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Environnement - Le projet de loi Biodiversité définitivement adopté

Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui totalise désormais 174 articles, a été définitivement adopté par le Parlement. Pour les 23 articles du projet encore en suspens, l'Assemblée nationale a ainsi tranché en dernier ressort lors d'une ultime lecture, ce 20 juillet en fin de journée, marquant la fin d'un véritable feuilleton débuté en mars 2014. Il aura en effet fallu deux ans et demi de discussions intenses pour inscrire dans la loi la notion de préjudice écologique ou encore les principes essentiels d'absence de perte nette de biodiversité et de non-régression du droit de l'environnement qui devront être pris en compte par les décideurs publics dans leurs projets. Autre mesure phare du texte, l'Agence française pour la biodiversité (AFB) sera créée dès la promulgation de la loi pour être opérationnelle au 1er janvier 2017. Cet opérateur central regroupera les quelque 1.200 agents de quatre organismes existants - l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), l'Atelier technique des espaces naturels, l'Agence des aires marines protégées et les Parcs nationaux -, mais n'intégrera pas l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), de peur de heurter le lobby des chasseurs.
Un plus large consensus s'est en revanche dégagé sur la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'AFB dont le vote définitif est également intervenu ce 20 juillet.
La secrétaire d'Etat chargée de la biodiversité, Barbara Pompili, arrivée au gouvernement en février 2016, s'est félicitée de l'aboutissement de cette "belle œuvre législative", "dont on retient peut-être, sur le moment, quelques sujets polémiques, mais qui, pour des années, conditionnera l'action publique, accompagnera une économie plus respectueuse de la nature et aidera les usagers et défenseurs de l'environnement".
La rapporteure Geneviève Gaillard s'est également déclaré satisfaite du travail parlementaire qui a conduit "à la rédaction d'un texte équilibré", tout en reconnaissant qu'il s'agit seulement d'une "première étape dans la mise en œuvre d'une refonte, d'une restructuration de notre politique publique de conservation de la biodiversité". La députée des Deux-Sèvres a toutefois exprimé ses regrets, concernant la taxation de l'huile de palme, ou la pêche en eaux profondes, même si l'interdiction a finalement abouti au niveau européen. A titre plus personnel, la rapporteure a en outre déploré que les débats n'aient pas permis de moderniser la chasse, soulignant que "les oppositions étaient très fortes".
Saluant les nombreuses avancées du projet de loi, dont la ratification du protocole international de Nagoya, Gabriel Serville (GDR) admet cependant que "ce n'est pas la loi historique qu'attendaient nombre d'associations environnementales, quarante ans après la loi de 1976 sur la protection de la nature". Les Républicains, comme toute la droite, ont voté contre ce texte "qui penche vers l'écologie punitive", fustigeant "un catalogue d'interdictions, de nouvelles normes et contraintes en tout genre". Le groupe a par ailleurs d'ores et déjà fait part de son intention de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel "pour démontrer l'inconstitutionnalité du principe de non-régression". Quant au groupe UDI, à l'instar de nombreux acteurs de terrain, il "reste extrêmement dubitatif sur un trop grand nombre de points", refusant dès lors de voter "un texte trop approximatif et véritable patchwork", selon Bertrand Pancher.
Après l'échec de la commission mixte paritaire, et une nouvelle lecture, la procédure législative exigeait que les députés reprennent le texte issu de leur nouvelle lecture, le 23 juin dernier, en intégrant, le cas échéant, les amendements adoptés par le Sénat à ce même stade.
Les députés ont donc entériné le texte voté par l'Assemblée, en y intégrant tout de même quelques amendements adoptés par le Sénat en nouvelle lecture ainsi que quatre amendements de coordination. A l'article 4, l'Assemblée s'était opposée à ce que les associations de protection de l'environnement participent à la collecte des données qui, après validation du Muséum national d'histoire naturelle, serviront de base à la mise en place des plans nationaux en faveur des espèces protégées. Un amendement permet de "leur donner le rôle qu'elles méritent", a souligné la rapporteure. L'article sénatorial limitant la portée des brevets dans le domaine génétique est également conservé (4 ter). A l'article 60, le texte précise que le régime général de destruction d'animaux prévu à l'article L. 427-6 du Code de l'environnement (battues administratives) ne s'applique pas à la destruction de spécimens d'espèces protégées.
La question à la fois médiatique et polémique des modalités de l'interdiction des pesticides néonicotinoïdes, utilisés dans l'agriculture et considérés comme tueurs d'abeilles, a été l'objet d'un dernier affrontement. L'Assemblée a finalement maintenu l'interdiction au 1er septembre 2018, avec possibilité de dérogation jusqu'au 1er juillet 2020 (art.51 quaterdecies).
Parmi les premières réactions positives à relever, celle de l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturnes (ANPCEN), qui "grâce à un plaidoyer continu et un suivi intense", se félicite d'être parvenue à faire inscrire "cinq articles portant sur la définition et les principes, le devoir de protection de l'environnement nocturne, sur les nuisances lumineuses en mer, sur la lumière dans les continuités écologiques, et sur les paysages nocturnes devenant patrimoine de la nation".