Le Sénat adopte en première lecture la proposition de loi "sûreté dans les transports" 

La proposition de loi sénatoriale visant à renforcer la sûreté dans les transports a été adoptée en première lecture par la Chambre haute, sans modification majeure. Le périmètre du nouveau délit "d’incivilité d’habitude" a toutefois été revu à la baisse. De même, l’accès "libre" des agents de police municipale aux espaces de transport et aux trains initialement prévu par le texte serait désormais conditionné à la passation d’une convention entre l’exploitant et les collectivités (mais élargi aux gardes champêtres).

Les sénateurs ont adopté ce 13 février à une large majorité (227 pour, 119 contre), en première et unique lecture, puisque la procédure accélérée a été engagée par le gouvernement, la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports (voir notre article du 30 janvier 2024), portée par Philippe Tabarot (LR-Alpes-Maritimes) et plusieurs de ses collègues. Ils y ont apporté quelques modifications et extensions, revenant parfois sur celles précédemment adoptées en commission.

Le nouveau délit d’ "incivilité d’habitude" revu

Principale modification apportée, celle relative au délit d’ "incivilité d’habitude" que le texte entend instituer. La commission en avait circonscrit la portée en conditionnant son existence à la répétition de 5 infractions identiques parmi 25 identifiées (entre autres : voyager sans billet, fumer, vapoter, mendier, cracher, avoir un bagage non étiqueté, s’installer à une place déjà réservée, emporter des objets pouvant être dangereux, gênants ou incommodants pour les voyageurs, etc.). Considérant que ce "légitime souci de préserver la proportionnalité de la sanction" risquait de rendre la disposition inopérante, les sénateurs ont finalement décidé en séance que le délit serait constitué en cas de répétition d’une même infraction à 5 reprises ou lorsque 10 contraventions pour des infractions différentes (figurant toujours parmi cette même liste) auront été dressées.

… comme l’accès des policiers municipaux aux espaces de transport et train

Les sénateurs ont également revu en commission, cette fois sans modification en séance, le dispositif qui prévoyait un libre accès de droit aux espaces et véhicules de transport pour les agents de la police municipale, au motif de la nécessaire réaffirmation de l’autorité du maire sur cette dernière. Tel qu’adopté, le texte dispose désormais que "l’exploitant du service de transport public peut conclure avec une ou plusieurs communes ou EPCI ainsi qu’avec l’autorité organisatrice une convention déterminant les conditions dans lesquelles les agents de la police municipale ou les gardes champêtres peuvent accéder librement aux espaces de transport et aux trains en circulation sur leur territoire".

Mais l’interdiction de paraître dans les transports validée

Ils n’ont en revanche retouché qu’à la marge l’interdiction de paraître spécifique aux réseaux de transport public introduite par la proposition de loi, en ajoutant notamment les délits en matière de police ferroviaire à ceux pouvant donner lieu à cette interdiction (et en excluant les infractions liées aux délits de presse). La transmission de l’identité des personnes faisant l’objet d’une telle interdiction par les autorités administratives aux entreprises de transport collectif est par ailleurs facilitée.

En revanche, la création initialement prévue d’un fichier administratif pour centraliser les auteurs d’infractions dans les transports (et faciliter notamment la constatation d’une violation de cette interdiction de paraître) est remplacée par la transmission des procès-verbaux dressés par les agents de la Suge et du GPSR et des agents assermentés de l'exploitant d’un service de transport au ministère public, "dans les meilleurs délais". La nouvelle interdiction d’entrée en gare des personnes dont le comportement trouble l’ordre public ou pourrait compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations, ou de celles refusant inspection visuelle, fouille de bagages ou palpations de sécurité, a également été adoptée sans grande modification. 

Données sensibles, captation sonore, palpations de sécurité

Les sénateurs ont par ailleurs rétabli en séance deux articles supprimés en commission :

- l’un permettant aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP de collecter et traiter des données sensibles, pour les seuls besoins de leur mission de prévention, en interface avec les forces de l’ordre, dans le cadre du traitement d’infractions flagrantes punies d’une peine d’emprisonnement ; 

- l’autre permettant, à titre expérimental, d’instituer un dispositif de captation sonore que pourraient déclencher les conducteurs d’autobus et d’autocars lorsqu’ils se sentent en danger. Ils ont également autorisé, à titre expérimental, pour une durée de deux ans, l'usage de caméras-piétons pour ces mêmes conducteurs, disposition introduite en commission.

Ils sont de même revenus sur les modifications opérées en commission sur les dispositions autorisant les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP à réaliser des palpations de sécurité. En l’état, ces derniers pourront notamment les effectuer, avec le consentement exprès des personnes, en l’absence d’arrêté préfectoral, lorsqu’il existe des éléments objectifs laissant penser qu’une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des voyageurs.  

Contrôle des antécédents judiciaires, réquisitions judiciaires

Les sénateurs ont en outre introduit en séance la possibilité pour les opérateurs de transport public de personnes de contrôler les antécédents judiciaires des personnels qu’ils emploient, en leur permettant de consulter, par l’intermédiaire des préfets, le fichier automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (fichier FIJAISV), dans les mêmes conditions que celles existantes pour les élus locaux (pour des décisions de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ainsi que pour le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions). Ils ont également reporté d’un an l’échéance de l’expérimentation de l’utilisation de logiciels de traitement vidéo utilisant des données non biométriques pour répondre aux réquisitions judiciaires.

Extension ou maintien de compétences

Plusieurs amendements adoptés en commission n'ont pas été retouchés en séance, tels que ceux :

- sécurisant la nouvelle faculté accordée aux agents de sécurité de la SNCF et de la RATP de poursuivre les auteurs d’infractions aux abords immédiats des emprises immobilières de ces sociétés dans certaines circonstances ("droit de poursuite") et ce, en pouvant continuer d’user de leur caméra-piéton pour la durée de l’intervention ;

sécurisant l’usage d’équipes cynotechniques, en l’espèce en prolongeant la certification de ces dernières alors que, du fait d’une récente évolution réglementaire, plus de 60% des chiens de la SNCF et 75% de ceux de la RATP ont perdu la leur ; "à trois mois des Jeux olympiques et paralympiques" ;

étendant les compétences de la Suge aux transports routiers dits "de substitution" ;

érigeant en délit le fait d’oublier (puni de 2.500 euros d’amende) ou d’abandonner ses bagages (puni de 3.750 euros d’amende), en réservant la procédure d’amende forfaitaire délictuelle aux seuls abandons intentionnels ;

instaurant les délits de "bussurfing" et de "trainsurfing" (utiliser le véhicule comme engin de remorquage ou se maintenir sur les marchepieds pendant la marche), en leur appliquant par ailleurs le mécanisme de l’amende forfaitaire délictuelle ;

- rendant automatique l'information de l’entreprise de transport public lorsqu'un conducteur de véhicule qu’il emploie voit son permis de conduire suspendu ou annulé ;

autorisant la présence d’agents d’Île-de-France mobilités au sein du centre de coordination opérationnel de sécurité, à l’issue de la procédure d’ouverture à la concurrence des services franciliens ;

- prévoyant la mise en place par les entreprises ferroviaires d’un numéro téléphonique unique d’alerte permettant de recueillir et de procéder au traitement des signalements des voyageurs en matière de sûreté.

 

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