Sécurité - Le gouvernement veut inscrire l'état d'urgence et la déchéance de nationalité dans la Constitution
La réforme constitutionnelle voulue par le président de la République à la suite des attentats du 13 novembre 2015 ajoutera deux articles à la Constitution. D'après l'avant-projet de loi, dont l'AFP a obtenu copie jeudi 3 décembre, le premier inscrit dans la Constitution le principe d'état d'urgence dans des termes très proches de ceux de la loi du 3 avril 1955. Il dispose en outre que l'état d'urgence peut être prolongé lorsque les événements ayant conduit à le décréter ont cessé mais que demeure "un risque d'acte de terrorisme". L'article ne supprime pas l'article 36 de la Constitution, relatif à l'état de siège. Le second article inséré dans la Constitution porte sur la déchéance de nationalité. Le gouvernement a saisi le Conseil d'Etat de ce texte mardi 1er décembre 2015.
"Régime de sortie progressive de l'état d'urgence"
L'idée est de mettre en place "un régime de sortie progressive de l'état d'urgence", indique-t-on dans l'entourage de Manuel Valls, chargé par le chef de l'Etat de rédiger ce texte. Ainsi, les assignations à résidence décidées durant l'état d'urgence pourront être prolongées jusqu'à six mois après son expiration. Des "limitations de libertés publiques dans certaines zones", comme des interdictions ou des restrictions de rassemblements ou d'horaires d'ouverture des lieux publics, pourraient aussi être décidées, explique une source gouvernementale. En l'inscrivant dans la Constitution, l'exécutif entend renforcer la solidité juridique du régime de l'état d'urgence. Celui-ci a déjà été mis à jour et renforcé à la quasi-unanimité par le Parlement, à la suite des attaques du 13 novembre.
Une réforme soumise à l'approbation des trois cinquièmes du Congrès
L'autre volet concerne la possibilité de déchéance de nationalité, étendue à tous les binationaux condamnés pour des actes relevant du terrorisme. Jusqu'à présent, seuls les binationaux naturalisés français pouvaient être soumis à cette peine. Si la mesure n'était pas inscrite dans la Constitution, elle aurait été contraire au texte suprême, souligne le gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de révision.
Le projet de loi doit être présenté en conseil des ministres le 23 décembre après d'éventuelles modifications. Une telle réforme constitutionnelle impose l'approbation d'au moins les trois cinquièmes du Congrès, ce qui oblige l'exécutif à obtenir le soutien de l'opposition.
Dans sa saisine du Conseil d'Etat, l'exécutif a également transmis pour avis des mesures dont la légalité pose question, notamment la création de centres de rétention pour personnes radicalisées mais jamais condamnées "pour des faits de terrorisme", ou à défaut, de centres pour les personnes déjà condamnées. Le Conseil d'Etat devra en outre se prononcer sur la légalité du placement sous bracelet électronique ou de l'assignation à résidence des "personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité".
Laurent Terrade, avec agences
Avant-projet de réforme constitutionnelle
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Article premier
Après l'article 36 de la Constitution, il est inséré un article 36-1 ainsi rédigé :
'Article 36-1. - L'état d'urgence est décrété en conseil des ministres soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. La loi fixe les mesures de police administrative que les autorités civiles peuvent prendre, sous le contrôle du juge administratif, pour prévenir ce péril ou faire face à ces événements.
La prorogation de l'état d'urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. Celle-ci en fixe la durée.
Lorsque le péril ou les événements ayant conduit à décréter l'état d'urgence ont cessé mais que demeure un risque d'acte de terrorisme, les autorités civiles peuvent maintenir en vigueur les mesures prises en application du premier alinéa pendant une durée maximale de six mois. La loi peut permettre, pendant la même durée, aux autorités civiles de prendre des mesures générales pour prévenir ce risque.'
Article 2
Après l'article 3 de la Constitution, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé :
'Art. 3-1. - Un Français qui a également une autre nationalité peut, dans les conditions fixées par la loi, être déchu de la nationalité française lorsqu'il est définitivement condamné pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.'"
Source AFP