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Investissements - Plan Juncker : la France obligée de revoir ses projets... avec les régions

La France a fait le deuil de sa liste des 32 projets, la majorité d'entre eux ne répondant pas aux critères de la Commission européenne. Une stratégie renouvelée est en marche pour formuler de nouvelles propositions. Cette fois-ci,les régions auront leur mot à dire et sont invitées à déposer leurs projets à la BEI. Un comité de sélection européen sera installé à la fin de l'été.

Le gouvernement a toujours insisté sur le caractère illustratif de la liste des 32 projets français qui pourraient bénéficier du plan Juncker. Ce document était cependant l'élément le plus concret pour désigner les initiatives que Paris souhaiterait voir financer grâce au programme d'investissement européen de 315 milliards d'euros. Il a fait long feu.
Selon nos informations, la majorité de ces projets ne répond pas aux critères du plan et ne pourra donc pas bénéficier des fonds.

Trop tôt et hors sujet

La raison de cette mauvaise sélection ? Les listes nationales ont été transmises mi-novembre à la demande de la Commission européenne, alors que les modalités du plan n'étaient pas établies.
"C'est un peu comme faire une dissertation en connaissant le thème du devoir, mais pas le sujet exact", explique-t-on au secrétariat d'Etat aux Affaires européennes.
Peu de temps après, la Commission a dévoilé ses intentions sur son programme d'investissement et indiqué que celui-ci serait surtout constitué de garanties. Et non de subventions.
Or, parmi les 32 projets français, certains nécessitent de l'argent frais. Un tiers d'entre eux serait concerné. C'est le cas de l'équipement numérique des campus universitaires ou de la rénovation du réseau ferroviaire.
Surtout, les projets doivent répondre à trois critères phares du plan Juncker : la viabilité économique (capacité à rapporter de l'argent), l'absence d'additionnalité (le plan Juncker n'a pas vocation à financer des travaux qui se seraient de toute façon faits sans lui), et la cohérence avec les grandes priorités de la Commission (recherche et innovation, transition énergétique, infrastructure numérique, formation...).
Mais, plusieurs projets ne respectent pas le critère de viabilité économique, comme par exemple la rénovation des quartiers populaires.
La première liste aura donc seulement constitué une sorte de test permettant "d'engager une dynamique", indique-t-on au secrétariat d'Etat aux Affaires européennes.

Les régions dans la boucle

La France travaille désormais à l'élaboration de nouvelles propositions à destination de la Commission et de la Banque européenne d'investissement, responsable de ce plan.
Et, cette fois-ci, les régions sont mobilisées. Laissées pour compte lors du précédent exercice, elles avaient fait remonter leur mécontentement par la voix du président de l'Association des régions de France (ARF), Alain Rousset. Le Commissariat général à l'investissement leur demande aujourd'hui de proposer leurs propres projets. Ils seront ensuite examinés par un comité de sélection européen indépendant qui sera installé avant la fin de l'été. La ministre de la Décentralisation Marylise Lebranchu a porté le même message, lors de la première réunion de l'instance de dialogue entre le gouvernement et les collectivités le 10 février (voir ci-contre notre article du 11 février 2015).
Cette mobilisation des régions est vue d'un bon oeil par les institutions européennes. La Commission et la BEI nous ont confirmé qu'elles examineraient tous les projets, pas seulement ceux émanant des Etats.

80 nouveaux dossiers

Sauf que les régions peinent à faire des propositions. "Un projet ne se monte pas en un claquement de doigts", argue-t-on à l'ARF.
La France peut aussi retravailler et affiner ceux déjà avancés afin de faire en sorte qu'ils répondent mieux aux critères du plan Juncker, suggère-t-on à la Commission.
La rénovation thermique des logements de ménages en situation de précarité énergétique est un exemple. Accorder des subventions aux particuliers afin qu'ils effectuent leurs travaux ne correspond pas à l'idéologie du plan Juncker. En revanche, le projet pourrait être modifié afin de coller à une politique de rénovation thermique, qui pourrait bénéficier des prêts ou garanties de la BEI.
Selon nos informations, en rassemblant les initiatives de l'Etat, des collectivités et du secteur privé, environ 80 nouveaux dossiers auraient déjà été identifiés.

Une erreur pas propre à la France

La France se mobilise donc pour ne pas rester à quai. Mais elle n'est pas la seule à avoir présenté une liste incluant des projets qui ne répondent pas aux critères. D'autres Etats seraient concernés, glisse la Commission. Sans souhaiter révéler lesquels. A Paris, on affirme que tous les Etats ont produit des listes qui se sont révélées caduques.