolutions possibles face à ces nouvelles contraintes.

Réduction des budgets, évolutions institutionnelles, réforme des collectivités… Les agences de développement économique doivent aujourd’hui faire face à de nombreux défis. Le Cner (Fédération des agences de développement et des comités d’expansion économique) a décidé de s’attaquer à ce sujet en lançant une étude approfondie sur les évolutions actuelles de la stratégie économique des collectivités territoriales et de leurs agences de développement économique. Menée avec l’appui de SNCF Développement et le cabinet de conseil Katalyse, l’étude tente de retracer les évolutions du rôle et du positionnement des agences depuis 2010, notamment les nombreuses mutualisations de moyens mises en oeuvre, que ce soit entre elles ou avec d’autres acteurs du développement économique comme les agences de l’innovation, les comités départementaux du tourisme ou encore les intercommunalités. Elle porte sur trois territoires particuliers : Bretagne, Midi-Pyrénées et Nord-Pas-de-Calais, et proposera des options d’évolution envisageables pour ces agences dans les prochaines années. Localtis a demandé à Cécile Collot, consultante manager au bureau parisien de Katalyse, de faire le point sur ces évolutions que les agences doivent mener. Créées dans les années 1950, les agences de développement économique ont vu leur rôle réaffirmé par la loi Voynet de 1999. Le texte précise ainsi que "les comités d’expansion et les agences de développement économique, associations de la loi du 1er juillet 1901, créés à l’initiative des collectivités territoriales, peuvent assister les collectivités dans l’élaboration et la mise en oeuvre de leurs stratégies de développement économique". Chaque agence, sous statut loi 1901 principalement, est ainsi adossée à une ou plusieurs collectivités territoriales qui lui apportent l’essentiel de son financement. Ce sont des lieux de concertation pour ces collectivités, mais aussi des structures opérationnelles qui conçoivent et mettent en oeuvre des stratégies et des actions de développement économique sur leur territoire. "Mais au fil du temps, beaucoup d’acteurs supplémentaires sont arrivés sur le terrain du développement économique : les réseaux consulaires, l’Etat, les pôles de compétitivité, les technopoles… La question même du rôle des agences de développement économique se pose, explique Cécile Collot. Ce n’est pas une mauvaise chose qu’il y ait plusieurs acteurs dans ce domaine, à condition qu’ils arrivent à se coordonner. Et sur ce point, c’est tout à fait perfectible."

Un rôle d’ensemblier

D’après la consultante, les agences de développement pourraient justement jouer ce rôle de coordinateur, ou d’ensemblier, mais ce n’est pas simple pour elles, car "ce sont des outils au service des collectivités". Les agences ont aussi à faire face à une autre évolution : celle impliquée par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. D’après ce texte, les compétences des communes restent soumises à la clause générale de compétence, qui leur accorde une capacité d’intervention générale, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une énumération dans leurs attributions. En revanche, pour les conseils généraux et régionaux, à compter du 1er janvier 2015, ils devront régler les affaires de leurs collectivités respectives "dans les domaines de compétence que la loi leur attribue". Du coup, les conseils généraux ne pourront plus s’occuper de développement économique à partir de 2015 (sauf à s'entendre avec la région dans le cadre des schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services). Or, "de nombreuses agences de développement économique sont départementales", détaille Cécile Collot. La carte qui figure sur le site du Cner en témoigne. "Retirer un échelon dans le développement économique pour améliorer la lisibilité peut permettre une meilleure coordination mais à l’échelle régionale, on est loin du terrain, et ça peut poser des problèmes notamment aux territoires ruraux où ces agences départementales jouent un vrai rôle entre les communautés de communes, qui ont une taille insuffisante et des moyens financiers modestes, et les régions, qui n’ont pas la même approche du terrain",  précise Cécile Collot. D’où peut-être l’évolution actuelle des agences vers une intégration des communautés de communes. L’agence départementale du Loiret a ainsi conventionné avec 24 intercommunalités, dont la communauté d’agglomération d’Orléans-Val-de-Loire. L’agence départementale de l’Eure s’organise de la même façon, proposant aussi aux communautés qui le souhaitent de disposer, pour 15.000 euros par an, d’un chargé de mission deux jours par semaine.
Ces nouvelles organisations sont avantageuses pour les deux parties : d’un côté, la communauté d’agglomération bénéficie, sans coût de structure, d’une ingénierie directement opérationnelle et d’une expertise de qualité, de l’autre, l’agence départementale peut pérenniser son savoir-faire et sa connaissance du territoire.

La baisse des moyens financiers

Ce type d’organisation vient aussi pallier un autre problème auquel les agences de développement économique sont confrontées : la baisse de leurs moyens financiers. "Ces agences sont publiques, elles sont donc très impactées par la baisse des finances des collectivités territoriales. Elles doivent trouver d’autres sources de financement, et l’intégration de communautés de communes fait partie des solutions utlisées", explique Cécile Collot. En revanche, l’intégration d’entreprises privées, avec un rôle très important et un ticket d’entrée onéreux, comme cela peut se faire dans certains pays comme la Grande-Bretagne, n’est pas d’actualité en France. "En France, on pourrait aller vers ce type d’organisation car les agences sont des associations loi 1901 mais cela demande, en termes de gouvernance, des équilibres que la plupart des élus ne sont pas prêts à accepter, a souligné Laurent Sansoucy, directeur d’Oco Global consulting Paris, à l’occasion d’un séminaire du Cner sur les agences de développement européennes. Mais avec la baisse des finances, quelques territoires pionniers pourraient aller dans cette direction…"
Enfin, dernier point sur lequel les agences vont devoir plancher : l’évolution de leurs métiers et services. "Le marché a complètement changé et plus particulièrement la demande des entreprises, a détaillé Laurent Sansoucy. Souvent, les agences ont été créées pour des projets industriels avec l’objectif de trouver un site physique, des aides et des services d’accompagnement. Maintenant, près des deux tiers du marché correspondent à des projets tertiaires et les services fournis auparavant pour l’industrie n’ont plus d’utilité pour ces projets." De nombreux enjeux pour les agences de développement économique auxquels le Cner apportera des réponses les 20 et 21 septembre 2012, lors de son congrès annuel organisé à Vichy, à travers les conclusions de l’étude et les scénarios d’évolution des agences.