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Environnement - Projet de loi biodiversité : le Sénat vote un texte édulcoré

Le Sénat a adopté en deuxième lecture dans la nuit du 12 au 13 mai le projet de loi de "reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages" qui doit désormais faire l'objet d'une commission mixte paritaire chargée de trouver une version commune avec l'Assemblée.

Le Sénat a adopté en deuxième lecture dans la nuit du 12 au 13 mai le projet de loi sur la biodiversité après l'avoir édulcoré, revenant même à une version moins audacieuse que celle qu'il avait adoptée en première lecture. Seuls 208 sénateurs sur 341 se sont prononcés à l'issue du nouveau débat. 156, Les Républicains, centristes, RDSE (à majorité PRG) ont voté pour, et 52 contre - 21 LR, une centriste, Chantal Jouanno, les Communistes républicains et citoyens (CRC), et les écologistes. Les socialistes se sont pour leur part abstenus. Le texte doit faire à présent l'objet d'une commission mixte paritaire chargée de trouver une version commune avec l'Assemblée. En cas d'échec, les députés auront le dernier mot après une nouvelle lecture.
"J'attendais beaucoup de cette lecture au Sénat, on m'avait en effet vanté le débat constructif et respectueux de la première lecture et j'espérais un débat de la même qualité", a dit la secrétaire d'État chargée de la biodiversité Barbara Pompili. Mais "les convictions chevillées au corps de la secrétaire d'État que je suis sont un peu déçues", a-t-elle dit. "Je regrette que l'on en soit encore à des considérations que je croyais dépassées".
"L'esprit de compromis qui avait prévalu en première lecture ne s'est pas retrouvé lors de cette deuxième lecture et les lobbys de la chimie, de l'agro-industrie, de la chasse et du béton ont pesé de tout leur poids pour freiner toute reconquête de la protection de la biodiversité", a accusé le chef de file écologiste pour le texte, Ronan Dantec.
En revanche, le président de la commission du développement durable Hervé Maurey (UDI-UC) a vu "deux acquis importants de cette lecture : la création du préjudice écologique d'une part ; les néonicotinoïdes d'autre part". Le Sénat s'est prononcé le 12 mai pour une diminution progressive de ces derniers, mais a supprimé la date butoir d'interdiction totale du 1er juillet 2020 qui avait été proposée dans un amendement de compromis par le gouvernement, alors que les députés avaient voté une interdiction totale de ces substances à partir de septembre 2018.
"Nous nous réjouissons de la reconnaissance du préjudice écologique", a déclaré pour le PS Jean-Jacques Filleul. "Mais le principe de zéro perte nette, de non régression de la biodiversité, a malheureusement disparu comme les dispositions sur la bio-piraterie, la taxe sur l'huile de palme et les gains de biodiversité". "Le débat a bien peu tenu compte de la science qui démontre sans ambiguïté que la biodiversité s'effondre, que les pertes s'accélèrent en Ile-de-France", a estimé Chantal Jouanno.
"Nous avions un beau texte, ce n'est plus le cas. La biodiversité diminue", a estimé Evelyne Didier (CRC). "Certes, nous avons avancé sur le préjudice écologique, mais il a fallu pour cela qu'un président particulièrement concerné s'implique", a-t-elle dit, en faisant allusion au rôle du patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, dont le département, la Vendée, avait été particulièrement impacté par la catastrophe due au naufrage du pétrolier Erika de Total en 1999. Pour Sophie Primas (LR), "c'est à l'Assemblée nationale que les grands équilibres ont été rompus. Le débat n'est pas fini et nous continuerons à travailler", a-t-elle assuré.

