Catastrophe naturelle - Le texte pour mieux prévenir le risque de submersion marine adopté en commission au Sénat
La commission de l'économie du Sénat a examiné le 26 avril deux propositions de loi identiques relatives au risque de submersion marine déposées fin 2010 par les sénateurs Bruno Retailleau (NI-Vendée) et Alain Anziani (PS, Gironde) qui ont été respectivement président et rapporteur de la mission d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia. Le texte de Bruno Retailleau, qui comporte une quarantaine d'amendements, a été adopté à l'unanimité, le groupe communiste réservant sa position pour la séance publique. Celle-ci aura lieu le 3 mai à 14h30.
La proposition de loi intégrant les amendements adoptés en commission repose sur deux idées forces, a expliqué Bruno Retailleau. "Pour faire oeuvre utile, nous n'avons pas voulu additionner de nouvelles règles mais faire en sorte que celles qui existent soient davantage liées les unes aux autres, afin d'avoir une vision intégrée du risque. Et nous souhaitons renforcer la culture du risque, quasi inexistante en France, avec des règles simples compréhensibles par tous." Le texte s'articule autour de quatre axes intégrant les différents volets de la chaîne du risque (prévision, prévention et protection des populations). Le premier consiste à mieux prendre en compte les risques d'inondations spécifiques au littoral. "Il s'agit d'intégrer ces risques littoraux - submersion marine et érosion - aux trois niveaux de prévision existants", a détaillé le rapporteur. A l'échelle des grandes façades maritimes, le texte prévoit l'intégration des submersions marines au sein des schémas directeurs de prévision des crues afin de modéliser les risques sur le littoral. A une échelle plus petite, il insère les submersions marines et l'érosion au sein des plans de gestion des risques d'inondation. Enfin, au niveau communal ou intercommunal, plutôt que de créer une nouvelle catégorie de plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), la proposition de loi veut imposer une prise en compte simultanée des crues et des risques littoraux au sein des PPRI.
Imposer la carte des risques aux documents d'urbanisme
Le deuxième volet du texte et sans doute le plus sensible concerne l'urbanisme. "Il y a partout une pression démographique, foncière et immobilière sur les côtes et nous devons disposer des outils pour y résister", estime Bruno Retailleau. "L'urbanisme n'a pas à s'imposer à la carte des risques, nous voulons renverser les choses". La commission a donc consacré pour la première fois le principe de la protection des vies humaines face aux risques comme un objectif du droit de l'urbanisme (article 4 du texte) et prévu que la carte du risque et la carte de l'occupation des sols devaient coïncider. Les maires disposeront d'un délai d'an pour mettre en conformité stricte les plans locaux d'urbanisme (PLU) avec les PPRI (article 5). Les cartes communales et les schémas de cohérence territoriale devront eux aussi coïncider avec la carte du risque. Le texte interdit également la délivrance de permis tacites dans les zones délimitées par les plans de prévention des risques (PPR) soumises à des risques particulièrement graves (article 6 bis). Il donne en outre au préfet tous les leviers pour faire respecter cette nouvelle hiérarchie : pouvoir de suspension d'un projet de PLU qui comporterait des dispositions contraires à un PPR approuvé, pouvoir de substitution à la commune si elle ne modifie pas son PLU dans le délai d'un an susmentionné.
Le plan communal de sauvegarde, vecteur de la culture du risque
Le troisième axe de la proposition de loi vise à mieux diffuser la culture du risque en sensibilisant les populations pour les aider à avoir des comportements adaptés en cas de catastrophe naturelle. Cela passe par plusieurs dispositions concrètes. Il s'agit d'abord d'étendre l'obligation faite aux communes d'adopter un plan communal de sauvegarde (PCS) à partir du moment où un PPR est prescrit sur leur territoire. "On ne peut pas attendre le stade de l'approbation du PPR, car cela peut prendre deux à trois ans", a justifié Bruno Retailleau. Le PCS doit comporter des éléments très concrets (adresses des personnes handicapées et/ou âgées, routes qui n'ont aucun risque d'être inondées, endroits où les habitants pourront se regrouper, etc.). Le texte veut aussi que le PCS impose la tenue régulière d'exercices de simulation pour que la population acquière des réflexes salvateurs face aux catastrophes naturelles. Il prévoit une diffusion régulière de ce plan auprès de la population ainsi que l'instauration d'une journée nationale de la prévention des risques.
La proposition de loi entend également améliorer l'efficacité de la gestion des ouvrages de protection, digues en tête. Pour les digues orphelines, si une carence est constatée dans leur entretien, le texte prévoit un transfert de la propriété privée vers la propriété publique. Il veut aussi renforcer les moyens de contrôle des ouvrages de défense contre la mer et rendre obligatoire, comme aux Pays-Bas, un rapport d'évaluation sur les ouvrages de défense contre la mer tous les six ans, qui serve de base aux plans d'investissement. Autre mesure préconisée : la définition par l'Etat de normes précises en matière d'ingénierie des digues et la diffusion des bonnes pratiques à travers un club des maîtres d'ouvrage de digues. Le texte propose aussi de créer un mécanisme de financement pérenne des investissements destinés à la protection contre la submersion marine en instituant un double mécanisme financier national, grâce au fonds Barnier et local, grâce à la taxe d'aménagement résultant de la réforme de la fiscalité de l'urbanisme qui entrera en application à partir du 1er mars 2012. "Nous avons obtenu que sur une même commune la taxe soit modulable jusqu'à 20% en fonction des zones géographiques. Nous souhaitons maintenant que son produit soit aussi affecté aux digues et pas seulement aux routes et aux réseaux", a expliqué Bruno Retailleau. Enfin, toujours au chapitre digues, le rapporteur a indiqué qu'il sera proposé à la ministre de l'Ecologie de porter un amendement gouvernemental pour que les 40% de subventions de l'Etat prévues par l'actuel plan Digues puissent servir à faire les travaux dès lors qu'un PPR est prescrit. "Encore une fois, si l'on attend le stade de l'approbation du PPR, beaucoup de collectivités risquent de ne pas bénéficier du plan Digues qui a une durée de cinq ans. Or, elles ont absolument besoin de cette participation de 40% de l'Etat pour financer les travaux", a mis en garde Bruno Retailleau.