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Hébergement - Le Conseil d'Etat valide la circulaire sur les contrôles dans l'hébergement d'urgence, mais encadre son application

Dans une décision du 11 avril (n°417206), le Conseil d'Etat rejette le recours en annulation, déposé par vingt-huit associations, contre la circulaire du 12 décembre 2017 relative à l'examen des situations administratives dans l'hébergement d'urgence (voir notre article ci-dessous du 21 décembre 2017 sur le contenu de cette circulaire). Cette décision ne constitue pas véritablement une surprise, dans la mesure où le Conseil d'Etat avait déjà rejeté - pour "défaut d'urgence" - un recours en référé contre ce texte (voir l'encadré de notre article ci-dessous du 21 février 2018).

Des contrôles annoncés à l'avance et sans pouvoir de contrainte

La circulaire du 12 décembre 2017 instaure notamment "un dispositif de suivi administratif robuste des personnes étrangères en hébergement d'urgence", afin de veiller "à des orientations adaptées, soit vers le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile pour ceux qui souhaitent s'engager dans cette démarche ou sont déjà enregistrés comme demandeurs d'asile, soit vers le logement pour ceux qui ont droit au séjour, soit vers un transfert ou un retour pour ceux qui ne remplissent aucune condition de droit au séjour". Pour cela, la circulaire prévoit la réalisation de contrôles in situ (annoncés 24 h à l'avance), assurés par des "équipes mobiles" mixtes, composées d'un ou plusieurs agents de préfecture (de catégorie A ou B) compétents en droit des étrangers, d'un ou plusieurs agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et, "en fonction des ressources mobilisables et du contexte local, de personnels compétents en matière de veille ou d'évaluation sociales".
Pour fonder sa décision, le Conseil d'Etat juge en premier lieu que, du fait de la notification 24 h à l'avance, "la circulaire ne saurait, dès lors, être regardée comme conférant aux agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration un pouvoir d'accès aux locaux des gestionnaires de centres sans l'accord de ces derniers" et que "par ailleurs, la circulaire attaquée ne confère par elle-même aucun pouvoir de contrainte, notamment de la part de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, à l'égard des personnes hébergées".

Pas de dérogations aux dispositions législatives et réglementaires

Sur le fond, le Conseil d'Etat estime qu'"en prescrivant un suivi attentif des situations administratives des personnes hébergées et en indiquant que devront être tirées toutes les conséquences de cet examen en matière de droit au séjour et d'orientation de ces personnes, la circulaire ne saurait être regardée comme dérogeant aux dispositions législatives et réglementaires applicables en matière d'hébergement des demandeurs d'asile et de droit au séjour".
Outre les aspects juridiques, la rédaction de ces considérants a aussi pour effet d'encadrer la mise en œuvre de ces contrôles et de limiter les risques de dérives vers un éventuel arbitraire. Sur ce point le Conseil d'Etat reprend d'ailleurs les éléments qui avaient été mis en avant, dans le même esprit d'encadrement, par le juge des référés. Conclusion : "A la lumière de cette interprétation, le Conseil d'Etat juge les critiques des associations infondées et rejette leurs recours".

Le Conseil d'Etat annule une disposition de la circulaire relative à l'évolution du parc d'hébergement d'urgence
En revanche, dans sa seconde décision du 11 avril 2018 (n°417208), le Conseil d'Etat annule la circulaire du 4 décembre 2017 relative à l'évolution du parc d'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés, qui mettait en place une organisation des structures d'hébergement en trois niveaux et revoyait la gouvernance du dispositif (voir notre article ci-dessous du 14 décembre 2017 sur le contenu de ce texte). L'annulation ne porte toutefois pas sur l'ensemble du contenu de cette circulaire de 66 pages, mais uniquement sur la disposition prévoyant, à l'annexe 3.2 du document, que les gestionnaires des hébergements d'urgence pour demandeurs d'asile pourront mettre fin à la prise en charge des résidents demandeurs d'asile. C'est donc seulement une demie victoire pour les associations requérantes, qui demandaient l'annulation de l'ensemble de la circulaire. Il convient au passage de relever que plusieurs associations importantes - Fédération des acteurs de la solidarité, Emmaüs, Fehap, Uniopss, Armée du Salut... – s'étaient d'ailleurs désistées entretemps de ce second recours.

 

Références : Conseil d'Etat, section du contentieux, 2e et 7e chambres, décisions n°417206 et 417208 du 11 avril 2018, Fédération des acteurs de la solidarité et autres.