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Enfance - Le rapport Barèges propose de faire évoluer l'accouchement secret

Enfin rendu public, le rapport de Brigitte Barèges, députée (UMP) du Tarn-et-Garonne, sur l'accouchement dans le secret - improprement appelé accouchement sous X - suscite la polémique. Il fait notamment resurgir la fracture, jamais vraiment comblée, entre les associations représentant les enfants nés dans ces conditions et celles représentant les familles adoptives. Ces divisions ont notamment pesé lourdement sur le fonctionnement du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (Cnaop), créé par la loi du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat (votée à l'unanimité par le Parlement). Le contenu du rapport Barèges, remis au Premier ministre, justifie-t-il un tel embrasement des esprits ?

De l'accouchement secret à l'accouchement discret 

Rien est moins sûr. Le rapport dresse, certes, un état des lieux exhaustif et équilibré de l'accouchement secret - qui concerne chaque année environ 600 naissances sur plus de 828.000, soit 0,07% du total - et de l'accès aux origines, mis en œuvre à la fois par les départements et par le Cnaop. On retiendra notamment une intéressante comparaison internationale sur le cadre juridique applicable et une carte laissant apparaître des écarts géographiques importants dans l'accouchement secret (avec les réserves tenant au faible nombre de cas concernés). Mais la principale proposition ne bouleverse guère le cadre juridique actuel. Elle consisterait en effet à "supprimer l'accouchement dans l'anonymat et maintenir l'accouchement secret". En pratique, l'identité de la mère biologique serait systématiquement demandée et conservée, mais sans pour autant procéder à une enquête sociale, ni "faire procéder à des tests génétiques sur une mère qui souhaite accoucher dans le secret, alors que ces tests ne sont pas demandés au moment de la naissance en France". Cette solution faciliterait les recherches du Cnaop mais, une fois la mère biologique retrouvée, son consentement resterait indispensable pour révéler son identité à l'enfant devenu adulte et parti à la recherche de ses origines. De plus, selon la mission, cette disposition n'entrerait en vigueur que 18 ans après sa promulgation en raison de la non rétroactivité des lois, (argument qui ne semble guère convaincant dans la mesure où la mère biologique qui avait choisi l'anonymat à la naissance conserve la possibilité de le maintenir).

Et la place des pères ?

D'autres propositions de la mission sont également intéressantes, même si elles ne revêtent pas la même force symbolique. C'est le cas, par exemple, de la limitation de la demande d'accès aux seuls majeurs (aujourd'hui, un mineur peut demander à accéder à ses origines), mais aussi de l'autorisation pour les mères biologiques ayant accouché dans le secret de faire appel au Cnaop pour rechercher leur enfant. Cette mesure, qui n'est pas prévue dans la loi de 2002, pourrait toutefois susciter de fortes réserves de la part des représentants des familles adoptives. Le rapport propose également d'améliorer les possibilités de reconnaissance anténatale des pères. Il conviendrait pour cela d'améliorer l'information des officiers d'état-civil pour qu'ils expliquent aux pères se présentant en vue de reconnaître leur enfant leur faculté de saisir le parquet s’ils ne parviennent pas à faire transcrire leur reconnaissance. Le rapport propose aussi de mettre à l'étude la faisabilité d'un fichier national des reconnaissances anténatales, afin d'aider les pères des enfants nés sous X à faire reconnaître leurs droits. Enfin, le rapport propose plusieurs mesures pour renforcer l'accompagnement à la fois des mères (avant et au moment de la naissance), des demandeurs d'un accès à leurs origines, mais aussi des deux parties lors des retrouvailles. Le rapport constate en effet que si les départements disposent de psychologues pour accompagner cette rencontre, ce n'est pas le cas pour le secrétariat général du Cnaop.

La jurisprudence plus rapide que la loi ?

Dans un jugement du 26 janvier 2011, la cour d'appel d'Angers a décidé de confier un enfant né "sous X" à ses grands-parents biologiques. L'affaire est certes très particulière, puisque les grands-parents en question ont soutenu leur fille au moment de l'accouchement et tenté de la dissuader d'accoucher dans le secret. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une adoption, mais d'une décision confiant provisoirement l'enfant à un tiers de confiance et qui pourrait donc être rapportée sur la mère naturelle change d'avis. Mais, même si le secret de l'accouchement n'existait pas en pratique, il n'en reste pas moins que le jugement de la cour d'appel d'Angers - qui peut encore être frappé de recours devant la Cour de cassation - met à mal la portée juridique de l'accouchement secret. En reconnaissant les grands-parents biologiques comme tiers de confiance, il rétablit en effet une filiation qui aurait dû être effacée par l'accouchement secret. Pour justifier sa décision, la cour d'appel a mis en avant l'intérêt supérieur de l'enfant, au regard notamment de la convention internationale relative aux droits de l'enfant (convention de New York du 20 novembre 1989). Son article 7 prévoit que "l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux". Brigitte Barèges s'est félicitée de cette décision, en rappelant que "la France et l'Italie sont les seuls pays d'Europe à maintenir le principe de l'anonymat total" et qu'il faut par conséquent "faire évoluer notre législation". Roselyne Bachelot-Narquin s'est en revanche montrée plus prudente, en indiquant, dans une interview au quotidien Ouest-France, "qu'il faut quand même plusieurs arrêts pour faire une jurisprudence solide". La ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale - en charge de la Famille - a toutefois reconnu que ce jugement "ouvre plus qu'une porte, puisque les attendus évoquent des droits liés à la convention des droits de l'enfant, dont la norme juridique est supérieure au droit national". Elle va donc "faire tourner [ses] juristes" sur la question.