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Economie sociale et solidaire - Le fonds d'innovation sociale démarre dans les neuf régions expérimentatrices

Avec l'ambition d'atteindre 20 millions d'euros - 10 millions de l'Etat, via les investissements d'avenir, et 10 millions des régions - d'ici fin 2016, l'expérimentation du fonds d'innovation sociale s'apprête à entrer dans sa phase opérationnelle dans les neuf régions concernées. Décryptage sur le partenariat avec Bpifrance qui pilote le fonds, les stratégies et les montants par région.

Le démarrage opérationnel du fonds d'innovation sociale (Fiso), c'est pour bientôt. Pour cinq des neuf régions expérimentatrices - Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), Rhône-Alpes - (1), la toute récente validation du cahier des charges de l'appel à projets par arrêté du Premier ministre (2) ouvre la voie à l'attribution des premiers financements.
En réalité, un peu partout, le travail a déjà commencé. La plupart des appels à projets régionaux ont été diffusés et plusieurs projets sont actuellement à l'étude. Dès la fin du mois de novembre, l'attribution d'une avance récupérable de 100.000 euros à une entreprise du Languedoc-Roussillon devrait ainsi être officialisée (voir encadré ci-dessous).

Financer la R&D nécessaire à l'innovation sociale

Annoncé par François Hollande lors des Assises de l'entrepreneuriat en avril 2013, le Fiso vise à soutenir des PME, associations, sociétés coopératives ou tout autre entreprise portant l'agrément "entreprise solidaire", dans la mise en oeuvre de projets innovants, économiquement viables et répondant à des besoins sociaux non ou mal satisfaits. A travers ce nouveau fonds, l'innovation sociale est ainsi placée au même rang que l'innovation technologique. En sachant que l'innovation sociale a été reconnue et définie à travers la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire (article 15).
Fruit d'un partenariat entre les régions, Bpifrance et l'Etat – via le Commissariat général aux investissements (CGI) –, la mise en œuvre du Fiso s'inscrit à la fois dans un cadre commun et dans le contexte de chaque région.
Le cadre commun, c'est la définition par Bpifrance et les régions - depuis deux ans et en lien avec des acteurs de l'innovation sociale tels que l'Institut Godin, l'Avise, Ashoka et MakeSense -, de critères permettant de qualifier l'innovation sociale, d'une grille d'analyse des projets et des modalités du soutien qui leur sera apporté.
Au final, les projets ciblés sont au-delà de la phase d'émergence : ils sont à l'étape d'"une première mise sur le marché au moment de la demande" et nécessitent "la mise en œuvre d'un programme de recherche et développement pour faire évoluer le produit/service et ou le modèle économique relatif au projet", peut-on lire dans les cahiers des charges régionaux (3).
"Ce n'est pas un dispositif subventionnel", explique Marie Adeline-Peix, directrice exécutive des partenariats régionaux et de l'action territoriale à Bpifrance. L'une des modalités de financement, l'avance remboursable, est selon elle "un dispositif très adapté à l'innovation" car il correspond à "l'acceptation du partage d'un risque". Si le projet réussit, y compris dans ses modalités économiques, l'avance est remboursée en intégralité ; en cas d'échec, 40% seulement de l'aide est remboursée.

En Rhône-Alpes, 5 millions d'euros d'ici 2020 avec l'appui du Feder

Les stratégies varient cependant d'une région à l'autre. Certaines régions, comme le Centre et la Picardie, apportent déjà depuis plusieurs années – via leur propre appel à projets et/ou selon d'autres modalités – un appui à l'innovation sociale. Il s'agit donc pour elles d'assurer le lien et la transition entre les démarches.
Ces stratégies dépendent surtout de l'effort financier que peut consentir la région pour le Fiso. Pour augmenter ses capacités, la région Rhône-Alpes est ainsi parvenue à ajouter l'Europe (via le Feder, fonds européen de développement régional) à la table des financeurs. En tout, 5 millions d'euros – dont 1,2 million d'euros de la région, 1,3 million d'euros du Feder et 2,5 millions d'euros de Bpifrance – pourraient être attribués dans le cadre du Fiso d'ici 2020, uniquement sous la forme de prêts à taux zéro (PTZ) et pour des montants minimum de 50.000 euros.
Sur ce type de montants, Rhône-Alpes fait plutôt figure d'exception. D'après l'Association des régions de France (ARF), l'enveloppe Fiso est de 400.000 euros pour la Lorraine (200.000 euros de la région, 200.000 euros de Bpifrance), de 780.000 euros pour le Languedoc-Roussillon (dont 280.000 euros de la région), de 2 millions d'euros pour la Picardie (1 million d'euros de la région, 1 million d'euros de BpiFrance) ou encore de 1,68 million d'euros pour Paca (dont 600.000 euros de la région) (4).

