Le Parlement adopte définitivement la proposition de loi sur la sûreté dans les transports

Le Parlement a adopté définitivement ce 18 mars la proposition de loi visant à renforcer la sûreté dans les transports, très attendue des professionnels mais dont certaines mesures sont décriées par la gauche, comme le renforcement des prérogatives des forces de sécurité de la SNCF et de la RATP.

Après un feu vert du Sénat la veille, la proposition de loi visant à renforcer la sûreté dans les transports a été adoptée ce 18 mars par un dernier vote de l'Assemblée nationale par 303 voix contre 135, avec le soutien de la coalition gouvernementale, de l'alliance RN-ciottistes, et d'une bonne partie des indépendants du groupe Liot.

Ce texte avait été déposé fin 2023 par le sénateur Philippe Tabarot, devenu depuis ministre des Transports, notamment en vue de sécuriser les transports durant les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Il avait été adopté pour la première fois au Sénat en février 2024 mais son parcours législatif avait été stoppé par la dissolution en juin, puis par la censure du gouvernement de Michel Barnier en décembre. 

Face à "la dégradation des conditions de sûreté dans les transports", la proposition de loi prévoit plusieurs mesures complétées et amendées au cours des débats visant à garantir l'efficacité de l'action des acteurs de terrain et la sécurité des voyageurs. Un numéro de téléphone national unique d'alerte doit ainsi être mis en place pour permettre aux usagers de signaler rapidement des situations à risques pour leur sécurité, et ce quel que soit le mode et l'opérateur de transport (TER, Intercités, TGV).

Renforcement des pouvoirs des services de sécurité de la SNCF et de la RATP sur le terrain

La proposition de loi clarifie les missions des services de sécurité de la SNCF (la Sûreté générale - dite "Suge") et de la RATP (groupe de protection et de sécurité des réseaux - GPSR) et renforce leurs pouvoirs sur le terrain. Ces agents pourront procéder, sans autorisation préfectorale préalable, à des palpations de sécurité s’il existe des éléments laissant penser qu'un individu détient des objets dangereux pour les voyageurs (comme un couteau ou un cutter...), l’objet détecté pouvant être confisqué temporairement. 

Ils pourront également poursuivre sur la voie publique proche des gares les auteurs d'infractions commises dans une gare ou une rame et qui prennent la fuite alors qu’aujourd'hui, les agents de sûreté ferroviaire et de la RATP ne peuvent intervenir qu'à l'intérieur des gares. Ils seront également autorisés à constater par procès-verbal les délits de ventes à la sauvette sur les parvis des gares et à la sortie des stations de métro et à saisir les marchandises et les étals.

Les agents de la Suge et du GPSR et les autres agents chargés de la police des transports pourront de même interdire l'entrée en gare et l'accès aux stations aux individus menaçant la sécurité des voyageurs ou la circulation ou qui refusent de se faire fouiller.

Alors qu’ils sont déjà autorisés à porter une arme à feu, les agents de la Suge pourront désormais être autorisés à porter un pistolet à impulsion électrique (Taser). 

Les réservistes, les adjoints volontaires et les policiers adjoints pourront sur les lignes et dans les gares contrôler l'identité des personnes, inspecter les bagages et verbaliser. Les agents de sûreté d'Île-de-France Mobilités pourront pour leur part être affectés au Centre de coopération opérationnel de la sécurité (CCOS), au même titre que les agents de la Suge et du GPSR depuis 2021. 

Vidéosurveillance algorithmique et port de caméras-piétons

Le dispositif de vidéosurveillance algorithmique (VSA) ou vidéosurveillance intelligente expérimentée pendant les jeux olympiques de 2024 pour détecter des évènements prédéterminés suspects à risque dans des manifestations sportives, récréatives ou culturelles, à leurs abords et dans les transports en commun (comme des mouvements de foules, un sac abandonné) sera en outre prolongé jusqu’au 1er mars 2027 alors qu’il aurait dû prendre fin au 31 mars 2025. 

Le texte pérennise, de plus, l'utilisation des caméras-piétons pour les contrôleurs. L'expérimentation, permise par la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), avait pris fin en octobre 2024. L'usage de ces caméras sera par ailleurs expérimenté durant trois ans pour les conducteurs de bus et de cars, afin notamment en cas d'agression de faciliter la collecte de preuves. D'autres dispositions expérimentales ont été introduites par amendements, par exemple pour autoriser les caméras embarquées à bord des tramways ou pour autoriser dans les bus et les cars, le dispositif de l'alarme discrète (captation sonore et transmission en direct depuis la cabine du conducteur). Ce système pourra être déclenché par les conducteurs, lorsque leur sécurité est menacée.

Sanctions pour les oublis ou abandons de bagages

Les sanctions pour les oublis ou abandons volontaires de bagages ou d’objets dans les transports publics sont modifiées. Les voyageurs encourront désormais trois niveaux d'amende : en cas d'abandon involontaire, une amende de 450 euros et une amende forfaitaire de 72 euros ; en cas d'abandon involontaire si l'étiquetage des bagages est obligatoire, une amende de 750 euros et une amende forfaitaire de 150 euros ; en cas d'abandon volontaire manifeste, une amende de 1.500 euros et une amende forfaitaire de 180 euros. L'exploitant pourra toutefois appliquer un montant inférieur pour l’amende forfaitaire. Des amendes peuvent déjà être prononcées en cas d’oubli de bagage par la SNCF (150 euros) et la RATP (de 150 à 375 euros).

