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Environnement - Le Sénat unanime pour inscrire le préjudice écologique dans le Code civil

Le 16 mai, les sénateurs ont adopté à l'unanimité une proposition de loi visant à inscrire le principe de la réparation du préjudice écologique dans le Code civil.

Pour les gens de loi, c'est une micro-révolution. Suite à un arrêt historique de la Cour de cassation, qui a consacré en septembre dernier la notion de préjudice écologique, et ce dans la continuité du procès de l'Erika, les sénateurs ont adopté le 16 mai à l'unanimité une proposition de loi qui vise à inscrire la notion de dommage causé à l'environnement dans le Code civil. Pourquoi dans le Code civil ? "Parce que c'était le chaînon manquant. Après le procès Erika, nous ne pouvions pas prendre le prétexte que les juges avaient fait leur travail pour s'arrêter là. Nos deux plus Hautes Juridictions, la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel, ont consacré le préjudice écologique. Il fallait que le législateur ouvre ensuite le Code civil, qui est le lieu juridique de la réparation et de la responsabilité", a indiqué Bruno Retailleau, sénateur (ratt. UMP) de la Vendée et auteur de cette proposition de loi. Il suggère d'y insérer un titre spécifique qui a le mérite d'être simple et consacre le fait que "toute personne qui cause par sa faute un dommage à l'environnement est tenue de le réparer". "On savait jusque-là juger du dommage causé à autrui, désormais on le saura aussi pour celui causé à la nature", explique Alain Anziani, sénateur de la Gironde et rapporteur du texte.

Stabilité juridique

L'idée est de fournir aux juges des fondements plus clairs et intelligibles. Pour Cécile Cukierman, sénatrice de la Loire, c'est là "une petite révolution puisque, jusqu'ici, le dommage, pour être réparable, devait être direct, certain, personnel". Elle ajoute : "On ne vient pas de nulle part : en 1995, la loi Barnier a permis aux associations d'exercer les droits reconnus à la partie civile ; en 2008, M. Retailleau a fait adopter un amendement élargissant ce droit aux collectivités territoriales. Ce texte s'inscrit dans cette logique ; il protège des biens non appropriables et prévient des dommages". Attendu comme une source de sécurité juridique, il aidera à gérer dans les prétoires un contentieux croissant. "Car il n'y a pas que l'Erika, les dommages quotidiens vont croissant, de la pollution d'une rivière au dépôt local de déchets. L'absence de fondements incontestables rendait jusqu'à maintenant les décisions à géométrie variable selon les tribunaux. Cette inscription dans le Code civil a aussi valeur de rattrapage par rapport à d'autres pays plus avancés que nous dans ce domaine", observe Laurent Neyet, professeur de droit à l'université d'Artois. Des questions restent néanmoins en suspens. "Les conditions d'évaluation de la nature et du montant du préjudice écologique devront ainsi être définis de sorte à ne pas anéantir le principe", estime dans un communiqué le député de la Meuse Bertrand Pancher. Il reste aussi à dresser une typologie précise des préjudices écologiques concernés. Pour Bruno Retailleau, "le Sénat a ouvert une voie, le texte peut être complété". Et il devrait l'être car, en parallèle, un groupe de travail planche depuis le mois dernier, sous la houlette du ministère de la Justice, sur cette même insertion du préjudice écologique dans le Code civil. Cette proposition de loi devrait donc alimenter les travaux de ce groupe et le rapport qu'elle compte remettre pour le 15 septembre, en vue d'un projet de loi défendu cette fois-ci par le gouvernement et dont la date n'est pas encore fixée.