Inondations - Plan Digues : les pistes du gouvernement pour protéger les "territoires à risque"
500 millions d'euros sur cinq ans : telle est l'enveloppe visée dans le cadre du plan Digues que Jean-Louis Borloo, ministre de l'Ecologie, a défendu le 13 juillet en Conseil des ministres. Destiné à mieux répondre aux risques de crues et d'inondations, ce plan sera soumis jusqu'en octobre à une concertation avec les collectivités, les associations, les parlementaires et le grand public. Pour le décliner localement, tout particulièrement en région, "une gouvernance sera mise en place en partenariat avec les collectivités territoriales, avec un échéancier étalé sur une période de 15 à 20 ans". Plus globalement, ce plan s'intègre à la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation, qui transpose en droit français une directive européenne prévoyant, entre autres, de définir des "territoires à risque", où des plans de gestion et des cartographies de surfaces inondables seront réalisés d'ici les cinq prochaines années. Dès lors, c'est bien le calendrier d'application de cette directive qui rythmera la mise en œuvre de ce plan, dont voici les grandes lignes.
Maîtrise de l'urbanisation, prévision et alerte
Dès 2011, les plans de prévention des risques naturels (PPRN) prioritaires à mettre en œuvre seront connus. La concertation dont ils feront l'objet se fera au niveau régional et départemental. Les PPRN des zones les plus sensibles "pourront être soumis à l'avis d'une instance nationale d'expertise sur demande des préfets". En matière d'aléas de référence, un toilettage méthodologique sera entrepris. Et côté administratif, les services de l'Etat se chargeront de mieux diffuser et valoriser les "Porter à connaissance" et les atlas des zones inondables. En zone à risque, le contrôle de légalité des permis de construire effectué par les services préfectoraux - dont le manque d'efficacité a été pointé du doigt par la mission parlementaire sénatoriale - va être remusclé. Par ailleurs, on peut s'attendre à ce que des collectivités du littoral soient tenues de faire évoluer leurs documents d'urbanisme, dans le cas où leur lisibilité est mise en doute.
Pour améliorer la prévention des risques, de nouveaux financements seront mobilisables en phase d'études ou de travaux sur un espace ou un bâti. Et au niveau national, un référentiel des règles de construction pour la vulnérabilité du bâti est prévu. Via les schémas de cohérence territoriale (Scot), l'émergence de stratégies intercommunales de prévention sera encouragée. Et, par département, un niveau de vigilance spécifique aux fortes vagues et submersions marines sera établi. D'importants progrès à réaliser en termes de modélisation et de topographie, mais aussi d'accès et de partage de la connaissance, devraient permettre d'affiner à terme la vigilance sur le littoral. Exemple : pour mieux anticiper les crues et avertir les acteurs locaux, un dispositif automatisé d'avertissement sera proposé en 2011 par Météo France. Il pourra être complété par des dispositifs locaux portés par des collectivités locales, qui pourront elles-mêmes trouver un appui en cas de besoin auprès des services de l'Etat. Pour fournir "une information opérationnelle aux préfets et aux maires", de nouveaux outils vont être imaginés, testés.
Ces propositions s'inspirant en grande partie des préconisations formulées par les parlementaires dans deux récents rapports (voir ci-contre notre article du 8 juillet), ces derniers en ont salué "l'affirmation nette qu'elles portent à la primauté des plans de prévention des risques (PPR) sur les documents locaux d'urbanisme (PLU, POS)". Les sénateurs se félicitent aussi de "la volonté du gouvernement d'accroître la couverture des communes en plans communaux de sauvegarde (PCS)".
Pour le gouvernement, cet accroissement est une "évidence". Pour y parvenir tout en réalisant des économies d'échelle, il met en avant l'approche intercommunale, l'appui qui peut être fourni par les conseils généraux et la mutualisation de certains outils de formation, de diffusion voire de labellisation.
Modernisation des digues marines et fluviales
Une liste de "zones inondables à risque important déclarées prioritaires" sera établie par les préfets en 2011. Certaines sont connues : il s'agit des zones prioritaires des plans grands fleuves et de celles qui disposent déjà d'un plan de prévention des inondations (Papi) opérationnel. Cette liste préfigurera l'identification des "territoires à risque" exigée par l'UE. Le recensement national des digues est en cours. Ces digues seront soit réparées (certaines doivent l'être d'urgence avant les marées d'équinoxe de septembre), soit mises en sécurité (du retard a été pris au niveau des diagnostics, qui se termineront au plus tard fin 2011). Le niveau de protection de certaines digues sera amélioré, à condition qu'il en soit démontré au préalable la nécessité.
Par ailleurs, cette esquisse de plan Digues précise qu'"aucune digue nouvelle ne pourra être autorisée pour ouvrir à l'urbanisation de nouveaux secteurs". Lorsque les digues n'appartiennent pas à l'Etat, les responsabilités sont plus floues et pour éclaircir la situation, un groupe de travail associant des représentants de l'Etat et des réseaux de collectivités planche actuellement sur la question, sous la houlette d'Eric Doligé, sénateur et président du conseil général du Loiret.
Culture du risque
Pour raffermir une conscience du risque qui, de l'avis de tous, fait nettement défaut en France, le gouvernement propose d'associer l'octroi d'aides locales à des actions de terrain simples et efficaces, telles que le marquage sur le bâti du niveau atteint par des submersions ou inondations passées. Cela pourrait même devenir une "condition obligatoire" pour se voir attribuer des aides. Quant aux inventaires et documents entretenant la mémoire des lieux, ils vont être encouragés - le ministère de la Culture promet de faire progresser la question. Il faut "améliorer la connaissance du phénomène", insiste le gouvernement, qui propose que les démarches de type études ou reconstitutions soient accélérées, en vue ensuite de "porter à la connaissance les restitutions et les analyses effectuées jusqu'à la population".
Reste le problème du financement, un point sur lequel ce plan ne reprend pas l'ensemble des recommandations des parlementaires. Ce point sera sûrement abordé de front dès l'ouverture de la phase de concertation, car le montage évoqué semble insuffisant pour supporter l'important effort de réparation, d'indemnisation, de prévention et de modernisation qui reste à déployer.
Morgan Boëdec / Victoires éditions