Magic Notary, interview de son président jean-Luc Girot
Jean-Luc Girot est président de Magic Notary. Il nous présente Magic Notary, une solution de collaborateur virtuel dédiée aux notaires, qui a pour objectif de faciliter la constitution des actes immobiliers.
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Parlez-nous de votre parcours : pourquoi le secteur notarial et pourquoi une LegalTech ?
Après une formation d’ingénieur en informatique, j’ai consacré l’essentiel de ma carrière de consultant auprès de grands cabinets de conseil à accompagner des grandes entreprises, tous secteurs confondus, dans leur réorganisation et dans leur transformation numérique. Magic Notary est née à la fois de l’envie d’entreprendre et celle de répondre à un besoin réel et existant pour des TPE-PME, qui n’ont pas les mêmes ressources que les grands groupes. Par exemple, les technologies IA, OCR, RPA permettant l’automatisation des tâches administratives coûtent très cher et sont de ce fait inaccessibles aux TPE-PME. Pourtant, elles ont également besoin d’automatiser certaines tâches.
C’est en discutant avec certains notaires de mon entourage que j’ai noté l’important volume de matière et de données à traiter dans les offices notariaux et remarqué la charge que cela représentait pour les équipes, notamment lors d’une transaction immobilière. J’ai creusé le sujet, bien identifié le besoin des notaires, c’est comme ça que Magic Notary est né !
Votre solution a pour objectif de faciliter la constitution des actes immobiliers via une assistance automatisée. Quels sont les constats qui vous ont amené à proposer cette solution ?
Plusieurs constats m’ont aidé à dessiner les contours de la solution proposée par Magic Notary. D’abord, presque tous les notaires que j’ai rencontrés ont indiqué que leur profession se modernisait sur beaucoup de sujets, comme la signature électronique par exemple, mais pas sur l’automatisation des tâches fastidieuses. J’ai donc réalisé une étude de marché et constaté par moi-même que seules quelques plateformes collaboratives permettant de partager des documents entre parties existaient. Mais d’après moi, ces plateformes ne traitaient pas le fond du problème. Les collaborateurs devaient encore interroger l’outil, l’alimenter, et cette organisation impliquait que chaque partie : notaire, client, agent immobilier, etc. joue le jeu ; ce qui n’est pas évident. Finalement, cela constitue une perte de temps pour les collaborateurs. C’est ainsi que j’ai compris le besoin des notaires de disposer d’un assistant virtuel, qui gèrerait seul ces multiples tâches à faible valeur ajoutée.
Le deuxième constat était humain : les tâches dont nous parlons sont pénibles, présentent peu d’intérêt pour les collaborateurs et les empêchent de se consacrer à leurs clients. Avec l’aide d’un assistant virtuel, comme Magic Notary, les collaborateurs d’un office pourraient donc retrouver le sens de leur métier et accompagner véritablement leurs clients.
Pouvez-vous nous expliquer comment la solution de Magic Notary s’articule avec les outils déjà existants notamment les logiciels de rédaction d’acte ? Les deux sont-ils complémentaires ?
Il est important de préciser que Magic Notary ne remplace pas les logiciels de rédactions d’actes ! Notre solution intervient en amont : Magic Notary collecte tous les éléments nécessaires après que le collaborateur et/ou le client a rempli un formulaire lui indiquant quelles pièces collecter en fonction du bien concerné. Il relance également les parties en cas de pièces manquantes.
A ce propos, il faut savoir qu’en fonction de ce que l’on vend, on ne demande pas les mêmes documents pour un bien en copropriété, un bien individuel, situé à la ville ou à la campagne. Si un collaborateur sort de sa zone de confort, il peut ne pas avoir les bons réflexes et ne pas penser à demander une pièce importante ou à l’inverse trop en demander. C’est pour cela que le questionnaire que nous avons créé est contextualisé, pour assurer une exhaustivité des pièces demandées et normaliser le processus de collecte. Une fois la documentation collectée sur la plateforme, le collaborateur n’a plus qu’à contrôler les pièces puis à cliquer sur un bouton pour que toutes les données soient exportées dans le logiciel de rédaction d’actes.
Comment assurez-vous la confidentialité des dossiers, et votre solution prend-elle en compte les exigences RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) ?
Toutes les données que nous traitons sont sensibles, il est donc essentiel que nous les protégions au regard des réglementations en vigueur, notamment RGPD. Nos systèmes sont extrêmement sécurisés, cryptés, et ils sont hébergés en France chez AWS. Magic Notary n’a par ailleurs pas vocation à conserver les données personnelles sur la durée.
Notre solution est conforme aux attentes de la CNIL et labellisée par le Conseil Supérieur du Notariat, qui a établi une charte pour les LegalTechs afin de les encourager à respecter les règles de déontologie de la profession notamment.
Quelles sont les difficultés, techniques, humaines, … que vous avez rencontrées lors de l’élaboration de MagicNotary ?
Nous avons rencontré quelques difficultés fonctionnelles et techniques lors de l’élaboration de la solution Magic Notary. Difficultés fonctionnelles d’abord, car nous ne disposions pas d’un cahier des charges prédéfini, il a fallu du temps pour comprendre la problématique des notaires et de leurs collaborateurs dans son entièreté. Au fur et à mesure du développement, nous nous sommes aperçus que le sujet était fractal : dès que l’on creusait un sujet, on se rendait compte qu’il pouvait en cacher un autre. Nous avons dû nous projeter dans tous les cas de figure possibles, pour ne manquer aucune spécificité.
