Le report sine die du projet de loi Grand âge indigne le secteur de l'aide à domicile
Le gouvernement a apparemment classé le projet de loi Grand âge parmi les textes non prioritaires mis de côté tant que durera la crise sanitaire. Les fédérations associatives de l'aide, de l'accompagnement et des soins à domicile s'en indignent. Reçues par le cabinet du Premier ministre, elles ont réitéré leur demande que la mise en œuvre de la loi ait lieu avant l'été 2021, "avec des financements à la hauteur des besoins du secteur".
Il est désormais clair que le projet de loi Grand âge et autonomie passera après la crise sanitaire. Certes, il reste officiellement inscrit au programme du quinquennat, mais se trouve reporté sine die, au même titre que la réforme des retraites. La seule indication indirecte sur son possible examen vient du projet de loi "autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et reportant la date de caducité des régimes institués pour faire face à la crise sanitaire". S'il est adopté – ce qui ne fait guère de doutes – l'état d'urgence sanitaire en cours sera donc prolongé jusqu'au 1er juin 2021 (au lieu du 16 février) et le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 30 septembre 2021 (au lieu du 1er avril). A supposer que l'état d'urgence sanitaire ne fasse pas l'objet d'une nouvelle prolongation d'ici là, le projet de loi Grand âge ne pourrait donc pas être soumis au Parlement, au mieux, avant le dernier trimestre 2021.
"Les Français comprendront que notre boussole, c'est la crise sanitaire"
Les doutes sur le sort du projet de loi, qui a déjà fait l'objet de plusieurs reports, étaient déjà présents depuis plusieurs semaines. Dans son intervention lors du récent débat à l'Assemblée nationale sur la situation des Ehpad, Brigitte Bourguignon est ainsi restée très vague, indiquant que le calendrier devra "être affiné au fil du temps". La ministre déléguée en charge de l'autonomie a simplement ajouté que "les chantiers prioritaires sont examinés et les réponses sont déjà apportées au fil de l'eau", sans autre précision (voir notre article du 14 janvier 2021).
Gabriel Attal a été beaucoup plus clair dans son compte-rendu du conseil des ministres du 13 janvier. Le porte-parole du gouvernement a indiqué que la réforme des retraites et le projet de loi Grand âge "restent à l'agenda de ce quinquennat dès lors que la situation sanitaire nous permettra de les reprendre. Les Français comprendront bien que notre boussole, c'est la gestion de la crise sanitaire".
S'exprimant le 22 septembre dernier, à l'occasion de la visite de l'Ehpad "La Bonne Eure" à Bracieux (Loir-et-Cher), Emmanuel Macron avait pourtant affirmé que son objectif était de présenter le projet de loi "dès le début de l'année prochaine". Il indiquait alors qu'il s'agira d'"une réponse globale extraordinairement ambitieuse" sur les enjeux du grand âge, notamment en vue de "revaloriser des métiers qui ne sont pas suffisamment valorisés" (voir notre article du 23 septembre 2020). Le chef de l'État répondait ainsi indirectement à la lettre adressée par 77 députés LREM au Premier ministre, soulignant "l'impatience" des parlementaires et insistant "sur la nécessité de mettre à l'agenda parlementaire dès janvier 2021 le projet de loi Grand âge et autonomie".
"L''heure n'est plus aux débats, encore moins aux diagnostics"
Ces reports successifs et ces incertitudes irritent au plus haut point les acteurs du secteur. Dans un communiqué commun du 18 janvier, les quatre fédérations associatives de l'aide, de l'accompagnement et des soins à domicile – Adédom, ADMR, Fnaap/CSF et UNA – se disent "indignées à l'annonce d'un nouveau report de la loi Grand âge et autonomie". Elles rappellent que ce projet de loi a été "voulu par le président de la République et annoncé avant l'automne 2019 comme le marqueur social de ce quinquennat". Aujourd'hui, "sans cesse repoussé", le projet de loi "ne peut plus attendre ! Il y a urgence à ce que le gouvernement passe des paroles aux actes et engage de vrais moyens pour le domicile".
Les signataires rappellent aussi que le sujet a déjà fait l'objet de nombreux rapports – rapports de Dominique Libault, Myriam El Khomri, Denis Piveteau et du Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) –, qui "mettent en évidence l'impérieuse nécessité de revaloriser les métiers de l'aide et des soins à domicile et d'identifier des financements pérennes pour le secteur". Pour les quatre fédérations, "l'heure n'est donc plus aux débats, encore moins aux diagnostics. C'est désormais d'une décision politique dont nous avons besoin". Reçues par le cabinet du Premier ministre le 14 janvier, elles ont réitéré leur demande que la mise en œuvre de la loi Grand âge ait lieu avant l'été 2021, "avec des financements à la hauteur des besoins du secteur".