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Chambres régionales des comptes - Le "gendarme" doit continuer à contrôler les comptes et la gestion des collectivités

Des chambres régionales autonomes et fortes doivent pouvoir continuer à exercer les missions que le législateur leur a dévolues il y a près de 30 ans. C'est l'appel commun lancé par les directeurs généraux des collectivités et les magistrats du Syndicat des juridictions financières, en pleine période de questionnement quant à l'avenir du projet de loi sur ces juridictions financières.

Après quasiment un an d'attente, la commission des lois de l'Assemblée nationale a examiné le 15 septembre dernier la réforme des chambres régionales des comptes (CRC), en faisant le choix d'apposer sa marque sur un dossier très sensible pour les collectivités et leurs élus. Les députés ont d'abord refusé que le gouvernement procède par ordonnance. Ensuite, elle a supprimé l'expérimentation de la certification des comptes des grandes collectivités et validé le relèvement du seuil d'apurement des comptes des collectivités.
La commission a aussi et surtout renforcé la responsabilité des gestionnaires publics, qu'ils soient ministres ou élus locaux, en cas d'infraction aux règles budgétaires et comptables. Aujourd'hui à l'abri de toute sanction dans ces domaines – contrairement aux fonctionnaires –, les élus locaux seraient passibles d'une amende pouvant aller jusqu'à deux années de traitement ou d'indemnités, s'il est constaté qu'ils ont donné l'ordre de ne pas respecter ces règles.
Le Syndicat des juridictions financières (SFJ) qui, avec le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT), organisait le 25 février au Palais du Luxembourg à Paris un colloque sur la réforme, est favorable à cette évolution, à condition que celle-ci soit "bien encadrée". Sinon, on établirait "le gouvernement des juges", estime Sylvain Huet, président du SJF. Stéphane Pintre, président du SNDGCT, émet également un avis positif sur cette mesure, la jugeant "logique". Son mérite serait notamment de permettre de sortir de la seule alternative entre l'impunité et la sanction pénale qui attend aujourd'hui les élus coupables d'irrégularités.
Mais les élus locaux et le gouvernement ne voient franchement pas la question du même œil. C'est même pour cette raison que le projet de texte est aujourd'hui bloqué, peut-être même enterré, estiment les représentants du SJF. Pour Stéphane Pintre, ce rejet illustre une nouvelle fois "la difficulté qu'a le lobby des parlementaires élus locaux de faire avancer les textes concernant les collectivités locales". Le président du SNDGCT ne mâche pas ses mots : "Le premier conflit d'intérêt dans ce pays, c'est celui qu'ont les élus locaux parlementaires. Tant qu'on ne traitera pas ce problème, on n'avancera pas dans la voie d'une décentralisation réelle."

En l'état du texte, "entre cinq et huit chambres pourraient fermer"

Malgré le fort virage entamé par les députés, le SJF demeure inquiet quant à l'évolution possible des CRC. S'agissant de l'exécution des nouvelles missions de la Cour des comptes, qu'il s'agisse de la rénovation du régime de responsabilité des élus locaux ou de l'évaluation des politiques publiques, les chambres régionales seraient "exclues", condamnées seulement à jouer "un rôle de supplétif", s'alarme Sylvain Huet.
De plus, bien que remanié, le projet n'a pas éliminé la crainte de voir disparaître un certain nombre de chambres. "Selon les informations qui nous ont été communiquées, entre cinq et huit chambres, les plus petites, pourraient fermer." Et ce, à court terme. Mais à moyen terme, le nombre des victimes de la réforme pourrait être supérieur. Car le gouvernement aurait "la possibilité de déterminer dans le temps quel doit être le nombre des CRC et leur siège".
L'objectif de réduction drastique du nombre des chambres régionales voulu par l'ancien premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, n'est donc pas écarté. Le SJF s'oppose catégoriquement à cette perspective, considérant que l'efficacité des CRC passe par des implantations de proximité. Un avis que partagent les directeurs généraux des collectivités, qui notent que les CRC ont joué, telles des "gendarmes", "un rôle majeur dans la moralisation de la vie locale durant ces 25 dernières années".