Les principaux amendements votés en séance

Lors des trois séances publiques des 10, 11 et 12 mai, les sénateurs ont encore apporté plusieurs modifications notables au texte, qu'ils avaient déjà largement amendé lors de son examen en commission (lire notre article ci-contre). Au titre Ier, consacré aux principes fondamentaux, ils ont adopté, dans la rédaction issue des travaux de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, l'article 2 qui vise notamment à inscrire dans la liste des principes généraux de l'environnement les principes de solidarité écologique et de non-régression. Ils ont adopté, avec de légères modifications, l'article 2 bis, qui inscrit la notion de préjudice écologique dans le Code civil. Ils ont réintroduit une mesure portant sur les espèces menacées en prévoyant que, pour ces espèces, les plans nationaux d'action pour la conservation ou le rétablissement des espèces soient élaborés avant le 1er janvier 2020.
Au titre II, qui concerne la gouvernance de la biodiversité, les sénateurs ont prévu à l'article 7 la consultation du comité régional de la biodiversité lors de l'élaboration du schéma régional d'aménagement de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) afin d'"optimiser la prise en compte de la biodiversité dans ce document de planification régionale" selon l'exposé des motifs de l'amendement défendu par les élus socialistes. Au titre III, consacré à la future Agence française pour la biodiversité (AFB), les sénateurs ont précisé que celle-ci participe aux actions de formation, non seulement dans le cadre de l'Education nationale, mais aussi dans l'Enseignement supérieur et la Recherche ainsi que dans l'Enseignement agricole. Au titre III bis, qui porte sur la gouvernance de la politique de l'eau, ils ont supprimé les dispositions du projet de loi modifiant la composition des comités de bassin afin de conserver la composition actuelle, permettant selon eux "une juste représentation des acteurs économiques" au sein de ces comités (article 17 ter).
Au titre V, qui concerne les espaces naturels et la protection des espèces, les sénateurs ont rétabli l'article 32 bis AA, supprimé par l'Assemblée nationale, afin de préciser que, pour les réserves naturelles créées à compter du 1er juillet 2016 ou dont le périmètre a été modifié après cette date, les règlements ou interdictions ne peuvent intervenir qu'après concertation avec les utilisateurs habituels des territoires concernés. Via un amendement gouvernemental, ils ont en outre rétabli l'obligation, supprimée en commission, de résultats des mesures compensatoires et de leur effectivité durant toute la durée des atteintes à la biodiversité (article 33 A). A ce même article, plusieurs sénateurs socialistes et UDI ont obtenu malgré l'avis défavorable de la commission et du gouvernement l'ajout d'une phrase visant à inscrire dans la loi un principe de proportionnalité "pour tracer un équilibre entre préservation d'une espèce protégée et aménagement". Ainsi, prévoit désormais le texte, "lorsqu'un projet d'intérêt général conduit par une collectivité publique est susceptible de porter une atteinte réparable à la biodiversité, les mesures de compensation exigées ne doivent ni par leur coût, ni par leur délai, être de nature à remettre en cause le projet". Les sénateurs ont en outre ouvert la possibilité aux communes d'exonérer de taxe foncière sur les propriétés non bâties les propriétaires ayant conclu une obligation réelle environnementale (article 33). Ils ont aussi rétabli l'article 36 sexies demandant au gouvernement de remettre dans les six mois suivant la promulgation de la loi un rapport sur l'opportunité de classer le frelon asiatique parmi les organismes nuisibles. Ils ont en outre précisé que les navires naviguant ponctuellement (et non plus fréquemment) dans les aires marines protégées Pelagos ou Agoa pourront être exonérés, dans des conditions fixées par voie réglementaire, de l'obligation d'installation du dispositif de partage des positions visant à éviter les collisions avec les cétacés (article 46 quater). Ils ont aussi supprimé l'interdiction du "dragage des fonds marins dans l'ensemble des zones sous souveraineté ou juridiction françaises, lorsqu'il est susceptible de toucher les récifs coralliens" (article 51 ter A). Ils ont également voulu améliorer le régime du boisement compensateur en permettant notamment de réviser le principe de compensation et d'orienter les travaux de reboisement sur les parcelles en friches ou sous-exploitées (article 68 sexies).
Parmi les dispositions diverses, un amendement du rapporteur, Jérôme Bignon, a corrigé une erreur de l'ordonnance du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre 1er du Code de l'urbanisme (art. 59 quinquies). Il s'agit de compléter l''article L. 151-41 du Code de l'urbanisme par un alinéa qui dispose que "dans les zones urbaines et à urbaniser, le règlement peut instituer des servitudes consistant à indiquer la localisation prévue et les caractéristiques des voies et ouvrages publics, ainsi que les installations d'intérêt général et les espaces verts à créer ou à modifier, en délimitant les terrains qui peuvent être concernés par ces équipements." Deux amendements du gouvernement ont par ailleurs clarifié le rôle du Sraddet dans la gestion du trait de côte (article 62) et réaffirmé l'intégration du plan de gestion des réserves biologiques dans le document d'aménagement (article 65).
Enfin, au titre VI, sur le paysage, les sénateurs ont rétabli la reconnaissance du statut de patrimoine culturel pour les alignements d'arbres bordant les voies et la protection réglementaire systématique de ces allées d'arbres (article 72 bis AA).
 

 

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