ASE - Le Conseil d'État précise les obligations des départements en matière de prise en charge des jeunes majeurs
Le Conseil d'État a rendu, le même jour, deux arrêts convergents sur une même affaire concernant la prise en charge des jeunes majeurs. En l'espèce, M. B... A..., originaire du Mali et pris en charge depuis 2016 en qualité de mineur par l'aide sociale à l'enfance (ASE) demandait au juge des référés du tribunal administratif (TA) de Grenoble de suspendre une décision du président du conseil départemental de l'Isère du 12 février 2018 refusant sa prise en charge en qualité de jeune majeur et d'enjoindre au département, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois à compter de l'ordonnance à intervenir et, dans l'intervalle, de poursuivre sa prise en charge par les services de l'ASE, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Toutes demandes rejetées par le juge des référés.
Pas de conditions sur la filière de formation suivie
Dans ses deux arrêts, le Conseil d'État annule l'ordonnance du juge des référés du TA de Grenoble, suspend la décision du conseil départemental de l'Isère et lui enjoint de "statuer de nouveau sur la demande de M.A..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision". Le Conseil d'État rappelle certes "que s'il incombe au président du conseil départemental de préparer l'accompagnement vers l'autonomie de tout mineur pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance dans l'année précédant sa majorité, il dispose, sous le contrôle du juge, d'un large pouvoir d'appréciation pour accorder ou maintenir la prise en charge par ce service d'un jeune majeur de moins de vingt et un ans éprouvant des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants".
En revanche, "lorsqu'une mesure de prise en charge d'un mineur parvenant à sa majorité, quel qu'en soit le fondement, arrive à son terme en cours d'année scolaire ou universitaire, il doit proposer à ce jeune un accompagnement, qui peut prendre la forme de toute mesure adaptée à ses besoins et à son âge, pour lui permettre de ne pas interrompre l'année scolaire ou universitaire engagée".
Or c'est à tort que le juge des référés a estimé que l'intéressé ne se trouvait pas dans le cas où un accompagnement devrait lui être proposé pour lui permettre de terminer l'année scolaire et que cette décision n'entraînerait aucune rupture dans son parcours scolaire, dès lors que la formation dont il bénéficiait n'aboutissait pas à la délivrance d'un diplôme et n'était pas destinée à lui apporter une qualification professionnelle. L'article L.222-5 du code de l'action sociale et des familles ne met en effet aucune condition de filière suivie à la prise en charge des jeunes majeurs poursuivant une formation. En l'occurrence, M. A... avait intégré une classe dite "unité pédagogique pour élèves allophones arrivants" (UPE2A).
Une urgence systématique, sauf circonstances particulières
Sur l'urgence, le Conseil d'État précise qu'"eu égard aux effets particuliers d'une décision refusant de poursuivre la prise en charge [...] d'un jeune jusque-là confié à l'aide sociale à l'enfance, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsqu'il demande la suspension d'une telle décision de refus. Il peut toutefois en aller autrement dans les cas où l'administration justifie de circonstances particulières, qu'il appartient au juge des référés de prendre en considération en procédant à une appréciation globale des circonstances de l'espèce qui lui est soumise".
Mais en l'espèce, le juge des référés a commis une erreur de droit en estimant que le refus de la prise en charge du jeune majeur ne portait pas une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation pour que la condition d'urgence soit remplie, "alors que le département ne justifiait pas de circonstances particulières tenant, notamment, à l'existence d'autres possibilités de prise en charge".
Références : Conseil d'État, première et quatrième chambres réunies, arrêts n°420393 et 421323 du 21 décembre 2018, M.A... B..., département de l'Isère. |