Les opérateurs de transports pourront aussi proposer aux voyageurs, sous certaines conditions, un service d’étiquetage anonymisé (QR code).

Délit de "bus ou train surfing" et interdiction de paraître

La proposition de loi institue par ailleurs un nouveau délit de "bus ou train surfing" (fait de monter sur un métro ou s'agripper derrière un bus), sanctionné d'une peine d'amende ainsi qu’une peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports publics pour les auteurs récidivistes de certains crimes ou délits dans ces transports ou en gare (violences, agressions sexuelles, exhibitions et harcèlement sexuels, certains cas de vols...). Cette peine, qui pourra être prononcée contre des auteurs majeurs ou âgés de plus de 16 ans, existe déjà dans les stades ou dans certains périmètres de sécurité.

En cas d'agressions, de menaces ou d'outrages, les exploitants des transports publics (SNCF, RATP...) pourront désormais déposer plainte pour le compte de leurs agents, avec leur accord.

Une incapacité d'exercer est en outre créée pour les conducteurs de transports collectifs définitivement condamnés pour des infractions violentes, sexuelles ou terroristes, lorsqu'ils sont en contact avec des enfants ou des adultes vulnérables. Dans l'attente de la condamnation définitive, l'employeur pourra suspendre le conducteur. Si l'incapacité d'exercer est avérée et à défaut de reclassement possible, le conducteur devra être licencié.

Le texte prévoit également l'expérimentation sur trois ans des caméras frontales à l'avant des tramways pour améliorer la prévention et l'analyse des accidents, autorise les opérateurs à faire dégager les véhicules entravant la circulation des tramways et étend le dispositif Stop Fraude avec la possibilité de contrôle en temps réel de l’adresse du contrevenant.

"Grande satisfaction" des professionnels des transports publics

"Je souhaite désormais une mise en oeuvre rapide de ce texte", a déclaré sur X le ministre chargé des Transports Philippe Tabarot tandis que les professionnels des transports publics saluaient l’adoption de cette proposition de loi. Dans un communiqué, l'Union des transports publics et ferroviaires (UTPF) a exprimé sa "grande satisfaction". "Cette législation, attendue de longue date par les professionnels du secteur et les voyageurs, répond à un enjeu crucial : garantir une sécurité renforcée dans les transports collectifs face aux actes inacceptables qui peuvent encore s'y produire (agressions contre les personnels et voyageurs, atteintes sexistes, fraude, vandalisme), a-t-elle souligné. Alors que le sentiment d'insécurité détourne certains citoyens des transports publics, pourtant essentiels à une transition écologique inclusive, cette loi constitue une réponse législative adaptée aux défis actuels."

Mais à l’Assemblée mardi, les débats ont encore été très vifs sur l’élargissement des prérogatives des forces de sécurité dans les transports. "Il était temps de donner des droits aux agents de sûreté, car il n'est pas possible de leur demander d'assurer la sécurité des utilisateurs des transports en commun sans leur en donner les moyens nécessaires", s'est félicité le député Les Républicains Ian Boucard. La gauche a au contraire dénoncé un glissement des missions régaliennes. "Les frontières entre les compétences des agents de sûreté et celles des forces de l'ordre s'atténuent dangereusement", a déploré le député communiste Stéphane Peu.

"Appétit de répression" 

La France insoumise (LFI), les socialistes, les communistes et les écologistes ont très largement voté contre l’expérimentation du port de caméras-pétons pour les chauffeurs de bus et de car. Seuls l'ancien président François Hollande et l'ancien ministre macroniste Aurélien Rousseau se sont abstenus au groupe PS.

La possibilité pour un juge de prononcer une interdiction de paraître dans les réseaux de transports, similaire à celle existant pour les stades de football a quant à elle été jugée difficilement applicable surtout dans le réseau francilien, de l'aveu même de Guillaume Gouffier Valente, député macroniste rapporteur du texte à l'Assemblée. Le texte contient "une espèce d'appétit de répression", a estimé le socialiste Roger Vicot.

Introduite par un amendement du gouvernement, la prorogation jusqu'en mars 2027 de l'expérimentation d'un dispositif de VSA lors de grands rassemblements a aussi été très critiquée. Avec la VSA, un algorithme analyse les images de vidéosurveillance afin de repérer des comportements suspects. Un "cavalier" législatif sans lien suffisant avec le texte, selon certains députés, et donc susceptible d'être censuré par le Conseil constitutionnel. "Cette expérimentation est bien plus large que les transports qui nous occupent aujourd'hui", a critiqué le député du groupe MoDem Philippe Latombe.

L'association La Quadrature du Net a accusé le gouvernement - qui demande davantage de temps pour avoir le recul nécessaire sur cette technique - de "violer les promesses d'évaluation" et a déploré des "méthodes brutales (...) révélatrices de la dynamique autoritaire en cours". "Brique après brique, vous bâtissez une France surveillée, punie, contrôlée, enfermée", a estimé la députée insoumise Elisa Martin, qui a défendu en ouverture de séance une motion de rejet du texte, largement repoussée par les députés.

 

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