Handicap / Transports - Le Conseil d'Etat reste inflexible sur l'accessibilité et les collectivités s'inquiètent
Au fil des arrêts, le Conseil d'Etat reste inflexible sur le caractère universel de l'accessibilité prévue par la loi Handicap du 11 février 2005. A plusieurs reprises, il a ainsi déjà sanctionné des tentatives réglementaires d'assouplissement de l'accessibilité du cadre bâti, tandis que le Conseil constitutionnel faisait de même sur les tentatives législatives (voir nos articles ci-contre). Dans un arrêt du 22 juin 2012, le Conseil d'Etat prend une position similaire sur la question de l'accessibilité des transports en commun.
En l'espèce, il confirme l'annulation d'une délibération du 26 février 2008 du bureau de la communauté d'agglomération du Pays voironnais (92.000 habitants) approuvant le schéma directeur d'accessibilité du réseau de transports publics du Pays voironnais. Ce schéma "ne prévoyait, pour un motif tiré des contraintes techniques et budgétaires de la collectivité, l'aménagement d'ici l'expiration du délai imparti par la loi [le 1er janvier 2015, ndlr] que de 42,5% des points d'arrêts des lignes régulières du réseau de transport considéré, sans envisager d'aménagements pour 1.030 points d'arrêts, dont 380 sur des lignes régulières, outre une centaine d'autres points d'arrêts pour lesquels une impossibilité technique existerait".
La cour administrative d'appel de Lyon - dont la communauté d'agglomération attaquait la décision - avait relevé "que plus de 1.000 arrêts, soit près de 60% des arrêts du réseau, ne seraient pas rendus accessibles dans le délai prévu par la loi, au motif que l'aménagement de l'ensemble du réseau aurait un coût global trop élevé pour la communauté d'agglomération mais sans faire état, pour les différents points d'arrêts, d'obstacles techniques impossibles à surmonter, sauf à procéder à des aménagements d'un coût manifestement disproportionné". Dans ces conditions, le Conseil d'Etat considère que la cour administrative d'appel de Lyon "a pu, sans erreur de droit, en déduire que la délibération attaquée était intervenue en méconnaissance des prescriptions résultant de l'article 45 de la loi du 11 février 2005". Le Conseil rejette par conséquent le recours de la communauté d'agglomération du Pays voironnais et confirme l'annulation pour excès de pouvoir de sa délibération adoptant le schéma directeur d'accessibilité du réseau de transports publics.
Une dérogation de 60% ?
Cet arrêt a suscité l'inquiétude du Gart (Groupement des autorités responsables des transports) et de l'AdCF (Assemblée des communautés de France). Dans un communiqué du 4 juillet, les deux organisations "alertent les autorités publiques sur les conséquences de la récente décision du Conseil d'Etat pour les collectivités". Elles observent que cette décision "vide de sa substance la circulaire [du 13 avril 2006 relative à l'application de la loi du 11 février 2005], produite par le ministère de l'Equipement, qui avait notamment invité les autorités organisatrices de transport à renoncer à engager des travaux au cas où ceux-ci seraient manifestement disproportionnés par rapport à leur impact effectif sur le fonctionnement du service".
Tout en prenant acte de la décision du Conseil d'Etat, les deux organisations rappellent que "les conséquences pour l'accessibilité des transports collectifs ne sont pas minces" et s'inquiètent des conséquences budgétaires d'une position maximaliste. Pour appuyer leur propos, elles disent même craindre "que certaines collectivités se voient dans l'obligation de fermer purement et simplement certaines dessertes de leur territoire, au risque d'aggraver la fracture territoriale [...]".
Pour ne pas en arriver là, le Gart et l'AdCF en appellent à des discussions tripartites entre l'Etat, les associations des personnes handicapées et les associations de collectivités territoriales, "afin d'envisager les solutions adaptées aux besoins des personnes en situation de handicap et aux contraintes des collectivités locales". Reste une question, que n'évoquent pas directement l'arrêt du Conseil d'Etat et les deux organisations : avec près de 60% de points de desserte du réseau non accessibles, peut-on vraiment parler de "dérogations" ?