Cour des comptes - Le spectacle vivant en Auvergne-Rhône-Alpes : "une politique dynamique, un financement sous tension"
Le rapport annuel de la Cour des comptes 2017 a consacré un chapitre au spectacle vivant dans les collectivités locales d’Auvergne-Rhône-Alpes. Il constate "une politique dynamique, un financement sous tension, une gestion à rendre plus rigoureuse". Trois considérations qui sans doute s'appliquent à de nombreuses collectivités de France, urbaines et rurales, petites ou grandes.
Les dépenses culturelles des collectivités s'élevaient, en 2010, à 7,6 milliards d'euros dont les trois quarts viennent du bloc local. "Communes et les intercommunalités y consacrent respectivement en moyenne 8 et 7% de leur budget", rappelle la Cour des comptes, dans le chapitre dédié aux politiques des collectivités locales d’Auvergne-Rhône-Alpes en faveur du spectacle vivant, dans son rapport annuel 2017 rendu public le 8 février dernier.
La Cour souligne également que l'engagement des collectivités françaises en faveur de l’expression artistique et des activités culturelles "représente désormais un enjeu financier important (4,32 milliards d'euros en 2010), soit 58% de l’ensemble de leurs dépenses culturelles". Et le spectacle vivant dans sa diversité (théâtre, danse, arts du cirque, arts de la rue, arts de la marionnette, conte, opéra, cabaret, musique jouée en public...) constitue la part la plus significative de ce secteur.
Le chapitre du rapport annuel s'appuie sur l'examen, par la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes, de la politique de plusieurs collectivités locales de son ressort en faveur du spectacle vivant : communauté d'agglomération d'Annonay, ville et communauté d'agglomération de Clermont-Ferrand, Décines-Charpieu, Riom, Villefranche-sur-Saône, Villeurbanne. Elle a également examiné la gestion de plusieurs opérateurs.
Promouvoir des territoires par la culture
Les rapports d’observations de la chambre régionale des comptes montrent que le soutien des collectivités territoriales au spectacle vivant "répond à des objectifs multiples dont la réalisation gagnerait à être mieux évaluée", estime la Cour. Elle salue un soutien "significatif et justifié, non seulement par une volonté de contribuer au développement d’œuvres culturelles et à leur diffusion au sein d’un large public, mais aussi par le souci de promouvoir des territoires". Elle admet en effet que "le renom d’un théâtre et la richesse de l’offre culturelle contribuent à la renommée d’une ville", citant Aurillac dont la population triple au cours du festival, avec des retombées économiques estimées à 2 millions d'euros.
"Dans certains cas, tout un territoire appuie l’opérateur culturel", remarque la Cour. Elle cite l’association gestionnaire du festival de La Chaise-Dieu qui reçoit, outre les subventions de l’Etat et du département, l’aide des communes de La Chaise-Dieu, de Chamalières-sur-Loire, des villes de Saint-Paulien, de Brioude, de la communauté d’agglomération du Puy-en-Velay, de la communauté de communes du pays d’Ambert. "Les départements et les régions sont aussi présents", note-t-elle, prenant l'exemple du festival Berlioz auquel le département de l’Isère apporte 85% des financements publics.
Les interventions des collectivités en faveur du spectacle vivant peuvent prendre des formes différentes. Si les grandes collectivités interviennent souvent à la fois en gestion directe et en appui de structures indépendantes, la politique culturelle des entités moyennes et petites est "nécessairement plus ciblée", indique la Cour.
Un projet culturel "peut faire vivre tout un territoire"
Elle souligne le fait qu'un projet culturel "peut contribuer à mettre en valeur un patrimoine historique et faire vivre tout un territoire". Ainsi, "grâce à la notoriété du festival de La Chaise-Dieu, un vaste programme de sauvegarde, de réhabilitation et de mise en valeur de l’ensemble abbatial a été lancé en 2010". Cette opération, dont le coût est estimé à 20 millions d'euros, "devrait être suivie" de la création d’un centre culturel permettant l’accueil de master classes, d’artistes en résidence et le développement d’actions pédagogiques avec le collège de "cette commune de 700 habitants".
Autre exemple de rayonnement territorial via la culture : le transfert du théâtre des Cordeliers d’Annonay et de l’espace Montgolfier de Davezieux à la communauté d’agglomération du bassin d’Annonay qui avait "pour objectif explicite de contribuer au développement économique de ce territoire du Nord Ardèche".
Le hic, c'est que "la stratégie globale des collectivités est encore insuffisamment formulée", si bien que "les collectivités ne sont donc pas en mesure d’assigner à leurs partenaires des objectifs précis et mesurables". Les bons élèves : la métropole de Lyon qui s’est substituée au département du Rhône dans la gestion du festival des Nuits de Fourvière et qui "entend assortir son nouveau projet culturel d’indicateurs en permettant l’évaluation". Jazz à Vienne se distingue également : au moment de la création de l’établissement , le conseil d’administration a dû s'"approprier" un document stratégique pluriannuel qui fixe trois axes prioritaires : "le festival en tant que centre gravité de Jazz à Vienne", "Jazz à Vienne, acteur permanent du pays viennois" et "sa mission d’ambassadeur du territoire".
Le financement public "indispensable" mais plus suffisant
Elle juge par ailleurs que "Si le financement public est indispensable au spectacle vivant, les contraintes financières auxquelles les collectivités territoriales sont désormais confrontées impliquent la recherche d’autres ressources de la part des opérateurs". Elle voit par exemple d'un très bon œil les collectivités qui "repensent leurs priorités culturelles en cherchant à développer les synergies entre les équipements qu’elles financent, comme à Villeurbanne, ou en s’engageant comme l’a fait Clermont Ferrand dans l’organisation d’Etats généraux de la culture". Elle se félicite également que "De nombreux festivals et théâtres ont réussi à mobiliser des financements privés en complément des subventions qu’ils reçoivent".
La Cour lorgne naturellement vers la mobilisation des ressources privées : "principalement" les recettes de billetterie et "plus marginalement" de l’apport de mécènes ou d’entreprises partenaires. Elle cite ainsi "Les jardins de jazz" organisés par le festival Jazz à Vienne, qui offrent aux entreprises la possibilité d’assister à des soirées en bénéficiant d’un accueil personnalisé, et ont procuré une recette de près de 300.000 euros en 2013. Autre exemple : Les Nuits de Fourvière ont plus que doublé en six ans (entre 2007 et 2013) les ressources en provenance des entreprises (12 % des recettes en 2013). Et le mécénat d’entreprise est également "très important" à La Chaise-Dieu où il représente 18 % des recettes.
Appel à une gestion "plus économe" du personnel et des achats
Enfin, elle estime que ces opérateurs "doivent s’attacher à une gestion plus rigoureuse de leurs moyens". Plus précisément, les "efforts pour rationaliser l’offre et diversifier les sources de financement doivent être associés à une gestion plus économe du personnel et des achats en particulier".
D'où ses trois recommandations. Aux collectivités territoriales : "améliorer les termes de la contractualisation entre collectivités et opérateurs par la définition d’objectifs lisibles et mesurables assortis d’indicateurs permettant d’évaluer les résultats obtenus". Aux opérateurs de spectacle vivant : "mettre en place des procédures formalisées en matière de commande publique" et " veiller à mieux encadrer le recours aux intermittents du spectacle".