Déchets : la fédération des collectivités de compostage ne se résout pas à la mort des unités de traitement mécano-biologique
La Fédération nationale des collectivités de compostage (FNCC), avec le renfort d’Amorce et de Méthéor, se mobilise pour convaincre les parlementaires que les "unités de valorisation énergétique et organique" (Uvéor), descendantes des unités de traitement mécano-biologique menacées par la législation, soient reconnues comme un outil de l’économie circulaire. Elle souligne que ces installations permettent à la fois la production d’énergie via les combustibles solides de récupération et l’amendement des champs grâce à la matière organique qu’elles récupèrent. À défaut, les collectivités concernées, souvent rurales, seraient contraintes d’enfouir ou "d’exporter" leurs déchets, alerte l’association.
Ne m’appelez plus jamais TMB ! Consciente que les unités de traitement mécano-biologique (TMB) n’ont pas bonne presse, "sur la base d’argumentaires peu étayés", la Fédération nationale des collectivités de compostage (FNCC) privilégie désormais le terme d’Uvéor – pour "unité de valorisation énergétique et organique". Une notion qui "met en avant le fait que ces unités permettent notamment de produire du combustible solide de récupération (CSR)", explique Vincent Veron, délégué général de l’association, lors d’une conférence de presse que cette dernière a organisée ce 27 avril aux côtés d’Amorce et de Méthéor*. Presqu’un an jour pour jour après le rejet par le Conseil constitutionnel de sa question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions restreignant le développement de ces installations TMB (voir notre article du 22 avril 2022). Un anniversaire que l’association n’entendait évidemment nullement célébrer.
Le spectre du décret socle commun
Au-delà de "redorer leur blason", la FNCC s’emploie surtout à sauver ces installations d’une mort à laquelle les condamnent progressivement les évolutions législatives : la loi sur la transition écologique et la croissance verte de 2015 d’abord (voir notre article du 31 août 2015), la loi Agec de 2020 et ses textes d’application de 2021 (voir notre article du 2 juillet 2021) ensuite. Le coup fatal pourrait toutefois être réglementaire, porté par le toujours attendu (voir encadré) décret dit de "socle commun" relatif aux critères de qualité agronomique et d’innocuité pour les matières fertilisantes et les supports de culture (MFSC), dont la version provisoire (la deuxième) n’invite guère l’association à l’optimisme. Sans modification, les TMB ne pourraient en effet pas continuer à produire de compost à compter de 2027, et ne pourraient même pas envisager une sortie via l’épandage, "puisque le volet sur les inertes prévoit en l’état que les déchets seraient soumis aux mêmes seuils, très faibles, que le compost", s’alarme Vincent Veron. Sur les 38 unités TMB encore existantes (22 de tri-compostage, 12 de tri-méthanisation et 4 de stabilisation), qui permettent "de traiter près de 11% du tonnage national d’ordures ménagères résiduelles" et "dont certaines ne sont pas encore amorties", 2 seulement (de tri-méthanisation) seraient susceptibles de répondre aux normes envisagées par le projet de texte.
Chasse aux sorcières
Une hérésie, pour les promoteurs des Uvéor, qui mettent en avant le fait que ces équipements permettent de ne pas enfouir ou brûler les déchets valorisables (épluchures, restes de repas, verre, carton, piles…) "oubliés" par les habitants dans leurs poubelles. Au passage, ils relèvent que les unités de valorisation énergétique (incinération) et l’enfouissement "ne sont eux pas soumis aux mêmes contraintes". Et dénoncent à la fois une chasse au TMB "dogmatique", "sans appui scientifique", et la méconnaissance du sujet par le ministère de la Transition écologique et de l’Ademe, qui ne tiendraient nullement compte du rapport coûts/bénéfices de cette solution et des conséquences de sa disparition. Les collectivités concernées, "souvent dans des territoires à dominante rurale, n’auront d’autre choix que d’enfouir les déchets ou de les exporter", se désespère ainsi Damien Grasset, président de la FNCC. L’élu met également en relief la perte des quelque 250.000 tonnes de compost "normé" – 97% étaient conformes à la norme NF U44-051 en 2021, est-il souligné – que ces installations produisent et valorisent chaque année. Un compost "apprécié des agriculteurs" alors que "le prix des amendements chimiques s’envole et que la France va manquer d’amendements organiques".
Sensibiliser les parlementaires
La FNCC et ses alliés n’entendent toutefois pas rendre les armes. Ils veulent sensibiliser les parlementaires à ces enjeux, en leur faisant visiter les installations TMB d’une part, et en organisant une rencontre avec eux à Paris le 14 juin prochain. "L’objectif est d’obtenir qu’une commission parlementaire fasse évoluer la législation, en reconnaissant l’Uvéor comme un outil de développement circulaire", précise Damien Grasset. À tout le moins, la FNCC espère la nomination par l’Ademe – où "il n’y a plus personne qui suit le dossier", déplore le président de l’association – d’un référent technique dédié à la filière "pour rouvrir un débat scientifique et technique", ainsi qu’une évaluation des bénéfices/risques du retour au sol de la matière organique issue d’Uvéor dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. Dans une récente étude, l’Inrae observait d’ailleurs que les amendements organiques seront d’autant plus nécessaires dans le cadre d’une agriculture sans pesticide par ailleurs souhaitée (voir notre article du 27 mars 2023).
* Association pour la méthanisation écologique des déchets
L’arlésienne du décret socle"On nous a encore menti", s’indigne Jean-Pierre Bugel, président délégué de Méthéor, en indiquant qu’une nouvelle version – la troisième – du décret socle devait être transmise cet avril aux parties prenantes, "alors que la version qu’on a dans les mains date de 2021". "Les travaux sont en cours", indiquait en septembre dernier le ministère de l’Agriculture au sénateur Éric Kerrouche, lequel lui demandait de "revoir ce projet de décret et la progressivité de sa mise en application, en s'appuyant sur une étude d'impact plus étayée". La parution au Journal officiel ne semble toutefois pas pour tout de suite, puisque le ministère rappelait que le projet, "une fois finalisé, devra faire l'objet d'un examen pour avis du Conseil national d'évaluation des normes, du Comité national de l'eau et du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques", puis être soumis à consultation du public et être notifié à la Commission européenne. Or les travaux s’éternisent. Dans sa séance du 3 décembre 2021, le Comité national de l’eau indiquait une "stabilisation" de la troisième version du texte au 1er trimestre 2022, une consultation du public, du Cnen et du CSPRT et d’une notification à la Commission au deuxième trimestre 2022, une saisine du Conseil d’État et une publication au troisième trimestre 2022. Dans une réponse au sénateur Franck Menonville d’octobre dernier, le ministère de la Transition écologique évoquait, lui, une consolidation de la troisième version "avant fin 2022" . |