Le solde de créations d'usines au plus bas depuis 2016
La France connaît une baisse de 10% du volume des projet d'investissements industriels entre 2023 et 2024 et le solde net d'ouvertures et de fermetures d'usines sera négatif en 2024, à -15. Une tendance qui s'inscrit toutefois dans un contexte de repli des investissements industriels dans le monde, selon la neuvième édition du baromètre mondial des investissements industriels réalisé par Trendeo, l'Institut de la réindustrialisation et McKinsey, rendu public le 8 décembre 2024.
Le volume de projets d'investissements industriels annoncés en France recule en 2024 pour la première fois depuis 2019. C'est ce qu'indique la neuvième édition du baromètre mondial des investissements industriels réalisé par Trendeo, l'Institut de la réindustrialisation et McKinsey rendu public le 8 décembre 2024, confirmant les alertes de ces derniers mois (voir notre article du 23 septembre). La baisse est de 10% entre 2023 et 2024. "Il y a eu un rebond fort après la crise covid, et un plateau en 2022 avec la fin des aides liées au plan de relance, nous sommes maintenant sur une baisse, a expliqué David Cousquer, créateur et gérant de Trendeo, lors de la présentation de ces chiffres, nous devrions terminer cette année avec un solde négatif d'usines, ce n'est pas arrivé depuis 2016". D'après le baromètre, le solde net d'ouvertures d'usines en France est passé de 2 en 2016 à 129 en 2021, 94 en 2022, 36 en 2023 et il sera négatif en 2024, à -15. L'augmentation des investissements en chimie (+43%) et énergie (+17%) ne compense pas la baisse dans les secteurs manufacturiers. "Le plan de relance post covid a permis de débloquer des projets qui étaient déjà là, c'était une opportunité pour lancer ou déclencher ces projets, mais cela correspond davantage à un signal qu'à une capacité d'investissement, a précisé David Cousquer.
Une baisse générale des investissements industriels dans le monde
A noter : la France n'est pas le seul pays à connaître cette tendance à la baisse. L'ensemble de l'investissement industriel au niveau mondial ralentit fortement en 2024 en volume (-26%), à hauteur de 1.120 milliards de dollars, comme en nombre (3%). "S'il s'agit d'une baisse conséquente par rapport à 2023, le niveau d'investissement devrait néanmoins rester supérieur aux niveaux pré-Covid", indique le baromètre. Et cette baisse est majoritairement due au secteur manufacturier, qui accuse une réduction de 37% en volume, à 668 milliards de dollars. L'électronique, la chimie, avec le ralentissement de la demande de batteries lithium-ion et d'équipements hydrolyses, et les équipements électriques avec la réduction des investissements dans les usines de batteries et de véhicules électriques notamment en Europe, sont particulièrement à la peine. Une baisse partiellement compensée par des gains dans les secteurs de l'automobile et du raffinage du pétrole et du gaz, tandis que les investissements en faveur de la production d'énergie et de la R&D sont eux aussi en baisse.
L'Europe capte 17% des investissements en gigafactory annoncés en 2024
Dans ce contexte, les Etats-Unis tirent leur épingle du jeu : ils ont capté 36% des investissements en 2024 (contre 20% l'an dernier) et se rapprochent de l'Asie (41% contre 55% en 2023). Ils deviennent même la première destination en matière d'investissements directs à l'étranger (IDE) en montants investis, devant l'Union européenne. Effet direct de l'Inflation Reduction Act (IRA) mis en place en 2022. "Les IDE y dépassent pour la première fois les investissements domestiques", indique le baromètre, tant en nombre qu'en montant. Et, mauvais signal pour l'Union européenne, les premiers investisseurs aux Etats-Unis sont les pays européens. Ils représentent ainsi 46% des IDE. L'Europe quant à elle capte 17% des investissements en gigafactory annoncés en 2024. Ces usines représentent près de deux tiers des montants annoncés en Europe cette même année.
"Pour la première fois, les Etats-Unis sont en numéro 1 du score de l'usine du futur, devant l'Europe, qui était l'endroit où les projets étaient de meilleure qualité", a indiqué David Cousquer. Mais le continent garde sa position de tête sur les efforts environnementaux notamment pour la protection de l'environnement et l'efficacité énergétique. "Il s'agit souvent de projets très coûteux mais qui ont beaucoup de vertus", a détaillé David Cousquer. Exemples avec la nouvelle plateforme logistique du groupe SPI à Saint-Vulbas (Ain) et sa nouvelle ligne de conditionnement totalement automatisée et l'installation de deux centrales solaires, ou la nouvelle usine de fabrication de vélos haut de gamme d'Origine Cycles à Rouvignies (Nord) qui dispose de mille panneaux solaires et des robots permettant l'application de la peinture primaire et du vernis sur les vélos.
Pour la France, des investissements dans les technologies nécessaires
L'Europe est classée en deuxième position en termes de pays destinataires des investissements en R&D (30%), derrière l'Asie et devant la zone Amérique, grâce à un large investissement dans la recherche publique fondamentale. Deux régions françaises, l'Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, figurent ainsi dans le top 30 des régions pour les investissements R&D.
D'après Matthieu Dussud, directeur associé chez McKinsey France ,l'un des principaux chantiers auxquels la France doit se consacrer pour assurer sa renaissance industrielle concerne la productivité. La productivité du secteur industriel français a rebondi après quatre ans de déclin, grâce à un bon niveau d'investissement, alors que la croissance de la productivité globale de l'économie de la France s'est arrêtée depuis quatre ans. Mais elle reste inférieure à la moyenne de l'économie et à son niveau de 2021. Pour l'améliorer, "les industriels français doivent accélérer leurs investissements dans les technologies", affirme McKinsey, à savoir la robotique, la 5G, l'automatisation ou encore l'intelligence artificielle.