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Concurrence - Le rapport Perrot-Leclerc veut imposer des engagements aux cinémas municipaux

Anne Perrot, vice-présidente du Conseil de la concurrence, et Jean-Pierre Leclerc, président de section honoraire au Conseil d'Etat, ont remis aux ministres de la Culture et de l'Economie leur rapport "Concurrence et cinéma". Commandé en septembre 2007 par Christine Albanel et Christine Lagarde, ce document passe en revue toutes les questions soulevées par la mise en oeuvre de la concurrence dans le secteur du cinéma. Il tente notamment d'éclairer les deux enjeux principaux évoqués par la lettre de mission : quel équilibre entre les mécanismes de concurrence et la régulation sectorielle du cinéma et quelles réponses aux questions de concurrence dans le secteur du cinéma ? Pour ce faire, le rapport aborde surtout des questions de droit privé propres à l'industrie cinématographique : tendance à la concentration du secteur, abus de position dominante, possibilités d'autorégulation de la profession, concurrence par les prix entre les exploitants...
Mais il consacre aussi un chapitre à une question qui concerne très directement les collectivités territoriales : la concurrence entre salles publiques ou subventionnées et salles privées, que n'ont pas manqué de soulever les différents professionnels auditionnés par les rapporteurs. Sur ce point, le document constate tout d'abord que "depuis peu, la concurrence à laquelle pourraient se livrer salles publiques ou subventionnées et salles privées suscite des conflits locaux", avec des recours devant les juridictions administratives déposés par les distributeurs et les exploitants. Cela a récemment été le cas pour l'extension du cinéma Le Méliès exploité par la mairie de Montreuil (contestée par UGC et MK2), pour la reprise de la salle Le Bijou par la commune de Noisy-le-Grand et pour la subvention accordée par le Centre national de la cinématographie (CNC) aux travaux de rénovation du cinéma Comoedia de Lyon. En dépit de ces exemples, les rapporteurs estiment mal connu le phénomène des cinémas municipaux. Le CNC sait seulement que les établissements exploités par des organismes publics représentent 15,5% des établissements, 2,7% des entrées et 1,9% des recettes. Ils suggèrent donc de "mieux évaluer l'importance de l'intervention des collectivités territoriales dans le secteur de l'exploitation en salle". Sur le fond, le rapport ne conteste pas le bien-fondé de cette intervention, mais seulement "pour répondre à des objectifs d'aménagement du territoire ou de politique culturelle", notamment en cas de carence de l'initiative privée (y compris sur le plan qualitatif). Mais les rapporteurs considèrent que "cette concurrence doit se faire à armes égales", ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Pour cela, ils proposent de conditionner l'intervention des collectivités (gestion directe, indirecte ou subvention) à un certain nombre d'obligations. Ainsi, "les salles municipales opérant en concurrence avec des exploitants privés pourraient être tenues par la loi de souscrire des engagements de programmation". De même - comme cela est déjà le cas pour l'octroi de subventions - on pourrait obliger les salles municipales à définir "un projet cinématographique précis par des conventions ou cahiers des charges s'imposant aux gestionnaires de l'établissement". Le respect de ces obligations pourrait être confié au médiateur du cinéma, à titre précontentieux. Dans un communiqué du 28 mars, les deux ministres annoncent le lancement d'une consultation publique sur les propositions du rapport. Celle-ci se déroulera jusqu'au 30 avril 2008.

 

Jean-Noël Escudié / PCA