Patrimoine - Tête maorie de Rouen : le tribunal administratif annule la décision de restitution
Dans un arrêt du 27 décembre 2007, qui vient d'être rendu public, le tribunal administratif de Rouen donne raison à la ministre de la Culture contre la ville de Rouen dans l'affaire de la tête maorie. Celle-ci a débuté le 19 octobre dernier, avec l'adoption par le conseil municipal de Rouen d'une délibération décidant la restitution à la Nouvelle-Zélande de la tête momifiée d'un guerrier maori de haut rang figurant dans les collections du muséum d'histoire naturelle de la ville. Pour justifier sa décision, la mairie de Rouen faisait valoir une "démarche éthique", en précisant que "cette tête a en outre un caractère sacré aux yeux des tribus maories : elle retournera donc dans sa terre d'origine et pourra y recevoir une sépulture conforme aux rites ancestraux". Dès le 22 octobre, la ministre de la Culture et de la Communication demandait au préfet de Seine-Maritime de saisir en référé le tribunal administratif de Rouen pour suspendre la décision du conseil municipal. Elle estimait en effet que les collections du muséum d'histoire naturelle et d'ethnographie de Rouen - qui bénéficie du label "Musée de France" délivré par l'Etat - "sont protégées par un régime juridique particulier, destiné à garantir l'intégrité du patrimoine de la Nation". Dans une décision du 24 octobre, le tribunal administratif avait effectivement suspendu la délibération du conseil municipal, mais sans examiner l'affaire au fond.
En se prononçant au fond et en annulant la délibération du conseil municipal, l'arrêt du 27 décembre donne finalement raison à l'Etat. Il considère en effet que la ville de Rouen aurait dû consulter au préalable la commission scientifique chargée d'examiner les demandes de déclassement des pièces des collections publiques nationales. L'article 11 de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France prévoit en effet que "les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables" et que "toute décision de déclassement d'un de ces biens ne peut être prise qu'après avis conforme d'une commission scientifique dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret". En attendant les conclusions de la mission confiée en octobre dernier au président du musée du Quai Branly sur "les problèmes éthiques particuliers liés à la conservation de restes humains dans les collections publiques", l'Etat devrait donc continuer de s'opposer au retour en Nouvelle-Zélande de la tête du guerrier maori.
Jean-Noël Escudié / PCA