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Aide sociale à l'enfance - Brigitte Bourguignon et le groupe LREM déposent une proposition de loi sur les jeunes majeurs

Constatant les "faiblesses" actuelles de la prise en charge de ces jeunes par l'aide sociale à l'enfance, les députés prévoient plusieurs mesures pour améliorer leur statut : inscription dans la loi du caractère obligatoire de cette prise en charge, prolongation possible jusqu'à 25 ans, meilleure coordination dans l'accompagnement...

Brigitte Bourguignon, la présidente (LREM) de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, Olivier Véran, le rapporteur général (LREM) de cette même commission, et environ 130 députés du groupe majoritaire cosignent une proposition de loi "visant à renforcer l'accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l'autonomie". Compte tenu de son origine et du nombre de signataires, ce texte a de fortes chances d'être effectivement examiné. On observera au passage que son contenu rejoint, pour partie, le tout récent avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) "Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l'enfance" (voir notre article ci-dessous du 13 juin 2018). La question des jeunes majeurs de l'ASE devrait également être "un point absolument central" de la future stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes (voir notre article ci-dessous du 29 mai 2018).

20.000 bénéficiaires d'un contrat jeune majeur

La proposition de loi vise la situation des "jeunes majeurs", un statut particulier qui permet une poursuite de la prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE) du département au-delà de la majorité et, en principe, jusqu'à 21 ans. L'exposé des motifs de la proposition de loi rappelle que ce statut particulier concerne aujourd'hui environ 20.000 jeunes bénéficiaires d'un contrat jeune majeur. Mais ce dispositif "présente un certain nombre de faiblesses".
La première est le flou juridique de ce statut. L'exposé des motifs précise en effet qu'"en raison d'une ambiguïté législative, la plupart des départements considèrent que les prestations proposées par le service de l'aide sociale à l'enfance en direction des jeunes de 18 à 21 ans sont facultatives".
En outre, les conditions pour bénéficier du statut de jeune majeur varient d'un département à l'autre, "ce qui donne lieu à des inégalités territoriales de prise en charge". Et l'accompagnement des jeunes majeurs proposé par les départements est de plus en plus précaire, dans la mesure où la majorité des contrats dure souvent moins de six mois.
Enfin, les signataires de la proposition de loi observent que "l'aide proposée prend fin à 21 ans, ce qui ne permet pas aux jeunes concernés d'envisager sereinement l'avenir, en particulier la poursuite d'études supérieures". L'exposé des motifs souligne d'ailleurs "un paradoxe" : il est en effet demandé à ces jeunes, qui ont connu un parcours difficile justifiant une prise en charge de longue haleine par l'ASE, "d'être autonomes bien plus tôt que les autres jeunes, qui bénéficient d'un soutien financier et d'un logement familial jusqu'à l'âge de 25 ans en moyenne. Autrement dit, il est demandé plus (de maturité, d'autonomie) à ceux qui ont moins (de ressources, de soutiens familiaux)".

Une prise en charge obligatoire, mais des dépenses à la charge de l'Etat

Face à ce constat, la proposition de loi, forte d'une dizaine d'articles, prévoit plusieurs mesures pour améliorer le statut de jeune majeur. Tout d'abord, le texte précise que la prise en charge "est obligatoire pour les mineurs émancipés et les majeurs de moins de 21 ans lorsqu'ils ont à la fois bénéficié d'une prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance avant leur majorité, qu'ils sont en situation de rupture familiale ou ne bénéficient pas d'un soutien matériel et moral de la famille, et qu'ils ne disposent ni de ressources financières, ni d'un logement ou d'un hébergement sécurisant". Point important, dans le contexte des dépenses sociales des départements : les dépenses nouvelles liées à cette prise en charge incomberaient à l'Etat.
Le texte supprime également le lien avec la date anniversaire du jeune, "pour lui permettre de terminer le cycle scolaire ou universitaire engagé" et autorise la prolongation de la prise en charge jusqu'à 25 ans.

Une priorité pour l'accès au logement

En matière de parcours, la proposition de loi prévoit la possibilité pour le jeune d'être accompagné dans son parcours vers l'autonomie par une personne de confiance, "qu'il aurait lui-même choisie et qui ne serait pas nécessairement un professionnel de la protection de l'enfance". Pour améliorer l'accompagnement, le texte propose également une meilleure articulation entre les dispositifs mis en oeuvre par le département (ASE, contrats jeunes majeurs) et ceux proposés par l'Etat (en particulier la garantie jeunes), afin de favoriser les passerelles entre ces deux types de dispositifs.
Dans le même temps, le texte ouvre la mise en œuvre de la Garantie jeunes et du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie, à d'autres organismes que les missions locales, comme les établissements pour l'insertion dans l'emploi (Epide) mis en œuvre par le ministère de la Défense et les écoles de la deuxième chance.
En matière de logement, le texte permet aux jeunes majeurs, à leur sortie du dispositif de protection de l'enfance, de bénéficier d'un logement social de manière prioritaire et, lorsqu'ils poursuivent des études supérieures, d'une place en résidence universitaire. Enfin, la proposition de loi crée une obligation alimentaire de l'Etat lorsque les pupilles de l'Etat deviennent majeurs.
Reste une inconnue : le coût potentiel de ces dispositions pour le budget de l'Etat et celui des départements. En attendant, l'examen de cette proposition de loi est inscrit à l'ordre du jour de la commission des affaires sociales de l'Assemblée, dans sa séance du 4 juillet prochain.

 

Références : proposition de loi visant à renforcer l'accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l'autonomie (enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 13 juin 2018).

 

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