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Investissements - Le plan Juncker, un accélérateur d'inégalités territoriales ?

L'impératif de rentabilité et la sophistication des montages financiers induits par le plan de relance européen suscitent la controverse. Dans une déclaration commune adoptée à Nantes le 27 février, les régions périphériques et maritimes d'Europe redoutent que les investissements ne se concentrent dans les territoires les plus riches.

De loin, la proposition paraît alléchante. De plus près, elle nourrit la méfiance croissante des régions qui maîtrisent mal les incidences d'un plan d'investissement européen résolument axé sur la rentabilité et les projets de grande envergure. Contrairement à la politique de cohésion, qui alloue les sommes les plus considérables aux régions les plus défavorisées, le plan Juncker fait fi de tout critère géographique.
Ces conditions "sont susceptibles de créer une concurrence entre les territoires, ce qui serait fortement dommageable aux objectifs du marché unique et à la cohésion territoriale, qui est un objectif du Traité", déclarent les régions périphériques et maritimes d'Europe, dans une déclaration adoptée à l'issue de leur bureau politique du 27 février, à Nantes.

Priorité aux villes et aux routes ?

Une préoccupation partagée par certains élus du Parlement européen. "J'aimerais pouvoir évaluer les conséquences" du plan Juncker, confie l'eurodéputé néerlandais de centre-droit Lambert Van Nistelrooij, le 26 février. Les effets seront peut-être "très positifs dans les grandes villes et négatifs dans les zones rurales", suppose-t-il.
Même raisonnement pour les régions d'outre-mer. "Dans les conditions actuelles, je ne vois pas quels projets se feront dans les régions ultrapériphériques", où le chômage est pourtant "massif", remarque Younous Omarjee, eurodéputé de la Gauche unitaire européenne.
Les secteurs retenus prêtent également le flanc à la critique, tant l'objectif de rentabilité pèse dans la balance. Soumis par la France à Bruxelles, les projets de réhabilitation thermique de logements seraient trop peu lucratifs pour intéresser les investisseurs privés.
Dans d'autres domaines, comme les transports, le risque est de donner la priorité aux autoroutes à péages au détriment de "modes plus respectueux de l'environnement, comme le transport maritime ou fluvial, pour lesquels le retour sur investissement est à plus long terme", poursuit la Conférence des régions périphériques et maritimes (CRPM).
Pour Christophe Clergeau, vice-président PS de la région Pays de la Loire, l'UE doit revoir sa copie. Volontairement élevée, la taille des projets a été fixée à 50 millions d'euros minimum. Elle devrait, selon lui, être revue à la baisse, afin d'englober des infrastructures plus modestes évaluée à 10 ou 20 millions d'euros.

Dissensions entre les régions

Des zones d'ombre demeurent par ailleurs sur les modalités financières du plan. "Quel est le niveau de risque accepté et qui le pilote politiquement ?", s'interroge-t-il. La Commission et la Banque européenne d'investissement ont imaginé un processus en deux temps où un "comité de direction" définit les critères théoriques des choix d'investissement, pendant qu'un groupe d'experts indépendants trie les projets jugés pertinents et écarte les autres. "Si c'est pour prendre le même niveau de risque que les banques, ce plan ne servira à rien", réagit Christophe Clergeau.
L'attractivité propre à chaque territoire, son niveau de développement industriel ou encore sa densité de population font grandement varier les chances d'attirer les fonds privés. "L'effet levier de 1 à 15 ne pourra pas être tenu partout", poursuit l'élu régional. D'autant plus que toutes les régions ne sont pas uniformément outillées pour se lancer dans l'ingénierie financière. Cette option doit compléter l'action de la politique de cohésion, mais ne doit pas s'y substituer, estime-t-on à la CRPM.
Autant de mises en garde reçues diversement. En Europe du Nord, les collectivités ne perçoivent pas les évolutions en cours comme une réelle menace. Le débat est parfois vif : les régions néerlandaises ont ainsi opposé un rejet à la première version de la déclaration politique préparée par la CRPM. L'ex-présidente de l'organisation, la Suédoise Annika Annerby Jansson, a elle aussi nuancé le tableau dressé par les élus français. "Cela limite l'intérêt du plan si des projets de trop petite taille sont soutenus", objecte-t-elle.  

 

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