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Environnement - Le Conseil d'Etat a rejeté les recours contre l'extraction de sable en baie de Lannion

Le Conseil d'Etat a rejeté lundi 5 décembre des recours d'associations et de la commune de Lannion (Côtes-d'Armor) contre l'extraction de sable en baie de Lannion, un projet qui a suscité un vaste mouvement de protestation au niveau local. Les recours attaquaient le décret du 14 septembre 2015 par lequel le gouvernement autorisait la Compagnie armoricaine de navigation (CAN) à exploiter cette concession de sables calcaires coquilliers dite "concession de la Pointe d'Armor". La concession a été accordée à la CAN pour une durée de 15 ans, le volume d'extraction de ce sable calcaire destiné à amender les terres agricoles pour diminuer leur acidité étant limité à 250.000 m3 par an. Les critiques des requérants contre le décret portaient à la fois sur la procédure suivie et sur le projet d'exploitation lui-même.
Dans sa décision, le Conseil d'Etat a d'abord estimé que "la procédure suivie a été régulière". "En particulier, les modifications apportées après l'enquête publique ne justifiaient pas l'organisation d'une enquête complémentaire car elles diminuaient l'envergure du projet", a-t-il précisé. Les textes applicables en matière d'environnement prévoyaient, notamment, une étude d'impact et une évaluation spécifique de l'incidence du projet sur les deux sites Natura 2000 à proximité, un avis préalable des services de L'Etat chargés de l'environnement, une enquête publique et l'organisation de réunions de concertation. Pour le Conseil d'Etat, l'étude d'impact, l'évaluation des incidences sur les sites Natura 2000 et plus généralement le contenu du dossier soumis à l'enquête publique étaient "suffisants". Il a jugé que l'examen par les services de l'Etat compétents "n'avait pas présenté d'irrégularité". "A l'issue de l'enquête publique, le commissaire-enquêteur avait émis un avis favorable assorti de recommandations, a-t-il rappelé. Les nombreuses observations formulées pendant l'enquête avaient conduit les porteurs du projet à le modifier pour en limiter la portée : réduction du périmètre de 4 à 1,5 km, volumes annuels d'extraction ramenés de 400.000 à 250.000 au plus, limitation de l'exploitation à la période de septembre à avril, réduction de la durée de la concession de 20 à 15 ans." Dans ces conditions, "dès lors que ces modifications, bien qu'importantes, ont pour effet de réduire les effets du projet sur l'environnement", il a estimé qu'elles ne nécessitaient pas l'organisation d'une enquête publique complémentaire.
Sur le fond, la haute juridiction administrative reconnaît que "cette exploitation aura une incidence sur l'environnement", mais elle ajoute qu'il ne lui a pas été démontré "qu'il existait une alternative crédible à l'utilisation de ces sables". Le Conseil d'Etat a relevé que "des précautions ont été prises pour ne pas compromettre le renouvellement des ressources biologiques, notamment de certains poissons, que le trait de côte ne sera pas modifié et que l'impact sur le tourisme sera limité puisque l'exploitation s'arrêtera durant la période estivale". "Un suivi annuel des incidences sur l'environnement est prévu et, en fonction de ces analyses, le préfet définira chaque année les zones à exploiter, les volumes extraits et le suivi environnemental", a-t-il ajouté. Dans ces conditions, il a donc estimé que l'autorisation "n'était pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation" et il a rejeté le recours.
Début novembre, les préfets des Côtes-d'Armor et du Finistère avaient annoncé qu'ils ne renouvelleraient pas l'arrêté d'exploitation délivré à la CAN, "tant que le recours au fond sur le décret n'aurait pas été jugé par le Conseil d'État". La CAN, filiale du groupe Roullier, qui avait mené deux opérations d'extraction début septembre dans le secteur contesté, avait annoncé à la mi-septembre la suspension de ses opérations. Dans un communiqué publié après la décision du Conseil d'Etat, la CAN a souhaité "que le redémarrage de l'exploitation du site de Pointe d'Armor puisse lever les craintes de la population locale par rapport aux impacts potentiels de l'activité". Ce redémarrage "n'interviendra qu'après le renouvellement de l'arrêté préfectoral', a confirmé la CAN.
Le Peuple des dunes, collectif d'associations, a notamment dénoncé cette extraction parce qu'elle se déroule entre deux zones Natura 2000. Le collectif considère que les besoins des agriculteurs qui utilisent ce sable coquillier sont satisfaits déjà par deux autres gisements exploités par la CAN en Bretagne. Il a "pris acte de la décision" du Conseil d'État, qui porte "sur le titre minier", mais a rappelé auprès de l'AFP qu'un autre recours avait aussi été déposé devant le tribunal administratif de Rennes contre les autorisations données par les préfets des Côtes-d'Armor et du Finistère à l'extraction elle-même. "On espère l'annulation des arrêtés préfectoraux", en raison notamment de l'insuffisance et des omissions dans le dossier d'enquête publique, a déclaré Alain Bidal, président de cette association. De son côté, l'association Sauvegarde du Trégor a déploré que "les considérations environnementales ne pèsent rien ou presque dans la décision accordée d'accaparer au profit de seuls intérêts privés, ici ceux du groupe Roullier, les richesses naturelles du sous-sol terrestre ou marin".