Transports - Le gouvernement suspend l'application de l'écotaxe poids lourds
"J'ai décidé la suspension de la mise en oeuvre de l'écotaxe pour nous donner le temps nécessaire d'un dialogue au niveau national et régional", a déclaré Jean-Marc Ayrault ce 29 octobre, à l'issue d'une réunion avec plusieurs élus bretons, ainsi que les ministres Stéphane Le Foll (Agriculture), Guillaume Garot (Agroalimentaire), Frédéric Cuvillier (Transports), Bernard Cazeneuve (Budget), Jean-Yves Le Drian (Défense) et Marylise Lebranchu (Décentralisation), mais en l'absence du ministre de l'Ecologie, Philippe Martin. "La suspension ne signifie pas la suppression", a cependant ajouté le Premier ministre alors qu'un fort mouvement d'hostilité s'est développé ces dernières semaines en Bretagne, région touchée de plein fouet par la crise de l'agroalimentaire.
Si l'écotaxe "n'est pas la cause" des difficultés économiques actuelles de la région, "elle soulève des questions de mise en œuvre", a reconnu Jean-Marc Ayrault. "La confrontation doit céder la place au dialogue, dans l'intérêt des Bretons, et du pays entier. Le courage, ce n'est pas l'obstination, c'est d'écouter, de comprendre, c'est de chercher ensemble la solution", s'est-il justifié.
L'instauration du dialogue qu'il appelle de ses vœux sera l'occasion de mettre sur la table plusieurs propositions de Stéphane Le Foll, Frédéric Cuvillier et Guillaume Garot, en particulier "l'exonération des poids lourds" utilisés par les secteurs de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la pêche, et la hausse de la minoration de la taxe poids lourds pour les régions périphériques qui est déjà de 50% pour la Bretagne et de 30% pour l'Aquitaine et Midi-Pyrénées. "Les solutions retenues devront être justes" et "équilibrées au plan national et tous secteurs confondus", a prévenu Jean-Marc Ayrault. "Elles devront tenir compte des entreprises du secteur routier, dont l'activité doit s'inscrire dans un cadre de concurrence loyale", a-t-il ajouté.
A sa sortie de Matignon ce 29 octobre, Frédéric Cuvillier a estimé qu'il faudrait "vraisemblablement" des mois de discussions pour trouver les bonnes modalités d'application de l'écotaxe. "Nous verrons, le plus rapidement sera le mieux pour pouvoir sortir un financement des infrastructures", a-t-il ajouté. Car la suspension de l'écotaxe représente un manque à gagner de 750 millions d'euros pour l'État et de 150 millions pour les collectivités. Pour pallier ce manque "sur budget de l'État, nous y travaillons avec Bernard Cazeneuve", le ministre du Budget, a ajouté Frédéric Cuvillier.
Enfin, selon le ministre, cette suspension jusqu'à nouvel ordre n'aura "pas d'incidences directes" sur le contrat avec Ecomouv', société chargée de la gestion et de la collecte de l'écotaxe. "Il faudra néanmoins regarder les clauses du contrat" et "dans quelle mesure elles se mettent en place", a-t-il nuancé. Le 28 octobre, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, avait de son côté prévenu que le gouvernement "ne peut pas revenir en arrière" sur l'écotaxe car défaire le contrat avec Ecomouv' coûterait 800 millions à l'Etat.
Ce nouveau recul sur l'écotaxe a été bien accueilli par les élus bretons présents à Matignon pour cette réunion, boycottée par les membres de l'UMP. Mais il n'est pas sûr que cela suffise à calmer la situation sur place. Les organisateurs de la manifestation organisée à Quimper le 26 octobre ont en effet décidé de maintenir le rassemblement malgré la suspension. "Ce n'est pas suffisant, la Bretagne demande sa suspension définitive", a déclaré ce 29 octobre à l'AFP Christian Troadec, maire (DVG) de Carhaix (Finistère) et responsable du collectif qui a lancé l'appel à la manifestation à Quimper "Pour l'emploi et la Bretagne et contre l'écotaxe".