Le Sénat dessine le futur des métropoles de Lyon et d'Aix-Marseille
Une mission d'information transpartisane de la commission des lois du Sénat a dressé un bilan des métropoles de Lyon et d'Aix-Marseille-Provence. A la clé, la recommandation selon laquelle il ne faut pas "détricoter" ces structures. S'agissant de la métropole de Lyon - qui est une collectivité à statut particulier -, les sénateurs rejettent toute idée de retour à un établissement public de coopération intercommunale. Mais selon eux, les modalités de l'élection des conseillers métropolitains doivent être revues. Dans le cas de la métropole d'Aix-Marseille, l'essentiel serait de laisser les acteurs locaux définir le fonctionnement des institutions.
En mars et juin 2020, les électeurs des 59 communes de la métropole de Lyon ont élu leurs conseillers métropolitains et municipaux. L'opération avait lieu le même jour, dans les mêmes bureaux de vote, mais avec des bulletins de vote différents. Pour la désignation des 150 élus de la métropole, le territoire était découpé en 14 circonscriptions électorales regroupant plusieurs communes. De plus, il n’était pas obligatoire d’être élu dans une commune pour devenir conseiller métropolitain. Conséquence de ce mode de scrutin : certaines communes ne sont pas représentées au sein du conseil de métropole.
Les sénateurs tirent de cette expérience un bilan assez négatif. Les relations entre les communes et la métropole se sont en effet dégradées. Pour preuve, 44 maires sur les 59 que compte la métropole auraient exprimé leur souhait de quitter la métropole. Les édiles ont fustigé une "gouvernance excessivement centralisée et verticale". Des critiques que les sénateurs jugent "fondées". Ils pointent en particulier l'absence de concertation avec les maires sur le choix pour l'implantation ou la gestion par la métropole de certains équipements - comme le projet de construction d'un vaste cimetière sur la commune de Charly.
Elections métropolitaines décalées à 2028
Pour la mission d'information, la métropole de Lyon "n'est pas une structure qui doit être requestionnée ou détricotée". Pour cause : "la pertinence et l'efficacité" de la nouvelle entité "sont démontrées". Pour autant, des corrections doivent être apportées au mode de scrutin de l'élection des conseillers métropolitains. Selon les sénateurs, celui-ci doit tenir compte de la nature de la collectivité territoriale de plein exercice qui a été créée. Une collectivité singulière, puisqu'elle exerce des compétences intercommunales. Mais, au fond, cette collectivité s'apparente à un département. Il paraît donc logique aux sénateurs que les conseillers de la métropole soient élus le même jour que les conseillers départementaux de toute la France.
Aussi la mission suggère-t-elle de maintenir les prochaines élections municipales à mars 2026 pour les communes de la métropole et, en modifiant la loi, de reporter l'élection des conseillers métropolitains à mars 2028 – soit la date aujourd'hui prévue pour les élections départementales. Par ailleurs, elle recommande d'organiser le scrutin des conseillers métropolitains dans une unique circonscription. Cela offrirait l'avantage de "dissocier les légitimités municipale et métropolitaine" et "sans nul doute de renforcer le sentiment d'appartenance et la démocratie". "Les électeurs auraient à choisir vraiment telle ou telle équipe en fonction de programmes très clairs et très identifiés", estime François Gatel.
Des maires mieux associés aux décisions
En parallèle, il faudrait renforcer les prérogatives des conférences territoriales des maires et de la conférence métropolitaine des maires, plaident les sénateurs. Ils encouragent aussi l'usage des possibilités de délégation des compétences métropolitaines aux communes et le maintien des pouvoirs de police à l'échelon des communes, lorsque cela paraît pertinent.
Dans l'objectif de "clarification de la nature de la métropole de Lyon", la mission préconise également de confisquer la clause de compétence générale dévolue à celle-ci, afin de la réserver aux seules communes. La métropole se rapprocherait ainsi un peu plus du statut des départements, lesquels sont dépourvus de clause de compétence générale.
Les sénateurs proposent par ailleurs de revenir sur certaines des spécificités du Nouveau Rhône, qui regroupe les communes de l'ancien département du Rhône n'appartenant pas à la métropole. Selon eux, ce département devrait bénéficier de sa propre maison des personnes handicapées (MDPH) – alors qu'aujourd'hui celle-ci est mutualisée avec la métropole – ou encore de sa propre préfecture, localisée à Villefranche-sur-Saône (aujourd'hui le Nouveau Rhône est dans le giron du préfet installé à Lyon).
Partage du versement mobilité
Les sénateurs insistent encore sur la nécessité d'améliorer la "solidarité" du financement de l'organisation des mobilités entre la métropole lyonnaise et les territoires voisins. Ce sujet a fait l'objet d'"interpellations récurrentes lors des auditions", a souligné Mathieu Darnaud, l'autre rapporteur de la mission. Qui a fait part d'une "piste de réflexion" privilégiée : le reversement par l’autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais d'une partie du produit du versement mobilité (VM) à "d’autres autorités organisatrices des mobilités, à commencer par la région [Auvergne-Rhône-Alpes]", qui a la charge des trains express régionaux. L'idée "peut" d'ailleurs "valoir pour les autres métropoles de France", prône le rapporteur. Qui n'imagine cependant pas cette évolution sans qu'elle ne fasse l'objet d'une concertation avec les métropoles. Mais leurs élus pourraient être vent debout contre cette piste. On s'en souvient, en effet, une récente proposition de Régions de France en faveur du partage du VM a suscité une levée de boucliers des Intercommunalités de France.
Caractérisé par la fusion entre la métropole et le département, le modèle lyonnais est-il transposable à la métropole d'Aix-Marseille-Provence, dont l'organisation institutionnelle reste à inventer ? "Gardons-nous" de "conclusions hâtives" et de "faire du copier-coller", a prévenu Françoise Gatel. La mise en place en un temps très rapide de la métropole de Lyon aurait été rendue possible par l'existence d'"un écosystème" et d'une "culture de la coopération entre les élus", qui sont propres à ce territoire.
Métropole de Marseille : un avenir qu'il revient aux élus locaux de définir
La loi 3DS de février 2022 a programmé la disparition des conseils de territoire et le transfert vers les communes de plusieurs compétences de proximité. Après avoir engagé ces évolutions, il ne faudra pas immédiatement approfondir la réforme de l'organisation institutionnelle de la métropole, dit en substance le Sénat. Il lance un avertissement : la réflexion sur ce chantier est à "inscrire dans le long terme". De plus, elle doit être "à la main des acteurs locaux", suivant un calendrier qui devra éviter les "échéances électorales". Les élus locaux devront aussi, selon les sénateurs, être mieux associés au déploiement du plan "Marseille en Grand", financé par l’Etat à hauteur de 1,5 milliard d’euros, dont 1 milliard d’euros fléchés directement sur les transports.
Le rapport de la mission d'information, qui a été adopté à l'unanimité des membres de la commission des Lois, est, "au-delà" du cas des deux métropoles sur lesquelles il se penche, "un élément pour la réflexion sur toutes les métropoles" que compte la France, a estimé le sénateur Jean-Pierre Sueur. Pour rappel, ces structures sont au nombre de 22 aujourd'hui (si l'on inclut la métropole de Lyon, qui a la particularité d'être une collectivité territoriale).