Attentats - François Hollande : état d'urgence prolongé et adapté cette semaine, révision constitutionnelle "dans les plus brefs délais"
"Actes de guerre", "agression contre notre pays", "des lâches qui ont tiré sur une foule désarmée"… "Notre République n'est pas à la portée de méprisables tueurs", "Ce n'est pas une guerre de civilisation parce que ces assassins n'en représentent aucune", "Nous éradiquerons le terrorisme", "Le terrorisme ne détruira pas la République car c'est la République qui le détruira"…
Tels furent quelques-uns des mots choisis ce lundi 16 novembre par François Hollande s'exprimant solennellement devant députés et sénateurs réunis en Congrès au château de Versailles. Des mots inhabituels pour dire une situation inhabituelle et pour présenter des mesures exceptionnelles, trois jours à peine après les attentats les plus meurtriers jamais connus en France.
Après avoir déclaré la séance ouverte, peu après 16 heures, le président du Congrès, Claude Bartolone, a évoqué devant la quasi-totalité des 577 députés et 348 sénateurs placés par ordre alphabétique "un moment important de notre histoire" alors que "la France a été frappée au coeur". François Hollande a ensuite fait son entrée dans l'hémicycle. Une minute de silence a été observée, avant que le chef de l'Etat, visage grave, ne prenne la parole. "La France est en guerre", ont été ses premiers mots.
Etat d'urgence : un projet de loi dès mercredi
Après avoir abordé le volet international de la réponse française aux actes terroristes – intensification des actions en Syrie, poursuite des frappes au cours des semaines à venir, réponse européenne unifiée, rencontre prochaine avec Barak Obama et Vladimir Poutine… –, François Hollande a détaillé les mesures décidées en termes de sécurité intérieure.
Indiquant que plus d'une centaine d'assignations à résidence et 168 perquisitions avaient ordonnées "sur tout le territoire" depuis vendredi soir, il a confirmé avoir "décidé que le Parlement serait saisi dès mercredi d'un projet de loi prolongeant l'état d'urgence pour trois mois et adaptant son contenu à l'évolution des technologies et des menaces". Et François Hollande d'inviter les parlementaires à "le voter d'ici la fin de la semaine".
"La loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence prévoit en particulier deux mesures exceptionnelles, l'assignation à résidence et les perquisitions administratives, qui offrent des moyens utiles pour prévenir la commission de nouveaux actes terroristes. Je veux leur donner immédiatement toute leur portée et les consolider. Il sera donc proposé au Parlement d'adopter un régime juridique complet pour chacune de ces dispositions", a-t-il expliqué.
Pour un nouveau "régime constitutionnel permettant de gérer l'état de crise"
"Nous sommes en guerre. Mais cette guerre d'un autre type appelle un régime constitutionnel d'état de crise". Partant de ce constat, le chef de l'Etat juge qu'au-delà de cette prolongation et cet élargissement de l'état d'urgence, une autre étape est nécessaire. D'où son annonce d'une révision constitutionnelle "pour permettre aux pouvoirs publics d'agir, conformément à l'Etat de droit, contre le terrorisme de guerre".
Selon le président, l'article 16 de la Constitution, qui régit les conditions d'attribution des pouvoirs exceptionnels au président, et l'article 36, qui porte sur l'état de siège, ne sont "pas adaptés". Le recours au premier "implique que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels soit interrompu", le second est "décrété en cas de péril imminent, résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection à main armée" et permet de transférer des compétences "de l'autorité civile à l'autorité militaire". "Chacun voit bien qu'aucun de ces deux régimes n'est adapté à la situation que nous rencontrons. Le fonctionnement régulier des pouvoirs publics n'est pas interrompu et il n'est pas concevable de transférer à l'autorité militaire des pouvoirs", a-t-il justifié.
La Constitution doit, selon lui, offrir un "outil approprié pour fonder la prise de mesures exceptionnelles pour une certaine durée sans recourir à l'état d'urgence et sans compromettre l'exercice des libertés publiques". "Cette guerre d'un autre type face à un adversaire nouveau appelle un régime constitutionnel permettant de gérer l'état de crise", a-t-il dit. Et le chef de l'Etat d'ajouter à l'adresse des parlementaires : "J'ai chargé le Premier ministre de préparer cette révision avec vous dans les plus brefs délais."
Placement en résidence surveillée : le Conseil d'Etat sera saisi
Cette révision de la Constitution "doit s'accompagner d'autres mesures" portant notamment sur la déchéance de nationalité : "Nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte terroriste, même s'il était Français, dès lors qu'il bénéficie d'une autre nationalité." "De même, nous devons pouvoir interdire à un binational de revenir sur notre territoire s'il représente un risque terroriste, sauf à ce qu'il se soumette à un dispositif de contrôle draconien", a-t-il détaillé. Tout comme "nous devons pouvoir expulser plus rapidement les étrangers qui représentent une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public et la sécurité de la Nation".
"Je sais que d'autres propositions ont été formulées pour accroître la surveillance de certains individus, fichés notamment", a-t-il indiqué, faisant référence notamment à la proposition de Nicolas Sarkozy de placer en résidence surveillée les personnes faisant l'objet d'une fiche 'S'. Là-dessus, "le gouvernement va saisir pour avis le Conseil d'Etat pour vérifier la conformité de ces propositions à nos règles fondamentales et à nos engagements internationaux. Cet avis sera rendu public et j'en tirerai toutes les conséquences".
Les régionales auront bien lieu
En marge de ce volet institutionnel et des annonces concernant le renforcement des moyens humains des forces de l'ordre (voir ci-contre notre autre article de ce jour), le Président a confirmé que les élections régionales auraient lieu comme prévu les 6 et 13 décembre : "Le rythme de la démocratie n'est pas soumis au chantage du terrorisme. Les élections régionales auront lieu aux dates prévues. La vie politique elle-même doit retrouver ses droits."
Dès samedi soir, Manuel Valls avait indiqué que le scrutin se déroulerait comme prévu, faisant valoir qu'"au fond, c'est l'une des plus belles réponses que nous pouvons donner à ceux qui s'attaquent à nos valeurs, à la démocratie".
Lundi matin sur RTL, le Premier ministre avait en revanche prévenu que "toute une série de manifestations" dont "certaines manifestations plutôt festives" prévues en marge du sommet de l'ONU seraient "sans aucun doute annulées", prévoyant plutôt que la COP21 serait "réduite à la négociation". François Hollande, qui a lui aussi confirmé le maintien de la COP21 fin novembre, a pour sa part affirmé vouloir en faire un "moment d'espérance et de solidarité".