Des difficultés techniques ensuite, car la construction d’un outil complétement autonome est complexe. Beaucoup de tests techniques ont été nécessaires afin de perfectionner le robot, pour que celui-ci se débrouille vraiment seul, sans que personne n’ait besoin d’intervenir pour le guider. C’est d’ailleurs ce qui explique la durée de développement : nous avons mis trois ans pour mettre au point notre service. Nous ne souhaitions pas intégrer de logiciels externes, qui parfois créent des dysfonctionnements lorsque l’on veut les interfacer et qui peuvent ralentir les applications. Nous sommes propriétaire de notre technologie et cela nous permet d’être indépendant et très réactif s’il y a un problème, car s’agissant d’un développement spécifique, nous pouvons rapidement le résoudre, ce qui est moins évident lorsque l’on est dépendants de logiciels sur lesquels on n’a pas la main.
Côté notaires, il y a eu quelques appréhensions au début de la part des collaborateurs, avec la peur que l’on invente une machine qui les remplace. Mais désormais il est clair pour tout le monde que ces technologies sont là pour les assister dans les tâches fastidieuses et à faible valeur ajoutée, que personne ne veut faire. Les notaires avec lesquels nous nous sommes associés dès le début sont très impatients d’utiliser Magic Notary, car il n’existe pas encore de solution comme la nôtre sur le marché !
Votre site internet indique que la solution sera ouverte aux études début 2022, appréhendez-vous ce lancement ?
Pas du tout, je suis très impatient au contraire ! Nous avons beaucoup testé notre technologie et rencontré un grand nombre de notaires qui nous ont beaucoup challengés : nous avons confiance dans notre dispositif et nous savons qu’il va répondre à un besoin existant pour une très grande majorité des offices.
Pensez-vous élargir votre solution à l’ensemble des activités du notariat, notamment concernant le droit de la famille et le droit du patrimoine ?
Plusieurs notaires nous ont posé cette question, il y a effectivement également une demande dans ces activités-là. Mais pas de précipitation : notre priorité est de proposer un excellent service en matière d’immobilier, qui soit parfaitement opérationnel.
Moyennant des adaptations, notre intelligence artificielle sera en mesure de traiter ces nouveaux sujets de droit de la famille et du patrimoine notamment, car la mécanique reste la même.
La pénétration du marché est-elle déjà difficile ou y a-t-il encore beaucoup à faire dans le monde notarial en termes d’innovation technologique permettant d’optimiser les études ?
De manière générale, il n’est pas aisé de pénétrer ce marché, les professionnels ont beaucoup de travail et peu de temps disponible pour recevoir des sollicitations extérieures de la part des LegalTechs. Mais de notre côté nous avons rencontré de nombreux prospects, la pénétration du marché devrait donc se faire assez vite.
Au-delà de ça, oui, il y a encore beaucoup à faire en termes d’innovation technologique dans ce secteur, et il faut notamment réfléchir à l’intégration des diverses solutions disponibles. Il est essentiel que nos solutions soient interopérables entre elles, pour ne pas compliquer la tâche des offices. Je crois en l’interopérabilité de systèmes perfectionnés, effectuant chacun une tâche très précise, plutôt qu’en un système trop généraliste qui prendrait en charge tout le processus mais pas de manière optimale.
Finalement c’est ce qu’il manque encore aujourd’hui : une intégration des solutions proposées par les LegalTechs, pour obtenir une plateforme simple d’utilisation et cohérente pour le collaborateur. La signature électronique à distance, les vérifications vidéos, la gestion des ressources humaines et de l’activité de l’office, … plusieurs tâches gravitent autour de la rédaction de l’acte et de la relation client, et l’interopérabilité n’est pas toujours évidente à l’heure actuelle.
Selon vous, les LegalTechs facilitent-elles la vie de tout public ? Les personnes âgées par exemple, moins formées aux outils informatiques, n’ont-elles pas des difficultés à utiliser ces solutions innovantes ?
Oui elles facilitent la vie de tous et toutes, absolument ! Les personnes âgées sont parfois réfractaires à l'informatique, mais nos solutions, au contraire, facilitent les processus administratifs pour ces personnes. Aujourd'hui, une personne doit naviguer entre plusieurs outils différents (plateformes du notaire, boîte email, Internet, …) mais notre technologie vient ajouter une couche entre l’utilisateur et internet, et simplifie la relation entre les deux, car les machines vont interagir entre elles sans besoin de concours de la part de l’humain. Les interfaces sont finalement beaucoup plus naturelles et simples.
Il faut cependant effectivement prendre en compte les difficultés de chacun, client comme notaire : ainsi le notaire peut choisir d’envoyer un questionnaire au client pour qu’il le complète, ou bien il peut le compléter avec le client à ses côtés, ou bien le remplir entièrement pour le compte de de son client. Ainsi, nous sommes adaptables aux différents profils de clients et aux différents besoins des études, en fonction de leur taille. Nous servons à la fois des études de grandes tailles qui sont à la recherche d'automatisation, mais aussi celles de plus petite taille qui n'ont parfois personne pour faire le travail.
Le mot de la fin ?
Le thème qui m'importe, c'est la qualité de vie au travail. Les clercs, assistants, … sont des professions chahutées chaque jour. Chez Magic Notary, on veut redonner du sens à leur profession afin qu’ils puissent davantage s'occuper de leurs clients et se documenter sur les évolutions du droit. La technologie doit permettre de raccourcir les délais de signature tout en donnant plus de transparence au client sur l’avancée de leur dossier. L’outil vient alors soutenir le notaire, c’est à la machine de s’adapter et non l’inverse.