Une évaluation de l'expérimentation fin 2016 

Dans le cadre de l'enveloppe de 10 millions d'euros qu'elle gère pour le compte de l'Etat au titre des investissements d'avenir, la banque publique d'investissement finance le Fiso à hauteur de ce que met la région. C'est par exemple le cas en Lorraine et en Picardie.
Dans d'autres régions comme Languedoc-Roussillon ou Paca, le Fiso est adossé à un fonds régional d'innovation (FRI) géré par Bpifrance. Dans ce cas, la région abonde le fonds et la "mutualisation des ressources" crée un "effet de levier" permettant à Bpifrance de financer davantage les différents dispositifs prévus dans le cadre du FRI, dont le Fiso.
"La stratégie de Rhône-Alpes s'inscrit dans une contractualisation pluriannuelle avec Bpifrance", fait remarquer Marie Adeline-Peix. Un horizon qui dépasse l'échéance de fin 2016 prévue pour l'utilisation des 10 millions d'euros du programme d'investissement d'avenir (PIA) au bénéfice du Fiso. "Après 2016, il [le partenariat avec Rhône-Alpes, ndlr] se poursuivra dans un cadre de financement par Bpifrance au-delà du PIA actuel", ajoute-t-elle.
Quant aux autres régions, elles ont prévu d'avancer progressivement, en abondant régulièrement le Fiso au fur et à mesure de la consommation des crédits.
Au-delà des moyens qu'elles prévoient de consacrer au fonds, certaines régions s'interrogent sur l'adéquation du dispositif aux besoins des porteurs de projets. A l'issue d'un an d'expérimentation et de l'étude d'une douzaine de projets n'ayant finalement pas fait l'objet d'une sélection, la région Lorraine plaide ainsi pour des ajustements. "Le produit n’est pas bien calibré nous semble-t-il pour les gros projets, qui sont assez vite bancarisés, ni pour les petits, pour lesquels les conditions de prêts sont trop restrictives. Du coup, nous sommes dans l’entre deux", explique Aurélie Marand, responsable du service ESS de la région Lorraine.
Fin 2016, l'expérimentation du Fiso dans les neuf régions donnera lieu à une évaluation. Avant de décider d'un éventuel déploiement du Fiso dans d'autres régions et de la mobilisation d'autres ressources au niveau national.

Caroline Megglé

(1) Les quatre autres régions expérimentatrices sont le Centre, la Lorraine, le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie.
(2) Avec la publication, les 22 et 23 octobre 2015, au Journal officiel de deux arrêtés : arrêté du 6 octobre 2015 relatif à l'approbation des cahiers des charges régionaux "Fonds d'innovation sociale en Languedoc-Roussillon", "Fonds d'innovation sociale en Midi-Pyrénées", "Fonds d'innovation sociale en Provence-Alpes-Côte d'Azur" et "Fonds d'innovation sociale en Rhône-Alpes" et arrêté du 12 octobre 2015 relatif à l'approbation du cahier des charges régional "Fonds d'innovation sociale en Franche-Comté".
(3) Les cahiers des charges régionaux spécifient que les projets éligibles sont ceux qui :
- proposent une solution innovante (nouveaux procédés, nouveaux biens ou services, nouveaux modes de distribution ou d'échange, nouveaux modes d'organisation), répondant à un besoin social pas ou mal satisfait ;
- cherchent à démontrer la faisabilité de la solution, sa viabilité et ses possibilités de duplication et d'essaimage ;
- s'inscrivent dans un objectif entrepreneurial avec un modèle économique viable ;
- créent de l'emploi et/ou apportent une plus-value sociale et/ou environnementale ;
- sont engagés dans une démarche participative avec implication des parties prenantes.
Les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées ont respectivement ajouté les critères suivants :
- bénéficient d'un accompagnement par un membre du réseau régional d'accompagnement des projets innovants (réseau Linnk, dont la liste actualisée est disponible sur le site www.transferts-lr.org).
- bénéficient d'un accompagnement par un organisme d'accompagnement des projets innovants (incubateur régional Catalis, organismes partenaires du plan Midi-Pyrénées Entreprendre ou/et spécialisés dans l’accompagnement de projet d’innovation sociale).
(4) D'après BpiFrance, les montants globaux du Fiso pour les autres régions sont de 2 millions d'euros pour le Centre, 200.000 euros pour la Franche-Comté, 500.000 euros pour Midi-Pyrénées, 1 million d'euros pour le Nord-Pas-de-Calais.
 

En Languedoc-Roussillon, un projet bientôt financé et trois projets accompagnés

"Le premier financement Fiso en Languedoc-Roussillon a été accordé à l'entreprise V@si, qui développe des prestations de services en activités physiques adaptées (APA), avec une spécificité liée à son lien étroit avec le secteur médical et de la recherche", indique Emmanuel Salih Alj, responsable des outils financiers à la direction du développement des entreprises de la région. L'aide apportée, une avance récupérable de 100.000 euros, doit permettre à la société de tester en situation réelle un programme d'APA adapté aux personnes atteintes de sclérose en plaques.
Pour l'attribution du Fiso, la région Languedoc-Roussillon a mis en place une procédure spécifique prévoyant notamment un accompagnement des porteurs de projets en amont de la présentation des demandes de financement au comité d'experts chargé de la sélection. Trois projets, portés par une société coopérative d'intérêt collectif (Scic), une société coopérative et participative (Scop) et une association, sont actuellement accompagnés dans ce cadre.
Pour Marie Adeline-Peix, ce dispositif d'incubation préalable - également prévu en Midi-Pyrénées - est opportun, l'accompagnement permettant de "faire émerger les projets et de les faire grandir" pour atteindre l'étape de leur "mise sur le marché". Le Fiso, ajoute-t-elle, c'est "la marche qui vient après les dispositifs d'aides en subvention. Il financera notamment les projets de l'économie sociale et solidaire qui ont besoin de booster leur croissance".

C. Megglé

 

 

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