Le corps préfectoral est mort, vive le corps des administrateurs de l’État
Un décret publié au Journal officiel le 7 avril acte la fin du corps préfectoral et fixe les conditions du statut d'emploi des préfets et sous-préfets dans le cadre du nouveau corps des administrateurs de l'État.
Le nouveau statut d’emploi des préfets et sous-préfets est prêt. Un décret publié au Journal officiel le 7 avril "tire les conséquences de la création du nouveau corps des administrateurs de l’État et, donc, de la mise en extinction du corps des préfets et des sous-préfets", qui doit intervenir au 1er janvier 2023. Cette réforme d’ampleur avait été présentée par Jean Castex le 6 mai 2021, quelques jours après l’annonce de la suppression de l’ENA par Emmanuel Macron, au profit de l’Institut national du service public (INSP) entré en service au 1er janvier 2022. Selon le gouvernement, qui refuse les accusations d'un affaiblissement de l'État, la fonction de préfet et de sous-préfet n’est pas remise en cause, elle en sortirait même "renforcée". C’est l’évolution de carrière au sein d’une filière qui leur était propre – avec ses grades – qui s’éteint. Il s’agit "de poursuivre la diversification des profils et de faire évoluer la gestion de ces emplois d’une approche statutaire vers une approche par les compétences", souligne l’exécutif.
Son idée est de fondre tous les cadres supérieurs de la fonction publique dans un seul et même corps, celui des administrateurs de l’État avec, à la clé, une harmonisation des rémunérations, plus de mobilités interministérielles et des parcours plus ouverts. Ce nouveau corps des administrateurs de l’État a déjà fait l’objet d’une ordonnance du 2 juin 2021 (voir notre article du 2 juin 2021). Il substituera une logique de métier à celle de corps, l’INSP étant appelé à former l’ensemble des hauts cadres de la fonction publique (seuls la Cour des comptes et le Conseil d’État, corps juridictionnels, échappent à la réforme).
Détachés pour une durée de neuf ans
C’est dans ce contexte que le décret du 6 avril 2022 vient fixer le cadre réglementaire applicable aux emplois de préfets et sous-préfets "en matière de nomination, de classement des emplois et de modalité de gestion sur ces emplois". Il institue pour les préfets un emploi fonctionnel sur lequel ils seront détachés pour une durée limitée à neuf ans. Et ce "quel que soit le nombre d'emplois occupés pendant cette période". Lorsque la durée entre deux affectations dans des emplois de préfet est inférieure à deux ans, ces deux affectations sont comptabilisées comme relevant d'un exercice continu des fonctions. Il est à noter que la moitié des 270 préfets actuels sont en poste dans un territoire (région ou département), beaucoup occupent des postes de direction dans différentes administrations…
Le processus de recrutement se veut aussi plus transparent. Un comité consultatif (dont le décret fixe la composition) est chargé de donner un avis sur l’aptitude professionnelle des personnes susceptibles d’être nommées à un poste de préfet.
Gage de plus d’ouverture, le décret veille cependant à ne pas avoir des préfets "hors sol". Au moins deux tiers des emplois de préfet seront occupés par des personnes "justifiant de plus de cinq années de services dans plusieurs postes territoriaux d'encadrement supérieur au sein des services déconcentrés de l'État, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière ou d'établissements publics en relevant". Trois de ces années devront avoir été exercées en qualité de sous-préfet. Ce qui signifie en creux qu'un tiers des préfets seront nommés à la discrétion du gouvernement, en provenance du public ou du privé, comme c'est déjà le cas aujourd'hui.
Droit d’option
Le décret décrit ensuite le rôle des sous-préfets qui "assistent les préfets dans l'accomplissement de leurs missions". Ils veillent, sous leur autorité, "à l'application des textes législatifs et réglementaires et à la mise en œuvre des directives du gouvernement". Ils sont nommés pour trois ans, "cette durée peut être prolongée sans que la durée totale d'occupation d'un même emploi puisse excéder cinq ans". Comme pour les préfets, la durée maximale d'exercice continu des fonctions de sous-préfet est de neuf ans. En outre, les sous-préfets sont nommés pour une durée maximale de trois ans dans chaque poste territorial. Cette durée peut être prolongée jusqu’à cinq ans.
Préfets et sous-préfets feront l'objet, "à différents moments de leur parcours professionnel", d'une évaluation collégiale assurée par le Conseil supérieur de l'appui territorial et de l'évaluation, pour juger de leur aptitude à exercer des responsabilités d'encadrement. A noter que les préfets et sous-préfets ne pourront pas être recrutés dans une collectivité du lieu d'exercice de leur fonction avant un délai de deux ans.
Le décret comporte aussi des dispositions transitoires. Les préfets nommés antérieurement à l'entrée en vigueur du décret auront le choix : rester préfet ou devenir administrateur général. Il en va de même pour les sous-préfets. Ce droit d’option sera ouvert du 1er janvier au 31 décembre 2023.
La gestion des emplois de préfet et de sous-préfet continuera de relever du ministre de l’Intérieur, via la nouvelle délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (Diese) instituée en décembre 2021.
Référence : décret n° 2022-491 du 6 avril 2022 relatif aux emplois de préfet et de sous-préfet, JO du 7 avril 2022. |