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Santé - Le Planning familial, ce n'est pas qu'une affaire de femmes !

Un mi-temps par-ci, un bout de subvention par-là, quelques mètres carrés dans un bâtiment dont personne ne veut, et surtout un engagement sans limite de leurs personnels. Alors que tout le monde reconnaît leur caractère indispensable, les centres du Planning familial restent gérés à coups de bouts de ficelle administratifs. Et sont souvent très mal connus. Un rapport de l'Igas dénonce cet état de fait et propose des solutions.

Certes, un micro-trottoir est rarement la manière idéale de s'informer sur un sujet. Mais lorsqu'on demande autour de soi ce que les gens pensent du Planning familial, la pêche est tout de même fructueuse : "C'est pour que les filles puissent parler des sujets gênants dont elles ne peuvent pas parler avec leurs parents" ; "Non, ce n'est pas pour les garçons, certainement pas, c'est un truc de filles" ; "Ça existe encore, ça, le Planning familial ?" ; "C'est un peu comme la PMI quoi… On y va pour les vaccins, non ?" ; "C'est pour aider les filles qui ont des problèmes, comme être enceinte par exemple" ; "Ah oui, c'est indispensable, surtout pour les familles défavorisées, en banlieue, pour les mineures, les étrangers..." ; "C'est un peu une école pour les filles, pour qu'elles apprennent à gérer. Par exemple ? A planifier, à apprendre à faire les courses pour les enfants". "Où c'est ? Aucune idée." A entendre ces quelques réponses - et sans même évoquer les 200.000 interruptions volontaires de grossesses (IVG) annuelles -, on croira sans peine l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) lorsqu'elle affirme dans un rapport qui vient d'être rendu public qu'on peut mieux faire, en France, en matière de planification familiale.
Rédigé à la demande du secrétariat d'Etat à la Famille, le rapport dresse un bilan "des organismes de planification, de conseil et d'éducation familiale". Il reconnaît le caractère indispensable de ces structures mais appelle à une profonde refonte du système. Les inspecteurs soulignent l'importance des besoins non couverts (manque d'interventions dans les écoles, collèges et lycées ; insuffisance du service en particulier en zone rurale ; persistance d'un recours élevé à l'IVG ; horaires d'ouverture insuffisants ; etc.) et pointent l'obscurité générale qui entoure cette politique publique.

1.500 lieux d'accueil pour hommes et femmes de 7 à 77 ans (au moins)

A l'origine était la loi Neuwirth du 28 décembre 1967. Ce texte a légalisé la contraception et autorisé la création de structures spécialisées pour informer le public et dispenser les méthodes contraceptives, en particulier la pilule. Deux types de structures sont alors créées, qui ont perduré jusqu'à nos jours : les établissements d'information, de consultation et de conseil familial (EICCF, aujourd'hui au nombre de 390) et les centres de planification ou d'éducation familiale (CPEF, aujourd'hui au nombre de 1.200). Grosso modo, ces deux types de structures offrent les mêmes services : accueil, conseil, écoute individuelle sur la sexualité et l'orientation sexuelle, accompagnement des personnes victimes de violence, accompagnement et suivi de la première contraception, de l'IVG, sensibilisation à la prévention des risques, etc.
Cependant, à ces missions, les centres (CPEF), à tonalité plus sanitaire, ajoutent des actes médicaux : consultations et prescriptions contraceptives, poses de dispositifs contraceptifs, tests de grossesse, et, parfois, dépistages du Sida et réalisations d'IVG médicamenteuses. Ces centres sont financés principalement par les départements. Au contraire, les établissements (EICCF) ont une tonalité plus sociale et perçoivent des subventions d'Etat. L'Assurance maladie intervient également en remboursant les prestations médicales prescrites. Au total, environ 1.500 lieux accueillent un demi-million de personnes par an. Principalement des femmes, de tout âge, mais pas seulement. Les mineurs représentent 30% du public accueilli.

Tout le "planning familial" n'est pas au Planning familial

Si on parle dans le langage courant de "planning familial", il faut noter que la plupart des centres ne sont pas gérés par le Mouvement (associatif) français pour le planning familial : 75% des centres de planification sont aujourd'hui soit des services départementaux (régie directe), soit des services hospitaliers (délégation de la gestion à un établissement hospitalier). En leur sein travaillent principalement des conseillères conjugales et familiales auxquelles s'ajoute, pour les CPEF, un personnel médical et paramédical.
Selon la loi, la planification et l'éducation familiales font partie de la protection maternelle et infantile (PMI, Code de la santé publique, art. L2112-2). Mais pour les rapporteurs, les textes relatifs aux missions et activités des CPEF et des EICCF sont confus et dispersés. Cette complexité juridique, conjuguée avec la multiplicité des intervenants et financeurs, rend impossible un état des lieux clair des moyens financiers, matériels et humains affectés aujourd'hui à cette politique. L'absence de pilotage et de cohérence du dispositif est soulignée à plusieurs reprises. Il faut dire que le sujet intéresse peu les élus départementaux, "pour lesquels il ne constitue pas un enjeu politique".
Cette hétérogénéité de structures, l'obscurité même des termes employés ("planification familiale", "éducation familiale", "conseil conjugal") et parfois la situation géographique des centres (dans un hôpital ou une PMI, par exemple) rendent le dispositif peu lisible, peu accessible au public potentiel. Sans même parler du fait qu'il est très difficile d'accéder aux informations de base sur les lieux de consultation par une requête simple sur Google.

Une nouvelle loi, mais surtout une prise de conscience

Face à ces difficultés, et après avoir réaffirmé le caractère indispensable de ces centres, les rapporteurs formulent une trentaine de propositions.
Premièrement, les principes de gratuité, de confidentialité et d'accessibilité à tous à la contraception et à l'information doivent être réaffirmés. Bien que prévue par la loi du 4 juillet 2001, l'éducation à la sexualité à l'école, au collège et au lycée reste très lacunaire. La mission propose sur ce sujet une meilleure coordination entre agences régionales de santé, Education nationale et conseils généraux. La formation collective est en effet la seule manière de toucher les garçons, qui poussent très rarement la porte d'un centre de planification.
Deuxièmement, sur le plan institutionnel et malgré les lacunes constatées, le rapport souhaite maintenir au département l'essentiel des compétences sur cette politique. Mais il demande une plus grande cohérence dans les interventions et un pilotage renforcé. La mission propose pour cela de reconnaître une existence légale à la planification familiale en la distinguant de la PMI. Les crédits actuellement accordés par l'Etat aux EICCF pourraient par ailleurs être décentralisés aux conseils généraux.
Troisièmement, la mission insiste sur la nécessité de développer une offre de qualité en matière d'IVG, de faciliter l'accès aux contraceptifs et de généraliser l'offre de dépistage des infections sexuellement transmissibles dans les CPEF. Pour mettre en oeuvre ces recommandations et clarifier les textes en vigueur, la mission suggère d'adopter une loi unique qui permettrait, 45 ans après la loi Neuwirth, d'actualiser et de conforter le dispositif.
Quant à savoir si le Planning familial apprend aux filles à planifier les achats de couches, le rapport de l'Igas n'évoque pas le sujet. Après recherche et pour information de notre lectorat masculin, il s'agit là d'une compétence pour laquelle les filles ne montrent aucune prédisposition, ni à la naissance ni à l'âge adulte.