Le rapport Carel préconise une "refonte totale" de l'éducation prioritaire
Le rapport de la députée Agnès Carel a dressé le 12 juillet "un panorama et un bilan" de l'éducation prioritaire. Parmi les 52 recommandations du rapport, on retiendra la création d'un programme annuel de performance dans le budget de l'Education nationale, la mise en place d'une "allocation progressive de moyens" dont les indicateurs de référence restent à définir et l'extension des dédoublements aux moyennes et petites sections en REP+. Les REP classiques et les contrats locaux d'accompagnement seraient supprimés.
Un rapport de la députée Agnès Carel (Horizons), présenté mercredi 12 juillet 2023 à l'Assemblée nationale, propose "une refonte totale" de l'éducation prioritaire, en menant notamment des "Assises" sur ce sujet revenu dans l'actualité après les émeutes. Selon le rapport, présenté devant la commission des Affaires culturelles et de l'Education, "une meilleure répartition des moyens est aujourd'hui attendue" dans le domaine de l'éducation prioritaire. Le but, selon Agnès Carel, est de "réorganiser le dispositif pour éviter de laisser de côté des établissements 'orphelins' dans les zones urbaines, péri-urbaines, ultramarines et rurales souvent oubliées, et ainsi donner un avenir à chacun", a-t-elle indiqué. Ce rapport se situe ainsi dans la lignée du rapport Mathiot-Azéma de 2019 qui prévoyait déjà le démantèlement de l’éducation prioritaire en ne gardant que les REP+, ces quartiers ou secteurs isolés qui connaissent les plus grandes concentrations de difficultés sociales ayant des incidences fortes sur la réussite scolaire, pour qu'ils bénéficient de moyens supplémentaires.
Programme annuel de performance
Parmi les 52 propositions de ce rapport, Roger Chudeau, président de la mission, en retient principalement trois. Il s'agirait d'abord de créer un programme annuel de performance (PAP) spécifique dans le budget de l'Education nationale. L'idée serait de permettre un pilotage national de l'éducation prioritaire en lui donnant plus de visibilité.
Le rapport donne une idée du coût de l’éducation prioritaire. En 2021, du fait de la poursuite du dédoublement des classes et de la revalorisation des indemnités versées aux personnels de l’Éducation nationale exerçant en éducation prioritaire, les moyens spécifiques de cette politique étaient estimés à 2,3 milliards d’euros par an.
Mise en place d'une allocation progressive de moyens
Ensuite, les députés tombent d'accord sur le fait que la carte de l'éducation prioritaire n'est pas "entièrement cohérente" avec la géographie de la difficulté sociale révélée par la publication des indices de position sociale (IPS) (voir notre article du 12 janvier 2023 et du 21 octobre 2022). Ainsi, le rapport indique qu'il faut "maintenir les REP+" mais "mettre en place une allocation progressive de moyens pour tous les établissements qui n’en relèvent pas", imposant que soient établis de nouveaux critères. La rapporteure ne précisera pas quels seraient ces indicateurs de référence mais a souhaité "redire l’importance de la prise en compte des IPS et des indicateurs sociaux et géographiques". "Une telle solution offrirait de la perméabilité, de la flexibilité et donnerait des leviers aux chefs d’établissements, leur procurant ainsi une certaine autonomie très attendue et souvent mentionnée lors des auditions et déplacements", est-il argumenté.
Roger Chudeau propose quant à lui d'ajouter à l'Indice de position sociale et à l'indice d'éloignement (pour les écoles et collèges en zone rurale) un "indice de difficulté scolaire". Une proposition que rejette la rapporteure car ce reviendrait, selon elle, à entériner l'idée que les établissements en REP+ auraient nécessairement de mauvais résultats. L'idée que les établissements privés sous contrat puissent y être intégrés a également été évoquée.
Lors d'un point de presse mercredi 12 juillet, Roger Chudeau a dit souscrire "pleinement à la recommandation de resserrer l'éducation prioritaire sur les 360 réseaux de REP+, dans les quartiers prioritaires de la ville. C'est le coeur de cible". Avec cette recommandation, "oui les REP classiques et les CLA (contrats locaux d'accompagnement) seraient supprimés", a-t-il confirmé. Quoi qu'il en soit, la carte de l'éducation prioritaire devrait être revue tous les trois ans.
Extension des dédoublements aux moyennes et petites sections en REP+
Enfin, le président de la mission est favorable à une extension des dédoublements aux moyennes et petites sections en REP+. Pour Agnès Carel, il faudrait augmenter le nombre des enfants de moins de trois ans accueillis.
Selon Marc Douaire, président de l’Observatoire des zones prioritaires (OZP), le rapport d’Agnès Carel ne remet pas en cause l'éducation prioritaire. Interviewé par Le Monde, il plaide "pour le maintien des REP et des REP+, et la création d’un autre réseau qui bénéficierait d’une allocation différenciée des moyens selon les situations locales".
Ne plus "reporter la refonte de la carte de l'éducation prioritaire"
Près de 1,7 million d'enfants sont scolarisés dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP), soit environ 21% des élèves du public, selon le rapport. La France reste l'un des pays où l'origine sociale d'un élève pèse le plus sur son destin scolaire, selon les études Pisa sur les systèmes éducatifs des pays de l'OCDE. À la rentrée 2022, l’éducation prioritaire comptait 1.092 réseaux, chacun étant constitué d’un collège et des écoles élémentaires qui forment son secteur de recrutement – soit, d’une part, 730 collèges et 4.174 écoles en REP et, d’autre part, 362 collèges et 2.462 écoles en REP+.
Tout en dressant un bilan plutôt positif des différents dispositifs mis en oeuvre ces dernières années pour "donner plus à ceux qui ont moins", le rapport déplore "l'absence d'évaluation régulière de la politique d'éducation prioritaire". "Je souhaiterais qu'une grande réflexion soit menée avec toutes les parties prenantes autour d'Assises de l'éducation prioritaire pour débattre, ensemble, de l'avenir de cette politique dans le cadre d'une refonte totale du système, car elle ne saurait se contenter d'une simple énième réforme", demande Agnès Carel à travers ce rapport. Mais il ne faut pas, selon elle, "que ces assises soient un prétexte" à reporter une refonte de la carte de l'éducation prioritaire.