Le Conseil de l’UE pousse les feux sur la bioéconomie
Réunis le 25 avril dernier, les ministres de l’Agriculture des Vingt-Sept invitent la Commission européenne à actualiser sa stratégie et son plan d’action en faveur d’une bioéconomie parée de toutes les vertus, singulièrement pour les zones rurales. En France, c’est FranceAgriMer qui tient désormais les commandes en la matière depuis 2019.
Après le Conseil européen en mars dernier, de manière alors incidente, c'est au tour du Conseil de l'Union européenne – les ministres de l'Agriculture des Vingt-Sept réunis le 25 avril dernier – d'inviter la Commission européenne à se mobiliser en faveur de la bioéconomie, à savoir "l'ensemble des activités de production et de transformation de la biomasse, qu'elle soit forestière, agricole et aquacole", selon la définition qu'en donne le ministère français de l'Agriculture. Le Conseil de l'UE le fait, lui, dans des conclusions dédiées, dans lesquelles il convie la Commission européenne à présenter, après une "évolution approfondie" des actions menées, une stratégie et un plan d'action actualisés pour la bioéconomie. Ceux en œuvre ont été adoptés par la Commission en 2018 (voir notre article du 12 octobre 2018). Dans un rapport remis l'an passé à la demande du Conseil, cette dernière y avait elle-même décelé des "lacunes" – en matière de gestion des demandes de terres et de biomasse d'une part, de modes de consommation d'autre part –, tout en soulignant que l'atteinte des principaux objectifs était "en bonne voie".
La panacée pour les zones rurales ?
Les attentes du Conseil de l'UE semblent d'autant plus grandes qu'il pare la bioéconomie de toutes les vertus. Il souligne ainsi le "rôle important" qu'elle joue pour le climat, la biodiversité, l'énergie et la sécurité alimentaire, et plus largement pour l'économie de l'Union, singulièrement "dans les zones rurales et côtières". Mettant en exergue son rôle "pour les zones rurales dynamiques", notamment "pour la création et le maintien d'emplois, de la croissance et de l'égalité des chances dans l'ensemble de l'UE et de ses régions", les Vingt-Sept soulignent "qu'il importe de trouver des solutions durables dans les zones rurales et de garantir aux producteurs primaires, aux propriétaires fonciers, aux PME et à d'autres acteurs ruraux des revenus accrus et diversifiés dans les secteurs de la bioéconomie". Et ce, en reconnaissant et en utilisant "les spécificités régionales et locales, y compris les spécificités des petites économies géographiquement isolées et des régions ultrapériphériques". Des freins persistent, comme en témoigne par exemple la récente question au gouvernement du sénateur Max Brisson (Pyrénées-Atlantiques, LR) sur la valorisation de la laine de brebis, qui se heurte à la réglementation européenne pour son utilisation comme fertilisant.
La PAC, mais pas que
Rappelant que la bioéconomie "fait partie intégrante d'un objectif spécifique de la politique agricole commune 2023-2027", le Conseil invite la Commission à suivre sa prise en compte dans les plans stratégiques des États membres – celui de la France y fait régulièrement référence, indiquant notamment que "les filières de la bioéconomie (2 millions d'emplois directs) […] contribuent à la résilience des territoires ruraux".
Au-delà, il l'encourage à l'introduire "en tant qu'objectif spécifique dans d'autres politiques et instruments", l'invitant même "instamment" à améliorer ses analyses d'impact afin de mieux tenir compte de la cohérence des politiques, alors qu'est pointé par ailleurs "le risque qu'apparaisse un déficit de disponibilité de la biomasse" (un risque également relevé par FranceAgriMer dans une étude publiée en octobre dernier). Le Conseil insiste également "sur la nécessité de disposer d'une main d'œuvre qualifiée" pour permettre son développement, "en particulier dans les zones rurales" (voir notre article du 23 février 2023). Il reconnaît par ailleurs "la valeur des réseaux de collaboration entre régions pour l'échange d'expériences, de connaissances et de bonnes pratiques", estimant que "le transfert de connaissances vers les régions moins développées et les zones rurales devrait être facilité". Il souligne encore la nécessité de soutenir son développement "dans les États membres où les progrès sont lents", se gardant de les désigner.
FranceAgriMer désormais à la baguette
En France, une telle stratégie avait été présentée en conseil des ministres le 18 janvier 2017, déclinée en plan d'actions 2018-2020 l'année suivante (voir notre article du 28 février 2018). Il n'a pas été renouvelé, le ministère de l'Agriculture ayant depuis demandé à FranceAgriMer d'instaurer une commission thématique interfilières (CTI) dédiée à la bioéconomie pour "inscrire cette dynamique dans le temps". Elle a été créée par arrêté du 19 août 2019. "C'est dorénavant dans ce cadre qu'est élaboré, mis en œuvre et évalué le programme de travail pluriannuel en faveur de la bioéconomie", expliquait ainsi le ministère de l'Agriculture l'an passé, en réponse à une question du député Richard Ramos (Modem, Loiret). La commission s'est réunie à six reprises depuis sa création (la dernière fois le 11 janvier dernier, après une année blanche en 2022). Elle comprend quatre groupes de travail : "biocarburants" ; "méthanisation agricole et agroalimentaire" ; "coproduits animaux" et "produits biosourcés innovants".