Politique de la ville - Le Conseil national des villes recentre le débat
"Il y a une urgence car il y a une attente forte", a déclaré Pierre Berton, secrétaire général du Conseil national des villes (CNV), en commentant ce 16 janvier les nouvelles contributions du CNV au futur plan gouvernemental en faveur des banlieues. Reste que les dernières prises de position gouvernementales provoquent un flou préjudiciable sur l'avenir du plan "Respect et égalité des chances". Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, annonçait en décembre dernier avoir bouclé les cinq mois de consultations préparatoires au plan Banlieues qui devait être présenté le 22 janvier. Qualifié le 8 janvier par Nicolas Sarkozy d'"extrêmement ambitieux", le plan Banlieues était alors repoussé à février. Puis Christine Boutin a annoncé, le 14 janvier, un programme de rénovation des centres-ville car "les quartiers à la périphérie de nos villes ne sont pas les seuls à avoir besoin de rénovation urbaine". Le 15 janvier, Fadela Amara a précisé qu'elle allait présenter "une ambition énorme pour la banlieue et non pas un plan". Quelques heures plus tard, le Premier ministre se devait de clarifier le discours gouvernemental : "Une politique spécifique aux quartiers les plus défavorisées est absolument nécessaire."
Pour Pierre Berton, ces positions contradictoires illustrent la prise de conscience d'une double nécessité : le renforcement de la politique de la ville mais aussi une véritable stratégie pour intégrer ces quartiers dans la ville. "Tout le monde sait désormais qu'on ne peut plus se limiter à seulement donner des moyens supplémentaires aux ghettos pour s'en sortir."
Priorité à la réforme des finances locales
Le Conseil national des villes a donc détaillé auprès de Fadela Amara des propositions portant sur l'éducation, la santé, les questions de délinquance ou l'emploi. L'instance consultative fait un plaidoyer pour un désenclavement financier, "la seule manière de réussir un plan (...) mais aussi, au-delà, de redonner l'espoir aux élus et aux professionnels qui se débattent dans des situations locales fragiles et, pour certaines d'entre elles, quasiment inextricables". Constatant un réel durcissement de la délinquance, le CNV insiste sur la nécessité d'un secret partagé entre les différents intervenants et oeuvre notamment pour une augmentation des moyens de protection judiciaire de la jeunesse. Dans la contribution relative à l'urgence de la paix sociale, le CNV préconise "le rétablissement de l'égalité républicaine en matière de solidarité nationale et de péréquation des finances locales en matière d'éducation nationale mais aussi en matière de police, de gendarmerie et de justice". Rappelant que le développement économique demeure le parent pauvre des projets de renouvellement urbain et mettant en avant la fragilité croissante des structures support comme les missions locales, le CNV articule ses propositions sur un principe simple : les politiques publiques doivent s'appuyer sur les attentes des entreprises. De plus, la cohérence de ces initiatives ne peut être assurée que par la mise en place d'une gouvernance locale porteuse de développement économique et d'emploi. "Le pire de tout, c'est ces annonces perpétuelles de changements. C'est impossible : les rencontres territoriales imposent des repères", conclut Pierre Berton.
Clémence Villedieu
Quartiers, centres-ville : l'Anru sur tous les fronts
"Ce qui nous importe, c'est de mener à bien notre mission qui consiste à mettre en oeuvre le programme national destiné à changer les quartiers et à favoriser l'articulation avec le volet humain et social des actions à venir." C'est ainsi que Gérard Hamel, député-maire de Dreux et président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), a résumé le 16 janvier les priorités de l'agence pour 2008, en insistant sur la nécessité de mener une politique globale pour la ville. Une manière d'esquiver la polémique née des déclarations contradictoires de la ministre du Logement et de la secrétaire d'Etat à la Politique de la ville. En tant qu'outil opérationnel, l'Anru compte jouer pleinement son rôle auprès des quartiers fragiles dans leur ensemble, qu'ils se situent en périphérie ou en centre-ville. Elle entend donc se mobiliser aussi bien sur le prochain plan Banlieues, avec des attentes fortes en matière de desserte par les transports en commun, d'emploi, d'éducation, que sur le programme de rénovation des quartiers anciens qu'elle a pour tâche de lancer, forte de son expérience sur une vingtaine de sites.
Au 1er janvier 2008, l'agence a approuvé 298 projets. 228 conventions ont été signées, représentant 33,5 milliards d'euros de travaux engagés ou programmés sur les cinq prochaines années. Plus de 80% des quartiers prioritaires ont été validés et des projets ont été engagés dans 217 quartiers supplémentaires, ce qui concerne près de 4 millions d'habitants. Au total, ces chiffres se traduisent par plus de 119.000 constructions, 260.000 réhabilitations, 124.000 déconstructions de logements sociaux et plus de 288.000 résidentialisations. Plus de 3 milliards d'euros de travaux ont été lancés l'an dernier pour 1 milliard d'euros engagés. Treize conventions ont été signées avec des régions et sept avec des départements. La charte Anru pour l'insertion a aussi produit des effets positifs : selon une enquête menée sur plus de 150 conventions signées avant 2007, plus de 2.300 personnes ont bénéficié d'au moins un contrat de travail dans le cadre des opérations de rénovation urbaine, sur une base renseignée de 80 projets, et la charte a servi d'élément déclencheur à la mise en oeuvre de clauses sociales dans les marchés publics pour plus de la moitié des projets.
"Notre objectif est de finaliser cette année tous les projets de rénovation urbaine figurant sur la liste arrêtée par le conseil d'administration en 2007, a expliqué Philippe Van de Maele, directeur général de l'Anru. Nous allons aussi faire des points d'étape sur les projets car nous sommes très attachés au suivi de la mise en oeuvre. Il est important de veiller au respect des fondamentaux du programme (qualité architecturale et urbaine, qualité de l'accompagnement social, de la concertation) et de veiller au respect des calendriers et des délais." Pour être plus proche du terrain, l'agence prévoit une délégation élargie aux délégués territoriaux pour l'instruction et le suivi des dossiers et souhaite créer un pôle d'appui opérationnel qui pourra intervenir à la demande auprès des élus locaux. Le directeur général de l'Anru s'est aussi vu confier la responsabilité du comité opérationnel "logements sociaux et rénovation urbaine" du Grenelle de l'environnement qui devra travailler sur la mise aux normes accélérée de l'ensemble du parc HLM en matière énergétique et sur l'anticipation des normes futures (80 ou 50 KWh sur les programmes Anru). Enfin, l'agence souhaite lancer après les élections de mars un appel à projets pour organiser des "rendez-vous de l'urbanisme durable".
Anne Lenormand