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Fin de l'ENA, "grands corps", carrières : ce qui attend les cadres supérieurs de l'État

Le conseil des ministres a examiné ce 2 juin l'ordonnance qui réforme l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État. Le texte va bien au-delà de la suppression de l'ENA : il crée le corps des administrateurs d'État – qui sera demain le principal corps de l'encadrement supérieur – afin de favoriser "une logique de métier". Entre autres objectifs : l'amélioration des perspectives de carrière et le développement des mobilités. Les expériences de terrain seront valorisées.

Les cadres supérieurs de l'État seront "mieux formés" et seront "plus enclins à l'innovation et la prise de risque", ils présenteront "des profils plus variés" et exerceront "des métiers plus attractifs"… La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a défendu, ce 2 juin, la réforme de l'encadrement supérieur de l'État. Celle-ci figure dans une ordonnance prévue par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, que le conseil des ministres a adoptée ce jour.
Après les annonces faites en avril par le président de la République, le texte met fin à la prestigieuse École nationale d'administration (ENA) et la remplace, à partir du 1er janvier prochain, par un Institut national du service public (INSP). Situé à Strasbourg – comme l'ENA –, celui-ci aura la charge d'assurer la formation initiale et continue des cadres supérieurs de l'État. En sachant que la formation initiale comprendra un tronc commun à 14 écoles du service public.
Un classement de sortie perdurera à la sortie de l'INSP. Mais à la différence de celui de l'ENA, il ne permettra que de choisir le premier poste de la carrière. Autre petite révolution : à partir de 2023, les élèves de l'institut n'auront plus accès aux places que les "grands corps" leur réservaient. Ils devront tous effectuer au moins une première expérience "opérationnelle" de deux ou trois ans avant de pouvoir intégrer ceux-ci. Par ailleurs, ils feront tous partie d'un unique corps, celui des administrateurs d'État. "Cela permettra de passer d'une logique de corps à une logique de métier et de compétences au service des besoins de l'État", expliquait Amélie de Montchalin la semaine dernière devant les sénateurs de la commission des lois.

Fin du corps préfectoral

Conséquence directe : certains grands corps disparaîtront, comme celui des préfets. Ce qui n'a pas manqué d'inquiéter ces dernières semaines un certain nombre des intéressés et une partie de la classe politique. Mais l'institution du préfet, "qui remonte à Napoléon", subsistera bien, promet le gouvernement. Qui se défend par ailleurs de vouloir politiser davantage la fonction.
Selon le gouvernement, les membres du Conseil d’État et les magistrats de la Cour des comptes, des tribunaux administratifs ou des cours administratives d’appel et des chambres régionales et territoriales des comptes "se verront appliquer les mêmes principes de mobilité, d’ouverture et d’évaluation". Mais des "adaptations" permettront de préserver "leur indépendance et leur impartialité garanties par la Constitution".
La création du corps des administrateurs d'État permettra "une harmonisation des rémunérations" et "une vraie mobilité interministérielle", plaide la ministre en charge de la fonction publique. Aujourd'hui, "beaucoup de fonctionnaires se trouvent enfermés dans des logiques où leurs perspectives de carrières sont réduites, quand bien même ils ont des compétences à apporter", a-t-elle dénoncé à l'issue du conseil des ministres. C'est à ces "logiques de corps" que le gouvernement entend s'attaquer.

Évaluations

En parallèle, il compte développer les évaluations professionnelles "à différents moments" du parcours professionnel des fonctionnaires. Ces évaluations seront confiées à une instance collégiale ministérielle ou interministérielle, laquelle appréciera les perspectives de carrière des agents et, le cas échéant, émettra des recommandations de mobilité. Dans ce cadre, davantage d'"aller-retours" seront possibles entre les fonctions exercées dans les administrations centrales et celles qui relèvent des administrations déconcentrées, assure la ministre.
Une délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État, dotée de 30 à 50 personnes, assurera l'animation de la carrière des plus hauts cadres de l'État.
La présentation de l'ordonnance ouvre un vaste chantier réglementaire qui sera mené par l'ensemble du gouvernement d'ici à la fin de l'année. Une consultation de plus de 10.000 cadres de l'État a été ouverte jusqu'au 18 juin pour alimenter ce travail. D'ores et déjà, 3.000 réponses ont été recueillies. Les conclusions de cette concertation seront tirées lors d'une "convention des managers de l'État", début juillet.