Le Sénat débat du logement après la crise, Julien Denormandie apporte des réponses
Le ministre en charge du logement a mis l'accent sur la rénovation, le soutien au secteur de la construction, un rééquilibrage en faveur des villes moyennes, et le soutien aux ménages en difficulté, y incluant la production de logements sociaux. Il a écarté l'idée de réviser la loi SRU avant l'échéance de 2025.
A l'initiative de Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice des Alpes-Maritimes et spécialiste reconnue du secteur, le groupe Les Républicains du Sénat organisait, le 23 juin, un débat sans vote sur la situation du logement et du bâtiment, un secteur fortement mis à mal par la crise sanitaire. Pour cadrer le débat, la sénatrice des Alpes-Maritimes a rappelé que "fin 2020, la France devrait avoir construit 100.000 logements de moins qu'en 2019, soit une réduction d'environ 25% de la production annuelle", avec le risque d'une "crise aiguë du logement".
Pour un "Ségur de la simplification du droit de l'urbanisme"
Pour éviter d'en arriver là, la sénatrice a suggéré plusieurs mesures, dont certaines réclamées de longue date par le mouvement HLM ou par les promoteurs : abandon de la réduction de loyer de solidarité (RLS) ou à tout le moins un moratoire sur la mesure, retour à la TVA à 5,5% sur les travaux, division par deux des délais des procédures d'urbanisme et des recours (avec appel à un "Ségur de la simplification du droit de l'urbanisme"), massification de la rénovation énergétique, réinvestissement de l'Etat dans les fonds de solidarité logement (et critique de "la grande disparité des situations selon les départements et les métropoles"), relance de l'APL accession et du prêt à taux zéro (PTZ)…
Dans sa réponse, Julien Denormandie a plus particulièrement insisté sur quatre points. Le premier consiste à "aller le plus loin possible sur la rénovation du bâtiment" et, sur ce point, le ministre de la Ville et du Logement s'est dit convaincu que "que MaPrimeRénov', en activité depuis le 1er janvier, permet de répondre à un certain nombre de ces besoins" (voir notre article ci-dessous du 23 juin 2020). Seconde priorité : le soutien au secteur de la construction, qui représente aussi deux millions d'emplois. Sur ce point, Julien Denormandie a rappelé les mesures prises, et notamment l'abondement, à hauteur d'un milliard d'euros, de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL, voir notre article ci-dessous du 19 juin 2020).
Une ouverture sur la TVA à 5,5% ?
Le troisième axe concerne la redistribution des cartes dans l'aménagement du territoire, la crise sanitaire ayant notamment "mis en évidence le rôle très important à l'avenir de ce que j'appelle les 'villes de France', c'est-à-dire les villes de taille moyenne". Un positionnement qui correspond précisément à celui du programme "Action Cœur de ville" et au dispositif du "Denormandie dans l'ancien".
Enfin, le dernier volet est à dominante sociale. Ceci passe en particulier par le soutien aux ménages en difficulté pour faire face aux loyers. Le ministre a cité notamment l'aide spécifique de 150 euros par mois durant deux mois, mise en place avec Action Logement. Il a également évoqué la nécessité d'accompagner la production de logements sociaux. A cette occasion, il a semblé entrouvrir une porte sur la question brûlante du retour à une TVA à 5,5%, avec cette phrase sibylline : "Je n'entre pas dans le détail des mesures, qui portent sur la TVA ou d'autres aspects, mais nous aurons aussi ce débat lors des prochains textes financiers". Enfin, il a rappelé les efforts en faveur de l'hébergement, en indiquant qu''"hier soir [le 22 juin, ndlr], ce sont 178.000 personnes que l'État, les collectivités, les associations ont mises à l'abri. Ensuite, grâce à la politique du Logement d'abord, en deux ans, 2018 et 2019, ce sont 150.000 personnes que nous avons sorties d'un logement très insalubre ou de la rue pour leur donner un vrai 'chez-soi'".
Questions-réponses
La discussion s'est ensuite poursuivie sur la formule du "débat interactif" (série de questions-réponses avec possibilité de contre-réponse de l'auteur). Au cours de ces échanges très denses, Julien Denormandie a apporté plusieurs précisions ou informations. Ainsi, l'accès à MaPrimeRénov' sera élargi, dès le 1er janvier 2021, aux déciles de revenus 5 à 8. A propos de la Convention citoyenne pour le climat, qui préconise plusieurs mesures sur le logement, Julien Denormandie trouve les propositions "extrêmement pertinentes", dans la mesure où elles reprennent "l'approche consistant, d'abord, à mettre en place des dispositifs incitatifs, mais également, si jamais ceux-ci se révélaient insuffisants, à adopter une approche coercitive".
Il a par contre écarté – malgré les probables difficultés d'autofinancement de certaines communes – l'idée de réviser la loi SRU avant l'échéance de 2025, affirmant que "cela reviendrait à envoyer un signal négatif à beaucoup de communes où on a pourtant encore un énorme besoin en logements sociaux".
Pour rétablir la confiance dans les dispositifs de rénovation, sérieusement écornée par les arnaques de pseudo-professionnels, le ministre de la Ville et du Logement a confirmé se rallier à la proposition de loi du Sénat, qui entend bannir, en accord avec les professionnels référencés, le démarchage téléphonique en matière de rénovation énergétique.
Sur le logement social, il est resté ferme sur la question de la RLS, mais a indiqué que le dispositif des titres participatifs, qui sont des quasi fonds propres pour les organismes HLM, atteindra 900 millions, voire un milliard d'euros, à la fin de l'année, alors que l'objectif initial de la première tranche était de 400 millions d'euros.