Transports / Environnement - Le débat sur l'écotaxe relancé
"L'écologie ne doit pas être punitive, on ne doit pas taxer les gens s'ils n'ont pas le choix de prendre les transports propres. Donc je vais regarder, je n'ai pas encore arrêté ma position, de toute façon je ne suis pas la seule à prendre la décision, elle se fera en réunion interministérielle, pour remettre à plat les choses et voir les autres possibilités pour dégager les financements pour faire les travaux ferroviaires et routiers." A peine installée dans ses nouvelles fonctions, la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, a livré le 3 avril au micro de France Bleu Poitou ses premières réflexions sur le devenir de l'écotaxe poids lourds... et du coup, relancé la controverse. Issue du Grenelle de l'environnement, la mesure, qui devait entrer en vigueur au 1er janvier 2014, a été suspendue sine die par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, fin octobre 2013, à la suite de mouvements de contestation particulièrement virulents en Bretagne. Or, l'écotaxe devait en partie abonder le budget de l'Agence de financements des infrastructures de transports de France (Afitf) à hauteur de 700 à 800 millions d'euros, et cofinancer des projets de transports en commun, routiers et ferroviaires, dont une centaine est aujourd'hui gelée.
Inquiétude des ONG environnementales
Des ONG environnementales ont exprimé leurs inquiétudes ou leurs critiques après la prise de position de la nouvelle ministre qui avait déjà ferraillé en 2009 contre le projet de "taxe carbone" de Nicolas Sarkozy. La fondation Nicolas-Hulot s'est dite "inquiète", en interrogeant : "Mme Royal préfère-t-elle que les externalités engendrées par le trafic routier soient à l'unique charge du contribuable ?" Agir pour l'Environnement a parlé d'une "mauvaise entrée en matière" tandis que le Réseau Action Climat (RAC) a pour sa part défendu un "dispositif incontournable" pour atteindre l'objectif de 25% de fret non routier en 2022. Pour le RAC, "l'écotaxe poids lourd n'est pas un impôt 'punitif' (…). C'est l'absence de sa mise en place qui revient de fait à pénaliser l'ensemble des citoyens au nom de la préservation des intérêts d'une partie d'entre eux".
La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a également volé au secours de l'écotaxe. Selon elle, sa mise en place rapide est "urgente" car le report décidé par le précédent gouvernement "prive le système de transports d'un milliard d'euros par an et bloque les projets de transports urbains en site propre et l'accélération indispensable de la rénovation du réseau ferré classique." "Un nouveau report ou un abandon, évoqué par la ministre de l'Ecologie, serait catastrophique, estime-t-elle. Il pénaliserait les contribuables, les usagers des transports et tous ceux qui attendent une politique de mobilité durable." Réagissant elle aussi aux propos de Ségolène Royal sur la remise à plat de l'écotaxe, la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) a souligné qu'il y avait "urgence à trouver des solutions pérennes" car l'Afitf est "dès cette année (…) incapable d'engager de nouveaux programmes".
Satisfaction des coopératives agricoles
De leur côté, les coopératives agricoles "se félicitent des premières déclarations" de la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal sur la nécessité d'une remise à plat de l'écotaxe, dans un communiqué publié par Coop de France ce 4 avril. "Cette taxe, appliquée en l'état, accentuerait la fragilisation de certaines filières et favoriserait les produits importés", rappelle l'organisation, qui avait été une des toutes premières à se mobiliser contre l'écotaxe poids lourds. Car les coopératives, qui pèsent tout de même 40% de l'agroalimentaire français, disposent "rarement de solution de report multimodal et transporte(nt) des produits à faible valeur ajoutée". "Réfléchissons vite à un dispositif simple, juste et dédié à un véritable plan de restructuration des infrastructures, indispensable pour garantir une meilleure compétitivité nationale" et "nous sommes prêts à en débattre avec Madame la Ministre Ségolène Royal", explique Philippe Mangin, président de Coop de France, cité dans le communiqué.
"La remise à plat de l'écotaxe n'a aucune raison de soulever une polémique. C'est une méthode de respect et du temps donné à l'écoute...", a déclaré la ministre de l'Ecologie et de l'Energie sur son compte Twitter ce 4 avril. "D'ailleurs un rapport parlementaire est rendu dans 15 jours dont le gouvernement prendra connaissance avant les décisions", a ajouté Ségolène Royal.