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Congrès des maires - L'élection directe des délégués communautaires n'est pas pour demain...

Le débat consacré par l'AMF ce 21 novembre au renforcement du lien entre le citoyen et l'intercommunalité s'est largement focalisé sur l'élection au suffrage universel direct des délégués communautaires. Michèle Alliot-Marie ne s'est pas exprimée sur cette question qui suscite toujours une forte opposition des maires.

Les maires de petites communes se montrent massivement opposés à l'élection au suffrage universel direct des délégués communautaires, qui signifierait selon eux la mort des communes. Un vote à main levée, véritable sondage en temps réel, effectué lors de la séance du Congrès des maires consacré ce mercredi matin au thème du "citoyen dans l'intercommunalité", vient une nouvelle fois d'en témoigner.
"Si on transfère le maximum de compétences aux communautés, si on baisse la DGF des communes et, enfin, si on organise l'élection au suffrage universel des délégués communautaires, les conseil municipaux ne seront plus qu'une coquille vide, a déclaré avec vigueur le président de l'association des maires de l'Aveyron, Gérard Descrozaille. La mairie sera désertifiée et on dira qu'elle n'est plus rentable. Ce sera le motif de sa suppression." Certains maires voient toutefois naturellement dans l'intercommunalité une bouée de secours pour leurs communes trop petites pour s'en sortir toutes seules. "Quelle crédibilité pour ma commune de 120 habitants ?", s'est par exemple interrogé le maire d'un village des Hautes-Alpes.
Malgré une opposition encore farouche, cette question du mode d'élection des délégués communautaires, débattue de manière régulière par les maires et les présidents de communautés, reste visiblement au coeur des interrogations sur l'avenir des territoires. Les édiles locaux en conviennent : les intercommunalités, qui lèvent l'impôt et disposent de budgets conséquents, doivent être responsables devant le citoyen. La question a été très tôt abordée dans le débat institutionnel, par exemple dans des rapports comme celui de la commission Mauroy en 2001. Un rapport qui préconisait d'instaurer l'élection au suffrage universel direct des conseils communautaires dès les élections municipales de 2007. L'échéance est aujourd'hui repoussée à 2014... Et c'est une bonne chose, ont réaffirmé mercredi certains élus, comme le maire de Chambéry, Bernadette Laclais, pour qui "avant de prescrire une ordonnance, il faut porter un diagnostic : de quelle intercommunalité veut-on ?". Pour d'autres, comme Jacqueline Gourault, vice-présidente de l'AMF et présidente de la commission Intercommunalité de l'association, il convient d'abord d'achever la mise en oeuvre de la carte intercommunale.
Jacqueline Gourault a rappelé combien l'Association des maires de France était viscéralement attachée à la préservation des communes et donc à un mode de scrutin qui fasse des délégués communaux l'émanation des communes. L'Assemblée des communautés de France (ADCF), représentée lors de cette table-ronde par son président Marc Censi, met pour sa part en avant le couple communes-communauté : selon elle, les délégués communautaires doivent être élus au suffrage universel direct au sein de la circonscription communale. Une solution qui, il est vrai, ne pourrait pas être mise en oeuvre telle quelle dans les communes de moins de 3.500 habitants, où le panachage des listes est possible.

 

"Un cadre souple répondant aux besoins"

Pour Marc Censi, il est légitime que certains élus - en particulier ceux des communautés urbaines et des grandes agglomérations - souhaitent aller plus loin, avec l'élection au suffrage universel direct des présidents de communautés.
C'est la solution qu'a préconisée Jean-Pierre Balligand, député-maire de Vervins, dans une récente proposition de loi. Le coprésident de l'Institut de la décentralisation, également présent lors du débat de mercredi, prévient qu'il ne s'agit nullement d'élire l'ensemble des délégués communautaires au suffrage universel direct. "Si on faisait cela, on tuerait la commune." Pour lui, il faudra un jour trancher : "Si on ne bouge pas, un jour l'élection au suffrage universel direct sera décrétée par le haut et ce sera la mort des communes."
La formule signée Jean-Pierre Balligand aurait pour intérêt d'associer davantage le citoyen à la vie démocratique intercommunale et de favoriser son sentiment d'appartenance à une intercommunalité. Selon un sondage réalisé pour l'AMF, 63% des Français savent que leur commune de résidence appartient à une structure intercommunale. "C'est finalement pas si mal", a estimé Jacqueline Gourault, pour qui "l'intercommunalité progresse dans les esprits de nos concitoyens". En revanche, 54% des répondants ne connaissent pas le nom de l'exécutif de leur intercommunalité. "C'est le chiffre le plus inquiétant, selon la vice-présidente de l'AMF. La personnalité d'un président est importante." Les élus ont d'ailleurs largement échangé, ce 21 novembre, autour de la nécessité de continuer à faire progresser le lien avec les habitants par l'information sur les activités de l'intercommunalité et par la participation.
Venant clore la table-ronde, la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a visiblement évité d'évoquer le thème de l'élection des délégués communautaires. Tout juste a-t-elle indiqué qu'elle souhaitait des regroupements "qui ne soient pas un carcan mais un cadre souple répondant aux besoins". "Ainsi une commune devrait-elle pouvoir s'associer avec différents partenaires en fonction des domaines concernés." Se disant pragmatique, elle s'est entre autres montrée préoccupée par la simplification du travail des élus locaux et par l'allégement des risques pénaux. "Je pense notamment à la commande publique, où la responsabilité du chef de favoritisme et de prise illégale d'intérêt ne correspond pas forcément à une intention frauduleuse." Le ministre de l'Intérieur souhaite ainsi un déclassement du délit de favoritisme en contravention pour les marchés inférieurs à 210.000 euros "quand les élus sont de bonne foi et qu'il s'agit d'une simple erreur matérielle ou procédurale".
Michèle Alliot-Marie a aussi souhaité qu'on réduise les contraintes dans la gestion du personnel, affirmant qu'il est "indispensable de prendre en compte la spécificité des petites villes" dans le statut de la fonction publique territoriale. Enfin, elle a jugé "nécessaire d'inscrire le partage des responsabilités" entre Etat et collectivités "dans une loi organique à laquelle chacun pourra se référer", une fois qu'aura été dressé le bilan de la décentralisation évoqué la veille par Nicolas Sarkozy.

 

Thomas Beurey / Projets publics