Fiscalité environnementale - Le Conseil constitutionnel se prononce sur l'assujettissement des déchets inertes à la TGAP
Dans une décision du 18 octobre 2010, le Conseil constitutionnel a jugé, par une réserve d’interprétation, que le législateur n'avait pu soumettre à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) l'ensemble des déchets inertes reçus par les exploitants d'installation de stockage de déchets ménagers. Le Conseil a en effet été saisi le 19 juillet 2010 par la cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par trois opérateurs privés de gestion des déchets. Cette question portait sur la conformité au principe de l'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 des dispositions des articles 266 sexiès I (1 et 8, a et b) et 266 septiès (1 et 8, a et b) du Code des douanes (dans leur rédaction issue de la loi du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000).
Instituée par la loi de finances du 31 décembre 1998 pour 1999 et entrée en vigueur au 1er janvier 2000, la TGAP s'est substituée à cinq taxes parafiscales. Codifiée aux articles 266 sexies à 266 quindecies, 268 ter et 285 sexies du Code des douanes, la TGAP portait initialement sur quatre catégories d’activités polluantes dont le stockage de déchets ménagers et assimilés ainsi que l’élimination de déchets industriels spéciaux.
Selon les dispositions du 1 du paragraphe I de l'article 266 sexies du Code des douanes (dans leur rédaction issue de la loi du 29 décembre 1999), cette taxe est due par tout exploitant d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés et tout exploitant d'une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux par incinération, coincinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique non exclusivement utilisées pour les déchets que l'entreprise produit. Le fait générateur de la taxe est constitué par la réception de déchets par ces exploitants. Les déchets inertes (définis au III de l’article 266 sexies comme des déchets qui ne se décomposent pas, ne brûlent pas et ne produisent aucune autre réaction physique, chimique ou biologique de nature à nuire à l’environnement) sont notamment soumis à la TGAP, lorsqu'ils sont réceptionnés dans de telles exploitations.
Aux termes du 8 du paragraphe I de l'article 266 sexies, la TGAP est également due par les exploitants des installations classées soumises à autorisation au titre du livre V du titre Ier du Code de l’environnement. En revanche, sont exclues de la TGAP sur les déchets les installations de stockage de déchets inertes pouvant réceptionner les terres et gravats inertes issus du BTP ou des déchets industriels inertes, car non considérées comme des installations classées au sens du livre V du Code de l’environnement.
Les requérants dénonçaient une violation du principe de l'égalité devant les charges publiques, ce dispositif fixant des règles d'assujettissement différentes selon que les déchets inertes, de même nature, sont mis en dépôt dans des installations de stockage de déchets inertes ou dans des installations de stockage des déchets ménagers afin d'y être utilisés comme "matériaux de couverture" de ces déchets.
Le Conseil constitutionnel insiste sur le caractère incitatif de cette taxe en relevant que l'objectif du législateur en instituant la TGAP a été de réduire la consommation des produits polluants et de limiter le développement des activités polluantes. Dès lors, le législateur a notamment soumis à la TGAP les exploitants d'installations de stockage de déchets ménagers pour l'ensemble des déchets (y compris inertes) qu’ils réceptionnent. En revanche, il n'a pas assujetti à cette taxe, au titre du stockage de déchets inertes, les exploitants des installations spécialement destinées à recevoir ces déchets. En conséquence, le Conseil juge que les dispositions contestées du Code des douanes (dans leur rédaction résultant de la loi du 29 décembre 1999) ne sauraient être interprétées sans méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques, comme soumettant à la TGAP l'ensemble de déchets inertes reçus par les exploitants d'installation de stockage de déchets ménagers. Cette réserve d'interprétation exclut du fait générateur de la TGAP pour la période considérée les déchets inertes et met ainsi un terme pour cette période à l'inégalité de traitement dénoncée par les sociétés requérantes, relève le Conseil dans son communiqué.
Depuis le 1er janvier 2003 (c’est-à-dire postérieurement aux faits de l’espèce), en vertu de l'article 266 sexies III modifié par la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, les réceptions de matériaux ou déchets inertes sont exonérées dans la limite de 20% de la quantité annuelle totale de déchets reçus par installation de stockage de déchets ménagers et assimilés (sous réserve que les déchets inertes n’aient pas été achetés par l’exploitant), ce afin de favoriser leur mise en décharge. La TGAP a été modifiée quasiment tous les ans depuis dix ans. La loi de finances pour 2009 a notamment complété ce dispositif et étendu le champ d'application de la TGAP sur les déchets aux installations d'élimination de déchets ménagers et assimilés par incinération. La loi de finances initiale pour 2010 a quant à elle modifié le calendrier déclaratif et de paiement de la TGAP. Pour y voir plus clair dans cette réglementation qui demeure complexe, une circulaire du 6 avril 2010, du ministère du Budget, expose en détail les dispositions applicables, à compter du 1er janvier 2010, à l'ensemble des composantes de la TGAP (à l'exception des composantes relatives à la TGAP sur les carburants et sur les imprimés).
Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions