Patrimoine - Le Sénat autorise la restitution des têtes maories et revoit la procédure de déclassement
L'affaire de la tête maorie du muséum d'histoire naturelle de Rouen (voir nos articles ci-contre) semble en passe de trouver une solution. Le Sénat vient en effet d'adopter à l'unanimité, en première lecture, une proposition de loi visant à autoriser la restitution à la Nouvelle-Zélande de cette tête momifiée d'un guerrier maori de haut rang (d'où les tatouages couvrant son visage), arrivée - on ne sait trop comment - dans les collections du musée de Rouen. Le texte devrait être voté prochainement, sans difficulté, à l'Assemblée nationale. La proposition de loi s'étend aux autres têtes maories présentes dans les musées français, dont celui du Quai Branly. Une fois la loi votée, il appartiendra cependant à chaque institution concernée de prendre l'initiative de la restitution. Comme dans le cas de Sarah Baartman, la "Vénus hottentote", rendue à l'Afrique du Sud pour y être enterrée, il aura donc fallu une loi ad hoc pour que les têtes maories puissent être inhumées dans la terre de leurs ancêtres.
En adoptant cette proposition de loi - déposée par Catherine Morin-Desailly, sénatrice de la Seine-Maritime et conseillère municipale de Rouen, et une soixantaine de sénateurs de tous bords - le Sénat a cependant voulu aller plus loin, pour éviter de se trouver devant une affaire semblable dans quelques années. La commission des affaires culturelles et de la communication a en effet estimé qu'"il n'est pas normal que la procédure de déclassement des biens des collections des musées, inscrite à notre initiative dans la loi de 2002 [NB : loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France], soit restée virtuelle". Selon Philippe Richert, le rapporteur du projet de loi, la commission scientifique nationale des collections des musées de France, présidée par le directeur des musées de France, "n'a jamais eu à statuer" sur une demande de restitution depuis sa mise en place. La commission des affaires culturelles a donc introduit un article supplémentaire, adopté en séance plénière, visant à "réactiver la procédure de déclassement tout en l'encadrant". Rebaptisée "commission nationale scientifique des collections", cette instance voit son champ de compétence élargi. Au-delà des collections des musées de France (qui englobent la plupart des musées de collectivités), sa compétence sera étendue aux oeuvres du Fonds national d'art contemporain et elle pourra également conseiller les personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d'art contemporain, ainsi que le préconisait le rapport Rigaud (voir notre article ci-contre du 7 février 2008). La nouvelle commission devra également formuler des recommandations et une doctrine générale sur le déclassement - ce que sa prédécesseure n'a toujours pas fait depuis 2002 -, en se penchant plus particulièrement sur la question "sensible et complexe" des restes humains. Afin de s'assurer de l'effectivité de ce travail, la commission devra remettre un rapport au Parlement dans le délai d'un an suivant la promulgation de la loi. Dans le même esprit, sa composition sera élargie à la représentation nationale, aux représentants des collectivités territoriales, ainsi qu'à des personnalités qualifiées hors de la sphère des directeurs de musées (anthropologues, ethnologues, philosophes...). Frédéric Mitterrand, le nouveau ministre de la Culture, a également apporté son soutien à la proposition de loi, tout en rappelant que ces exceptions ne remettent pas en cause le principe d'inaliénabilité des collections publiques, qui "a contribué au fil des siècles à la constitution d'un patrimoine qui fait aujourd'hui la fierté et l'attrait de nos institutions culturelles".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : proposition de loi visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections (adoptée en première lecture par le Sénat le 29 juin 2009).